Actualité
Appels à contributions
Rencontres internationales des jeunes chercheurs et chercheuses en ethnocritique et en anthropologie de la littérature et des arts (Montréal)

Rencontres internationales des jeunes chercheurs et chercheuses en ethnocritique et en anthropologie de la littérature et des arts (Montréal)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Anne BRAVO)

Rencontres internationales des jeunes chercheurs et chercheuses en ethnocritique et en anthropologie de la littérature et des arts

Université de Montréal, salle C-1017-02 pavillon Lionel-Groulx, les 25-27 octobre 2023

L’ethnocritique est une démarche d'analyse définie comme « l’étude de la pluralité et de la variation culturelle constitutives des œuvres littéraires telles qu’elles peuvent se manifester dans la configuration d’univers discursifs plus ou moins hétérogènes et hybrides » (Cnockaert, Privat, Scarpa, 2011; 2). Plus spécifiquement, son objet d’étude est la mise en forme des contenus parfois refoulés de la culture et, surtout, de ses réappropriations textuelles. Il faut le dire, l'ethnocritique n’a pas vocation à se réduire à une simple collecte de détails culturels devenus vestiges d'une culture passée, ni à un repérage dans le roman des grands thèmes de prédilection de l’anthropologie ou de l’ethnologie (système de parentés, classe d'âge, rituels sociaux, techniques du corps, etc.). La particularité de cette approche repose sur le fait qu’elle vise à analyser, suivant la mise en garde épistémique de Bourdieu, « tout ce que le récit doit à la réinterprétation que son auteur fait subir aux éléments primaires », les éléments culturels recevant un nouveau sens en raison « de leur insertion dans le système de relations constitutif de l’œuvre » (Bourdieu, 1987).

Si l’ethnocritique s’intéresse aux variations culturelles et à leur architectonique discursive, c’est avant tout parce qu’elle considère, entre autres, « les altérités culturelles et les folklores indigènes non comme de pures et simples formations idéologiques (erreurs populaires, stupides préjugés, superstitions obscurantistes, croyances de bonnes femmes, etc.), mais comme autant de "conceptions du monde et de la vie", selon la formule de Gramsci » (Privat & Scarpa, 2018). Chaque formation culturelle, « légitime » ou non, est susceptible d'une analyse ethnocritique. Il n’est pas question de choisir entre un peuple fantasmé, dont la culture populaire serait à l’origine de toute création culturelle, et un modèle élitiste qui voudrait que toutes les formes de la culture circulent de haut en bas. Il s'agit avant tout de prendre l'intraculturel de l'œuvre tel qu'il se donne à lire et (parfois) à entendre, sans jamais perdre de vue que la littérature non seulement n'est pas indépendante des transactions symboliques et culturelles propres à son champ, fussent-elles asymétriques et inégales, mais en tire même profit.

Il y a bientôt trente ans maintenant paraissait le premier grand ouvrage de l’ethnocritique. Avec son Bovary Charivari. Essai d’ethno-critique (Privat, 1994), Jean-Marie Privat posait les jalons de cette nouvelle démarche qui allierait ethnologie du symbolique et poétique du littéraire, et qui s’organiserait autour des problématiques de l’acculturation et de la revanche du symbolique − qui prend la forme du charivari dans le Madame Bovary de Flaubert. Suivant les traces de l’anthropologie moderne – qui a délaissé les terrains exotiques au profit d’une redécouverte des formes d’altérités les plus proches −, cette posture analytique s’inscrit « dans un vaste mouvement historique et épistémologique de relecture des biens symboliques : histoire du quotidien et micro-histoire, sociologie des pratiques culturelles et ethnologie de l'Europe, génétique des textes et dynamique des genres, polyphonie langagière et dialogisme culturel, etc. », dont l'objectif est d'étudier la multitude de micro-cultures à partir de laquelle se façonne perpétuellement la grande Culture, qui n'est jamais d'une « autosuffisance symbolique totale » (Privat, 1994; 12).

Voir : https://ethnocritique.com/presentation-generale-ethnocritique.

