Comment le féminisme (moderne) s’inscrit dans les autofictions. Prose, poésie, performances expérimentales (ENS Paris)
Comment le féminisme (moderne) s’inscrit dans les autofictions. Prose, poésie, performances expérimentales
Mars 2024, propositions à envoyer avant fin juin.
Organisatrice : Isabelle Grell
« Mes performances avaient été créées pour essayer une forme de politique autre » (Chloé Delaume)
S’il n’y a pas d’écriture féminine, en revanche, il existe en littérature diverses formes de luttes pour la défense et l’émancipation des femmes. Quelques années après le séisme déclenché par MeToo qui a grand ouvert les vannes des barrages grâce à la prise de parole de personnes victimes de violence diverses (violences sexuelles, attouchements, abus de pouvoir, inceste…), il est temps de s’interroger sur le pouvoir de textes, du point de vue esthétique, sociologique, historique, des points de vues féministes, car le combat féministe est multiple. Il marche main dans la main avec les interrogations sur le genre.
De quoi, de qui, nous parlent ces écrits, qu’ils soient en prose, en poésie, des écritures expérimentales, parfois rendus visibles, audibles par des performances ?
Evidemment, les écritures du Je n’avaient pas attendu Me Too pour réagir à une société patriarcale. Déjà Colette, Violette Leduc, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir ou encore la récente Prix Nobel, Annie Ernaux, dans un travail de distanciation, de déconstruction et – parfois – de reconstruction, ont lié la conception de leur personne sexuée à leurs réflexions sur la société et leur mise en parole, mise à disposition à autrui, et ceci à corps défendant.
Cet engagement féministe, fruit d’un indispensable regard critique dans l’écriture, fait apparaître des voix, des corps qui, il n’y a pas encore si longtemps, sortaient masqués, et qui, aujourd’hui, se montrent éhontément, éclatent les structures hétéronormatives, éclaboussent le monde. Il s’agit souvent d’une écriture manifeste, de manifestations du féminisme engagées dans une écriture qui reflète grâce à une architecture esthétique une image de soi dans le monde. Car, dans cet acte militant, il ne s’agit nullement de simples reportages, mais de voix mises en style, un tissage de moi(s), de temps en texte, en corps textuel.
Dans Acrobaties dessinées, Sandra Moussempès écrit : « la notion du féminin au-delà / de quels clichés autour de quelle posture / sous quelles façades sociales / codifications gestuelles / comportementales ». Nous partons donc du fait que l’affirmation d’un discours féministe, altruiste, d’un texte, d’un poème ancrés politiquement, d’une manière générale, quand elle est produite par une personne issue d’une minorité, a nécessairement à voir avec, non pas l’identité individuelle mais celle en perpétuelle construction d’un devenir-soi qui est aussi un devenir-autre. Cela permet d’interroger une condition et une place par rapport au monde dans lequel on s’écrit. Ecrire le privé, écrire l’intime en faisant littérature, c’est déjà porter un discours féministe, c’est prendre une voix. Mais d’où est-ce que l’on parle ? Qu’est-ce qui participe à l’inscription/invention de soi dans l’autofiction ?
Lors de ces deux journées, nous souhaitons réunir auteur.e.s, chercheuses/chercheurs, doctorant.e.s, dans le but de discuter l’impact des projetions de soi dans l’écriture sur la société moderne, une écriture qui se veut, parfois plus ou moins assumée, mais le plus souvent résolument affirmée, engagée, féministe. Une écriture de plein pied dans la lutte pour l’égalité, ce qui ne signifie pas uniformité. Nous nous proposons donc d’explorer la polysémie des vocables « autofiction » et « féminisme » qui ouvrent, à notre sens, un large éventail épistémologique et disciplinaire lié aux féminismes et la question du genre dans l’écriture de soi.
Notre intérêt portera donc particulièrement sur des auteures, des poétesses et performatrices dont certaines seront présentes lors du colloque, ainsi Sandra Moussempès, Chloé Delaume, Catherine Cusset, Camille Laurens. Lors de ces deux jours, nous pourrons parler aussi de Nelly Arcan, Hélène Cixous, Nina Bouraoui, Virginie Depentes, Annie Ernaux, Marie-Pier Lafontaine, Huryia Asmahan, Claire Legendre, Déborah Lévy, Audre Lorde, Chris Bergeron, Catherine Millet, Sylvia Plath, Camila Sosa Villada, Ingeborg Bachmann, Elfriede Jelinek, Violette Leduc, Simone de Beauvoir, ou encore Assia Djebbar – entre autres. Mais les hommes aussi s’engagent pour le féminisme et la défense des minorités : pensons à Edouard Louis, Éric Reinhardt, ou encore Abdellah Taïa et alii.
Les propositions peuvent être envoyées jusqu'à fin juin à Isabelle Grell (isabelle.grell@gmail.com) sous forme de court résumé, bibliographie et CV.
Les contributrices/contributeurs auront un temps de parole de 20-25 minutes afin d’avoir du temps pour la discussion.
Aucune rétribution ni remboursement de frais de voyage ne pourront être pris en compte.
Les actes du colloques paraîtront dans l’année.