Actualité
Appels à contributions
Appel à textes pour le numéro 45 de la revue Archipel (Lausanne) :

Appel à textes pour le numéro 45 de la revue Archipel (Lausanne) : "Littérature et champignon"

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Revue Archipel)

La revue Archipel est une revue littéraire romande issue des murs de l'Université de Lausanne (UNIL), qui rassemble des contributions critiques et créatives d'écrivain·e·s débutant·e·s et aguerri·e·s, dans une logique de partage des savoirs. Pour son 45e numéro, après s'être intéressé aux dinosaures, à la photolittérature, aux récits de complots et aux voitures, Archipel s'attaque aux...champignons !

Parfois comestible, il est alléchant en omelette, en sauces, ou en huile. À cause de certains spécimens aptes à rendre les logements insalubres, à détruire des récoltes ou à empoisonner, il se révèle inquiétant. Versatile, on l’utilise pour fabriquer du cuir végan, imiter la viande, assainir des espaces pollués, ou encore en médecine, selon de multiples usages. Au niveau lexical, les immeubles poussent ainsi, appuyer dessus fait avancer plus vite et, parfois, il est magique.

Pour son 45e numéro, la revue Archipel choisit de s’intéresser à un être vivant longtemps inclassable, bien qu’omniprésent dans notre environnement, rangé à tort du côté des végétaux avant de se voir doté de son propre règne : il s’agit du champignon. Si l’image de la dangereuse amanite tue-mouche, avec son chapeau rouge à pois blancs, s’impose d’emblée dans nos imaginaires, cette représentation n’est en réalité que la partie émergente de l’iceberg fongique. Le mycélium étend en effet ses filaments invisibles dans l’humus des forêts, tandis que d’autres espèces colonisent les murs de nos salles de bains ou participent à l’élaboration de boissons healthy bobo et populaires, comme le kombucha.

Ainsi, malgré plusieurs qualités étonnantes, les champignons n’ont pas toujours bonne presse, et encore moins par le passé : alors que les champignons hallucinogènes ont été valorisés par les guides spirituels de diverses communautés autochtones des Amériques, les philosophes et intellectuels des périodes antiques et médiévales en Europe ont considéré cette anomalie biologique avec beaucoup de suspicion. Non seulement les champignons peuvent être mortels, selon les espèces, mais ils poussent à ras le sol, ce qui les rapproche beaucoup plus des Enfers que du Paradis. À quoi bon s’intéresser à ces êtres le plus souvent dangereux, voire sans doute sataniques, quand on peut se contenter des autres merveilles de la terre ?

Cependant, les recherches modernes en biologie ont su démystifier, en partie, ces étranges membres de la communauté des vivants, et les institutions relayant les sciences naturelles portent un vif intérêt à ces découvertes. La Swiss Systematics Society a élu le Clytobula ellipsospora, découvert par des chercheurs genevois, « Nouvelle espèce de l’année 2023 ». 

Avec des publications importantes comme celle de l’anthropologue Ana Tsing, Le champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vie dans les ruines du capitalisme, les sciences sociales investissent elles aussi, actuellement, le sujet. Et si le champignon détenait les clés de notre survie au drame environnemental qui se prépare ? Dans la poursuite de ces réflexions, cet être unique a récemment été mis à l’honneur, à l’écran, dans la dernière série issue des écuries HBO, The Last of Us (adaptée du jeu vidéo éponyme). Celle-ci met en scène des sociétés humaines menacées et quasiment détruites par la mutation, conséquente au réchauffement climatique, d’un champignon parasite, donnant lieu à diverses trouvailles esthétiques et scénaristiques. 

