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Les pouvoirs du médecin au XIXe siècle (Florence/Rouen)

Les pouvoirs du médecin au XIXe siècle (Florence/Rouen)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Florence Fix)

Appel à communications

Le pouvoir du médecin : portraits, discours, influences

Colloque international (Florence, 27 octobre 2023/Rouen, 29 mars 2024)

 

Responsables scientifiques : Florence Fix (Université de Rouen), Barbara Innocenti (Université de Florence), Michela Landi (Université de Florence) 

Partenaires : Société des Études Romantiques et Dix-neuviémistes (SERD) ; Unité de recherche « Letteratura, medicina e scienze » (Université de Florence-DILEF) ; CEREdI (Université de Rouen, EA 3229) ; Université Franco-Italienne

  

Argumentaire

Avec les progrès de la biologie, de la chirurgie, ainsi que la mise en place progressive de politiques de santé, la médecine participe de l’euphorie que suscite l’affirmation d’un nouveau paradigme scientiste au XIXe siècle. Elle ne s’émancipe pas toutefois de mythologies et imaginaires qui lui voient attribuer le rôle sotériologique ou thaumaturgique qui revenait, auparavant, à la religion, et ne conjure pas davantage la méfiance ou l’inquiétude. Exerçant son pouvoir de guérison dans un monde sécularisé, le médecin compose avec les sciences exactes en vue d’assurer son assise scientifique, mais ne se départit pas de ses pouvoirs de fascination et d’autorité, contestée ou révérée, contestable et admirable (le Docteur Pascal), qui s’étendent en dehors du cabinet de consultation ou de la leçon hospitalière, sa crédibilité sociale reposant aussi sur une activité mondaine. Charcot a une présence importante dans les salons, ses apparitions « spectaculaires » à la Salpêtrière méritent d’être considérées aussi à l’aune du jeu social mené à Paris. La « fantasmagorie médicale » propose des praticiens entre psychagogie et scientificité, entre lumières et ésotérisme : de Mesmer à Cagliostro, au Comte de Saint-Germain, nombreuses sont les figures qui s’affirment en tant que médecins thaumaturges, alors que la phrénologie s’impose au début du siècle avec Franz Joseph Gall, que la médecine peut se faire spectacle (Charcot, par ailleurs personnage d’Une leçon clinique à la Salpêtrière d’André Brouillet en 1887), débat juridique sur l’hypnose, ou lecture de l’Histoire (Dr Cabanès). Les médecins sont hommes de réseaux culturels, politiques et littéraires : il existe un réseau autour de Maury, autour de Pouchet, que fréquente Flaubert, médecins qui exercent une influence sur son œuvre, sa vision du monde, de l’homme, comme sur Michelet amené à se tourner vers les sciences naturelles. Leur présence “spectrale” et les romans du médecin ou de l’hôpital comme lieu d’expérimentation des discours et des pratiques (B. Marquer) sont un trait marquant de la fiction documentée au XIXe siècle.

Le pouvoir du médecin, s’affirmant par une gestuelle et une rhétorique, dans ses choix, ses erreurs, sa part d’arbitraire est un sujet de roman, c’est aussi parfois une rencontre avec un médecin réel comme le Docteur Blanche qui influence les écrivains. Balzac, se souvenant d’E.T.A Hoffmann et, vraisemblablement de la transfiguration romanesque, dans L’homme au sable (1817), du médecin Spallanzani, adopte Balsamo dit Cagliostro en personnage de ses nouvelles. Lui attribuant un pouvoir analogue à l’illusionnisme littéraire qu’il pratique lui-même, Balzac finit par en être conquis : au point que, ainsi que le raconte Octave Mirbeau dans La mort de Balzac, le romancier aurait réclamé à la place de Nicquard, le médecin qui l’assistait dans ses derniers moments, sa créature de papier, Bianchon. La surpuissance de la médecine est dénoncée par Hector Malot, notamment le pouvoir répressif des aliénistes dans les asiles, quand d’autres ravivent les capacités plus mystérieuses des rebouteux (George Sand) et autres pratiques et parlers traditionnels. Au centre du débat reste la question délicate de l’éthique médicale, surtout face aux maladies de la volonté, dont l’enjeu se trouve à mi-chemin entre la philosophie (Schopenhauer) et la médecine (Théodule Ribot).

À ce titre, nombreuses sont les marques de l’influence du discours médical dans les lettres : de la récurrence extraordinaire des métaphores nosologiques à la terminologie médicale tout aussi bien en poésie (on songe, bien sûr, à Baudelaire, et à ses planches d’anatomie) que dans la prose, des tentatives d’ekphrasis de quelques scènes d’anatomie (encore Baudelaire, dans Quelques caricaturistes étrangers à propos d’Hogarth) à certaines marques affectives et modales qui « contaminent », et « pathologisent » le discours définitionnel de type scientifique. On pourra penser ainsi également aux grandes découvertes sur la physiologie féminine et la manière dont elles informent l'imaginaire du féminin : la découverte de l’ovulation par Pouchet en 1847, la théorie de l’imprégnation (ou télégonie), moteur romanesque qui joue chez Zola et qui inspire à Michelet une valorisation de la virginité quasi mariale, les grands traités de l’hystérie (sous la plume d’Hector Landouzy, puis de Jean-Louis Brachet, puis Pierre Briquet et en fin de siècle Charcot, puis Freud).