À la suite des travaux de Privat - et aussi ceux de Marie Scarpa après lui - la voie était désormais ouverte pour « une ethnologie de la culture et des biens symboliques, pour une ethnologie des pratiques culturelles les plus légitimes, pour une ethnologie de la littérature, bref, pour une ethno-critique » (Privat, 1994; 9). C’est dans ce sillage que l’ethnocritique s’est peu à peu constituée en groupe de recherche, voire en école avec des séminaires, des mémoires de maîtrise et des thèses en cours ou publiées depuis le début des années 2000 (par exemple : Drouet, 2011; Delmotte-Halter, 2018; Fouchet, 2021). Dans les dernières années, la richesse de l'ethnocritique et sa diffusion dans les universités québécoises ont aussi permis le développement de tout un réseau canadien, notamment à Montréal. Les liens fructueux avec l'Université du Québec à Montréal, par le biais des recherches de Véronique Cnockaert, ainsi qu'avec l'Université de Montréal, via les travaux de Sophie Ménard, ont donné lieu à plusieurs échanges importants, dont on peut retrouver les traces, entre autres, dans les différents séminaires collectifs : mentionnons simplement les différents dialogues qui ont eu lieu à l'EHESS depuis plus d'une douzaine d'années maintenant.

Voir :
http://ethnocritique.com/index.php/fr/evenement-cours/seminaire-ethnocritique-de-la-litterature-ehess-2010-2011
ou
http://ethnocritique.com/index.php/fr/evenement-cours/seminaire-ethnocritique-de-la-litterature-ehess-2011-2012


Cette première édition des Rencontres a donc pour objectif de faire le point sur les avancées de la discipline tout en mettant de l’avant les voix émergentes et ses nouveaux objets d'études (etnocritique et sound studies, ethnocritique et gender studies, ethnocritique et arts, ethnocritique et enseignement, réception de l'ethnocritique, etc.). Cette réunion conviviale est ouverte donc aux chercheurs et aux chercheuses universitaires des cycles supérieurs et aux nouveaux docteurs, dont le travail ou les recherches, pratiques et/ou théoriques, abordent ou relèvent des questions posées par l’ethnocritique et/ou l'anthropologie de la littérature et des arts.

Nous invitons les contributeurs et les contributrices à explorer les axes suivants à partir d’études originales (cette liste est non exclusive et non exhaustive) :
L’homologie entre rite et récit
Le personnage liminaire
L’oralité/l’auralité/la littératie
L’imaginaire de la ligne
L’ensauvagement scripturaire et les écritures ensauvagées
La revanche symbolique
La culture populaire et le carnavalesque
La littérature orale (contes, berceuses, etc.) / la littérature écrite
La polyphonie culturelle
Logogénétique
Devenir-écrivain.e
Coutume et destin (Verdier, 1995)
Domus / Saltus / Campus
Intersigne / intrasigne / mantique du récit
Roman de l’ultimité / paradigme des derniers (Fabre, 2011)
L’autre de l’art/ l’art des autres (Fabre, 2017)
Ethnocritique et littérature jeunesse
Ethnocritique et arts (cinéma, peinture, etc.)
Ethnocritique de la littérature québécoise
Nous prioriserons les travaux s’inscrivant directement dans le champ de l’ethnocritique et/ou de l'anthropologie de la littérature. Cependant, pour tracer les contours de la discipline et permettre le débat interdisciplinaire, nous pouvons accepter des propositions qui touchent aussi à des problématiques relevant de la sociocritique, de la sociologie, de l’ethnologie, des études culturelles ou sur le genre, ou toute autre discipline connexe et complémentaire.

Contact des organisateurs
Les propositions de communication, accompagnées de quelques lignes de bio-bibliographie (1 page maximum), sont à envoyer à colloquejcethno@gmail.com avant le 1er mai 2023. Les personnes dont la proposition aura été acceptée seront notifiées au plus tard en juin 2023. Le colloque se déroulera à l’Université de Montréal, salle C-1017-02 pavillon Lionel-Groulx, les 25-27 octobre 2023. Il sera possible, sous condition, de communiquer à distance via un système bi-modal.

Cette rencontre est organisée par les laboratoires suivants
CREM (Centre de recherche sur les médiations), Université de Lorraine-Metz
FIGURA (Centre de recherche sur le texte et l’imaginaire), Université du Québec à Montréal
LEAL (Laboratoire d’ethnocritique et d’anthropologie de la littérature), Université du Québec à Montréal


Comité organisateur
Anne Bravo, Université de Lorraine
Éléonore Caron, Université de Montréal
Jordan Diaz-Brosseau, Université du Québec à Montréal/Université de Lorraine


Comité scientifique
Véronique Cnockaert, Université du Québec à Montréal
Sophie Ménard, Université de Montréal
Jean-Marie Privat, Université de Lorraine
Marie Scarpa, Université de Lorraine
Marie-Christine Vinson, Université de Lorraine


Bibliographie
Adell, N. (2011). Anthropologie des savoirs. Armand Colin.