En littérature, l’entrée en scène de ces êtres fongiques fut hésitante, bien qu’ils se soient sans cesse immiscés dans le décor — pour le meilleur ou pour le pire. Shakespeare et les poètes anglais de son époque l’associent souvent à la mort ; mais il en va autrement en Russie, alors que la princesse Dolly, dans Anna Karénine, emmène ses enfants cueillir des champignons au retour de l’église, associant l’activité à la joie de la découverte et au plaisir du partage. Il s’agit même d’une forme heureuse de rite initiatique de sortie de la petite enfance. Des écrivains des années 50, comme Henri Michaux, se servent même des champignons hallucinogènes pour stimuler leur imagination et engendrer leurs univers fictifs. Pullulant en forêt, en mer, ou dans les espaces urbains, ils se révèlent donc tout aussi envahissant dans nos fictions. Mortelle fricassée dans Les Proies (film de Sofia Coppola en 2017, ou alors le film de Don Siegel de 1971, c’est selon), ingrédient psychédélique du cocktail perceptif de Las Vegas Parano, énorme protubérance dans L’étoile mystérieuse d’Hergé… Géant, il l’est souvent, et en forêt de surcroît, par exemple lors du Voyage au centre de la Terre, sur l’île de Peter Pan, ou dans le rêve d’Alice aux pays des merveilles. C’est d’ailleurs lui qui permet à la jeune héroïne de changer drastiquement de taille, une fois ingéré, après avoir servi de sofa à la chenille Absolem et de socle au narguilé de cette dernière.

Comme en sciences, les chercheur·euse·s en lettres se sont également intéressé·e·s, récemment, à cette omniprésence dans leur domaine respectif : c’est le cas de Céline Guilbert, qui recense avec soin une quantité phénoménale d’apparitions fongiques et psychotropes en littérature dans son livre Écrits stupéfiants (2019). 

Qu’il modifie les proportions ou les perceptions, le champignon se caractérise aussi par sa double nature (remède et poison), riche en significations et propice à la symbolisation. Motif récurrent en arts visuels et plastiques, inspirant jusqu’à nos coupes de cheveux, le champignon mérite sans aucun doute toute cette attention — et pourquoi ne pas lui en donner encore plus ?

Archipel invite ainsi, par cet appel à contribution, les écrivain·e·s et chercheur·euse·s de tout acabit à aller s’aventurer dans nos vastes forêts créatives et littéraires, à la recherche de spécimens rares, peut-être même uniques, ou communs, envahissants.

Les textes, de 20 000 signes maximum, sont attendus pour le 30 juin 2023. Nous rappelons en outre que le format de la revue limite quelque peu les folies typographiques ou les explorations de mise en page. 

En nous réjouissant de vous lire, préférablement en nous envoyant vos textes avec le mail ci-dessous

Le comité de rédaction 

Revue Archipel
Anthropole/BFSH2
Quartier Unil-Dorigny
1015 Lausanne
archipel@asso-unil.ch

Quelques suggestions bibliographiques

Du CHÉNÉ, Céline et Laurent PAULRÉ, Les champignons sortent du bois, [baladodiffusion documentaire de quatre épisodes], Paris, 2019, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-les-champignons-sortent-du-bois. Page consultée le 20 mars 2023.

DESPRÉS, Jean  [dir.], L’univers des champignons, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2012, 373 p.

GONTERO-LAUZE, Valérie, « Au Moyen-Âge, les champignons avaient très mauvaise réputation », dans Savoir médiahttps://savoir.media/node/3863. Page consultée le 20 mars 2023. 

GUILBERT, Cécile, Écrits stupéfiants : drogues & littérature : d’Homère à Will Self, Paris, Robert Laffont, 2019, 1440 p. 

HANDKE, Peter, Essai sur le fou de champignons. Une histoire en soi (Versuch über den Pilznarren, 2013), trad. de l’allemand par Pierre Deshusses, Paris, Gallimard, 2017, 160 p.

HATHAWAY, Michael J., What a Mushroom Lives For. Matsusake and the Worlds They Make, Princeton, Princeton University Press, 2022 [en ligne : https://doi-org.acces.bibl.ulaval.ca/10.1515/9780691225890]

THIBAULT, Th., L’amour et les champignons, Paris, Bezou, 1835, 16 p. [en ligne: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65581471.texteImage]

TSING, Anna, The Mushroom at the En of the World. On the Possibility of Life in Capitalist Ruins, Princeton, Princeton University Press, 2015, 331 p.