Nosographies et études des symptômes de la folie par l’écriture littéraire (Nerval, Nodier), mimétisme rival, avec la figure du médecin en sophiste (Balzac, Flaubert), attitude satirique et anti-utilitaire contre le discours médical (Baudelaire, Flaubert), appropriation du privilège scientifique de la parole médicale (Hugo, Goncourt, Zola), hantise paranoïaque du médecin (Maupassant), gratitude à l’égard du personnel soignant et de l’assistance publique (Verlaine), tracent les contours d’une relation au médecin. Ce sont ces enjeux que le colloque se propose d’aborder, sans exhaustivité :

-       Pouvoir abusif d’un médecin, autorité, contrainte

-       Erreurs médicales et « mauvais » médecins

-       « Magie » et séduction du pouvoir médical, emprunts à l’ésotérisme, au spectacle, à la foi

-       Effets du pouvoir du médecin

-       Contre-pouvoirs au médecin et médecines alternatives

-       Lieux de pouvoir du médecin

-       Pouvoir de médecins réels sur des écrivains

Le colloque aura lieu en deux volets : à l’Université de Florence, le 27 octobre 2023, sur les pouvoirs du médecin et de la médecine (corps, discours, influence politique, lieux), à l’Université de Rouen, le 29 mars 2024, sur les erreurs du médecin et les contre-pouvoirs. Des pouvoirs de Bianchon à ses égarements, les propositions peuvent s’adresser à l’une ou l’autre des deux journées, ou les deux.

Modalités de soumission : les propositions de communication, en français, doivent comporter un titre, un résumé et une courte notice biographique. Elles doivent être envoyées avant le 9 juin 2023 à Florence Fix : florence.fix@univ-rouen.fr et Michela Landi : michela.landi@unifi.it

Les communications sont acceptées en français, anglais et italien.

Comité scientifique

Florence Fix (Université de Rouen) ; Michela Landi (Université de Florence-DILEF) ; Barbara Innocenti (Université de Florence-DILEF) ; Donatella Lippi (Université de Florence-Dépt. de Médecine clinique et expérimentale) ; Sylvain Ledda (Université de Rouen) ; Eléonore Reverzy, (Université Sorbonne nouvelle) ; Bertrand Marquer (Université de Strasbourg) ; Émilie Pézard (Université de Poitiers) ; Sophie Mentzel, (Université de Tours) ; Jean-Claude Yon (EHESS)



Bibliographie indicative

-Aron Jean-Paul et Adler Laure (dir.), Misérable et glorieuse, la femme au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1984.

- Bayard Pierre, Maupassant, juste avant Freud, Paris, Minuit, 1994.

- Béguin Albert, L’âme romantique et le rêve (1937), Paris, José Corti, 1939.

- Benveniste Émile, « La doctrine médicale des Indo-Européens », Revue d’histoire des religions, LXV, t. 129 (1945), p. 5-12.

- Borie Jean, Mythologies de l’hérédité au XIXe siècle, Paris, Galilée, 1981.

- Cabanès Jean-Louis, Philippot D., Tortonese Paolo (dir.), Paradigmes de l’âme. Littérature et aliénisme au XIXe siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012.

-Cabanès J.-L., Le Corps et la maladie dans les récits réalistes, Paris, Klincksieck, 2 volumes, 1991.

- Carlino Andrea, Wenger Alexandre, Littérature et médecine : approches et perspectives (XVIe-XIXe siècles), Genève, Droz, 2007.

- Corbin A., Courtine J.-J., Vigarello G.  (dir.), Histoire du corps, Paris, Seuil, 2005 (3 vol.).

- Derrida Jacques, « La pharmacie de Platon », La dissémination, Paris, Seuil, 1968, p. 77-214.

- Fix Florence (éd.), Tous malades. Représentations du corps souffrant, Paris, Orizons, « comparaisons », 2018.

- Gasparini P. et Zuino. E, Nostalgie. Conceptualisation d’une émotion (dir.), Nancy, PUN-Éditions universitaires de Lorraine, 2021.

- Keel Othmar, L’avènement de la médecine clinique moderne en Europe (1750-1815), Presses de l’Université de Montréal, 2001.

- Malachy Thérèse, « Du bon usage des doctrines médicales au théâtre à travers les âges », Théâtres du monde n. 26, 2016, p. 107-117.

-Marquer Bertrand, Les Romans de la Salpêtrière. Réceptions d’une scénographie clinique : Jean-Martin Charcot dans l’imaginaire fin-de-siècle, Genève, Droz, « Histoire des idées et Critique Littéraire », 2008.

- Preiss Nathalie, Les Physiologies en France au XIXe siècle. Étude historique littéraire et stylistique, Mont-de-Marsan, Editions InterUniversitaires, 1999.

- Reverzy Eléonore, La Chair de l’idée. Poétique de l’allégorie dans Les Rougon-Macquart, Genève, Droz, « Histoire des idées et critique littéraire », 2007.

- Rousseau Georges S., “Literature and Medicine: The State of the Field”, Isis, 72 (1981), p.406-424.

- Schaeffer Jean-Marie, Les troubles du récit. Pour une nouvelle approche des processus narratifs, Paris, Thierry Marchaisse, 2020.

- Thomas Jean-Paul, La plume et le scalpel. La médecine au prisme de la littérature, Paris, PUF, 2008.

- Wenger Alexandre, « Médecine, littérature, histoire », Dix-huitième siècle, n. 46, 2014/1, p. 323-336.