Si John Adams compte parmi les compositeurs contemporains les plus en vue, son œuvre continue de susciter des malentendus, en France mais aussi (pour d’autres raisons) dans son pays d’origine. Il est vrai que son théâtre a de quoi dérouter : auteur de six opéras, de deux oratorios scéniques et d’un musical, Adams y élabore un art du détournement qui interroge les hiérarchies esthétiques.
Ni conservateur, ni rebelle, il préfère une pratique du pas de côté qui rend cette opposition inopérante. Il regarde moins vers l’Europe que vers l’Asie et le monde hispanophone ; il s’agit pour lui d’opérer un décentrement fécond, de diriger l’attention vers les marges de la société et de la culture américaines afin de faire comprendre l’importance de ce qui s’y joue. C’est ce qui confère à son théâtre sa remarquable portée critique. Si Adams s’y plie aux conventions formelles du grand opéra historique ou de l’oratorio, ce n’est pas par conservatisme, mais pour en faire un miroir tendu à l’Amérique à la faveur d’une entreprise de défamiliarisation qui doit beaucoup à Brecht. D’où son extrême intérêt pour la littérature, dont il apprécie plus que tout la capacité de questionnement.
Professeur de littérature américaine à Université Paris Cité, Mathieu Duplay s’intéresse aux relations complexes que l’écriture littéraire entretient avec d’autres modes de pensée et d’expression (philosophie, théologie, esthétique…). Son travail sur les frontières du littéraire le conduit notamment à étudier la musique et le théâtre musical américains, de John Cage à Stephen Sondheim. En collaboration avec Anne Boissière, il est l’auteur d’un ouvrage consacré à la philosophe Susanne K. Langer, Vie, symbole, mouvement, Susanne K. Langer et la danse (2012).