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Congrès de la SELF XX-XXI : La littérature française au grand large (XXe et XXIe siècles)

Congrès de la SELF XX-XXI : La littérature française au grand large (XXe et XXIe siècles)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Guillaume Bridet)

Congrès de la SELF XX-XXI


Appel à contributions

La littérature française au grand large (XXe et XXIe siècles)

 
Université de Bourgogne

10-12 juin 2024



Telle qu’elle s’écrit en France depuis les grandes réformes de l’enseignement orchestrées par la IIIe République dans les années 1880, l’histoire de la littérature française conçue à destination des lycéens et des étudiants est inscrite dans un cadre narratif essentiellement national. La recherche a certes produit dès les années 1920-1940 (sous les plumes de Fernand Baldenperger, Paul Hazard ou Paul Van Tieghem) et a fortiori plus récemment (sous celles de Pascale Casanova, Véronique Porra ou Jean-Marc Moura) des travaux importants qui ont renouvelé l’approche de tel ou tel auteur, genre ou courant en soulignant l’importance de la circulation des écrivains, des textes, des formes et des idées par-delà les frontières, elles-mêmes variables, de notre pays. Mais ce renouveau et ce questionnement de la recherche demeurent localisés et ponctuels et ils n’informent pas en profondeur l’écriture de l’histoire littéraire au point de donner lieu à des ouvrages théoriques ou programmatiques de grande ampleur ou de devenir un passage obligé des ouvrages de synthèse à destination des lycéens et des étudiants (comme le sont par exemple les contextualisations sociales et politiques ou a fortiori artistiques). Même s’il convient de faire la part des exigences pédagogiques et des contraintes éditoriales qui peuvent entraîner des raccourcis et qui limitent donc leur portée, il est tout à fait remarquable que ces ouvrages, même récemment parus, omettent d’interroger la caractérisation nationale qu’indique l’adjectif française. Il s’agit là d’un évitement singulier rendant difficile la mise en cause de ce que les chercheurs en sciences sociales nomment de leur côté le « nationalisme méthodologique » défini comme une tendance à considérer l’État-nation comme le cadre naturel des phénomènes que l’on étudie. Cette redondance française de l’histoire de France se trouve en effet notablement battue en brèche dans le domaine de la recherche et de l’enseignement de l’histoire et de la sociologie. Depuis l’apparition dans les années 1980 de la notion de transfert culturel (Michel Espagne, Michael Werner), toute une série de travaux ont vu le jour sous diverses dénominations (histoire comparée, histoire croisée, histoire connectée ou histoire transnationale), tandis que se sont développées à partir de la fin des années 1990 les études postcoloniales venues des États-Unis. Rien de tout cela n’atteint toutefois réellement les grands cadres programmatiques de l’écriture contemporaine de l’histoire de la littérature française telle qu’elle se pratique en France. 

Cette manière d’écrire l’histoire est l’héritière de la double invention, aujourd’hui encore trop peu interrogée sur le temps long de ses effets, d’un côté, des « classiques » tout au long d’un XIXe siècle transformant le XVIIe siècle en emblème national, et, de l’autre, d’une discipline d’enseignement marquée par le patriotisme et l’expansion coloniale de la IIIe République. Ses motivations profondes sont intimement liées à la fonction qu’a occupée, qu’occupe en partie encore la littérature dans l’imaginaire national de la France, en tous les cas des élites françaises les plus cultivées, et qu’on retrouve aujourd’hui dans certaines histoires littéraires à destination du grand public. Patrie des écrivains assumant depuis le xixe siècle un pouvoir spirituel et chargés de répandre les lumières de sa culture essentiellement littéraire sur le monde, il n’est pas étonnant que la France ait conçu l’histoire de sa littérature et son enseignement comme l’occasion d’exalter ses qualités éminentes, à la fois uniques et universelles, purement indigènes et valables pour l’ensemble de l’humanité. 
 
À l’heure où un retour au « grand récit national » est préconisé avec insistance par certains milieux intellectuels et politiques français dans un contexte de crainte des flux migratoires, ce congrès cherchera à proposer des pistes de réflexion pour écrire une autre histoire ou plutôt d’autres histoires de la littérature française qui l’ouvriraient au grand large des circulations multiples caractérisant l’histoire des peuples et des cultures. Toute une série de faits requièrent notre attention, des appels de l’Orient des années 1920 à la vogue de la littérature américaine dans les années 1940-1950, de l’exil de nombre d’écrivains au moment de la Seconde Guerre mondiale aux résidences d’écriture qui leur permettent aujourd’hui de séjourner à l’étranger, des échanges qui n’ont cessé d’avoir lieu entre écrivains de métropole et écrivains des colonies ou des anciennes colonies en passant par les traducteurs et les éditeurs qui donnent à lire des textes de littérature étrangère et qui nourrissent ainsi la vie intellectuelle et littéraire en langue française. À côté de retours éventuels sur la littérature française comme objet scolaire constitutif d’une discipline et comme produit national emblématique ancré dans l’imaginaire national, sur le lien entre nationalisme et littérature française ou sur l’insertion de la littérature dans différentes versions du « roman national », plusieurs pistes théoriques, méthodologiques et pédagogiques pourront être suivies afin de montrer que la littérature et la vie intellectuelle françaises ne cessent de se nourrir d’apports étrangers et se trouvent engagées dans des dynamiques interculturelles riches et variées. 

On suivra plus spécialement les pistes suivantes (la liste n’est pas limitative) qui permettront d’identifier des objets neufs ou de considérer d’une manière nouvelle des objets déjà bien répertoriés par l’histoire littéraire :
- les thèmes, formes, idées ou valeurs puisés dans des cultures étrangères et qui ont une présence dans la littérature française,
-  le rôle que jouent les passeurs et leurs réseaux, les traducteurs et leur rythme dans ce passage entre les cultures,
- les catégories en usage chez les écrivains et les pratiques qui leur sont associées pour nommer le goût de l’étranger ou le dépassement du cadre national : exotisme, impérialisme, cosmopolitisme, internationalisme, tiers-mondisme, littérature-monde, etc.
- la littérature coloniale et post-coloniale, soit à la fois ce qui s’écrivit et se publia dans les colonies aussi bien qu’en France métropolitaine, avant comme après la colonisation, par des métropolitains aussi bien que par des colons ou des colonisés,
- les œuvres témoignant de contextes historiques lors desquels la France elle-même a été territorialement occupée ou mentalement sollicitée par diverses puissances impériales,
- des auteurs séjournant à l’étranger, en particulier lors de voyages, dans des situations d’exil ou d’expatriation, et y produisant ou en rapportant des œuvres,
- des lieux précis, frontières, villes ou territoires éloignés de la métropole, donnant lieu à des connexions localisées de plusieurs peuples, cultures et / ou langues,
- des dates ou des conjonctures particulièrement révélatrices de l’enrichissement culturel de la littérature française par l’étranger,
- des auteurs, des œuvres ou des institutions (revues, maisons d’édition, etc.) à l’ancrage culturel pluriel, entre les peuples, les langues et / ou les nations, en particulier du fait des migrations de tous ordres,
- des œuvres de littérature française écrites dans d’autres langues que le français,
- le dédoublement des adjectifs français et francophone d’un point de vue disciplinaire et académique et l’identification des processus de captation ou de mise à distance qu’il permet d’opérer,
- certaines notions critiques comme postcolonial, transnational, transaréal, hybride, etc. telles qu’on peut en user concernant la littérature française,
- les différentes échelles possibles à laquelle doit être conçue la littérature française : locale, régionale, nationale, européenne ou mondiale.

Cet appel de la Société d’Étude de la Littérature de Langue Française du xxe et du xxie siècles s’adresse aussi bien aux chercheurs, aux enseignants chercheurs qu’aux doctorants. Le congrès accueillera des spécialistes de littérature française mais il sera également tout particulièrement ouvert aux chercheurs spécialistes des littératures francophones, aux chercheurs en littérature générale et comparée, ainsi qu’aux historiens et sociologues spécialistes des échanges culturels et des métiers du livre. L’accent sera également mis sur l’internationalisation des contributrices et contributeurs.

Propositions :
Les propositions de 3 000 à 5 000 signes et accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique peuvent être individuelles ou présentées sous la forme d’un panel thématique (3 à 5 intervenants). Elles doivent être envoyées à Guillaume Bridet et Virginie Brinker. Elles seront discutées par un comité scientifique.

Calendrier :
- Date limite pour les propositions : 1er septembre 2023.
- Réponse : 1er octobre 2023.
- Programme : 30 janvier 2024.
- Congrès : lundi 10 - mercredi 12 juin 2024. 

Organisation :
Le congrès aura lieu à l’Université de Bourgogne avec le soutien des équipes CPTC et THALIM. Les participants devront prendre en charge leur voyage et leur hébergement. Un dîner collectif leur sera offert, ainsi que les déjeuners. La participation au colloque comprend la cotisation à la SELF XX-XXI : 50 € pour les chercheurs et 30 € pour les étudiants.

Organisateurs et contacts :
- Guillaume Bridet : guillaume.bridet@sorbonne-nouvelle.fr 
- Virginie Brinker : Virginie.Brinker@u-bourgogne.fr 

Comité scientifique :
- Guillaume Bridet (Université Sorbonne nouvelle/THALIM)
- Virginie Brinker (Université de Bourgogne/CPTC)
- Maxime Del Fiol (Université Paul Valéry/RiRRa 21)
- Xavier Garnier (Université Sorbonne nouvelle/THALIM)
- Marina O. Hertrampf (Universität Passau)
- Abdoulaye Imorou (University of Ghana)
- Maëline Le Lay (CNRS/THALIM)
- Tristan Leperlier (CNRS/THALIM)
- Oana Panaïté (Indiana University)
- Karel Plaiche (University of Cape Town)
- Véronique Porra (Johannes Gutenberg Universität-Mainz)