Adell, N., Debaene, V. & Dragani, A. (dir.). (2018). « Anthropologie et poésie ». Fabula-LhT, nº 21. Accès en ligne : https://www.fabula.org/lht/21/.

Belmont, N., Ménard, S. & Privat, J.-M. (dir.). (2022). « Oralités enfantines et littératures ». Cahiers de littérature orale, nº 88.

Bourdieu, P. (1987). Choses dites. Minuit.

Cnockaert, V. (dir.). (2017). « Imaginaire de la ligne ». Revue Captures. Figures, théories et pratiques de l’imaginaire, vol. 2, nº 2. Accès en ligne : https://revuecaptures.org/publication/volume-2-numéro-2.

Cnockaert, V., Gervais, B. & Scarpa, M. (dir.). (2012). Idiots. Figures et personnages liminaires dans la littérature et les arts. Presses Universitaires de Nancy - Éditions Universitaires de Lorraine.

Cnockaert, V., Ménard, S. & Scarpa, M. (dir.). (2018). « Ethnocritiques zoliennes ». Les Cahiers Naturalistes, nº 92.

Cnockaert, V., Privat, J.-M. & Scarpa, M. (dir.). (2011). L’Ethnocritique de la littérature. Presses de l’Université du Québec.

Debaene, V. (2010). L’Adieu au voyage. L’ethnologie française entre science et littérature. Gallimard.

Delmotte-Halter, A. (2018). Revoir Osnabrück. Sur la cuisine dans un livre d’Hélène Cixous. Presses Universitaires de Nancy - Éditions Universitaires de Lorraine.

Descombes, V. (1987). Proust et la philosophie du roman. Minuit.

Devevey, É. (2021). Terrains d’entente. Anthropologues et écrivains dans la seconde moitié du XXe siècle. Presses du réel.

Drouet, G. (2011). Marier les Destins. Une ethnocritique des Misérables. Presses Universitaires de Nancy.

Fabre, D. & Privat, J.-M. (dir.). (2011). Savoirs romantiques. Une naissance de l’ethnologie, Presses Universitaires de Nancy.

Fabre, D. & Scarpa, M. (dir.). (2017). Le Moment réaliste. Un tournant de l’ethnologie. Presses Universitaires de Nancy - Editions Universitaires de Lorraine.

Fouchet, E. (2021). Enfances handicapées. Une marge indépassable? Presses Universitaires de Nancy - Éditions Universitaires de Lorraine.

Goody, J. (2015). Mythes, rites & oralité (J.-M. Privat, dir.; C. Maniez, trad.). Presses Universitaires de Nancy - Éditions Universitaires de Lorraine.

Ménard, S. (2019). « De l’oiseau à la lettre : l’entrée en écriture dans Histoire de ma vie de George Sand », Pratiques : linguistique, littérature, didactique, nº 183-184. Accès en ligne : https://journals.openedition.org/pratiques/7182.

Ménard, S. (dir.). (2022). « Récits de malheurs au XIXe siècle », Études françaises, vol. 58, nº 2.

Ménard, S. & Privat, J.-M. (2017). À l’œuvre, l’œuvrier. Presses Universitaires de Nancy - Éditions Universitaires de Lorraine.

Privat, J.-M. (1994). Bovary Charivari. Essai d’ethno-critique. CNRS Éditions.

Privat, J.-M. & Scarpa, M. (2010). Horizons ethnocritiques. Presses Universitaires de Nancy.

Privat, J.-M. & Scarpa, M. (2013). « Ethnocritique et anthropologie(s) des littératures. Réponse à Fabre et Jean Jamin ». L’Homme, nº 206.

Privat, J.-M. & Scarpa, M. (2018). « L’ethnocritique de la littérature », Sociopoétiques, nº 3. Accès en ligne : https://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=181.

Privat, J.-M. & Vinson, M.-C. (2019). « J’écrivais sur mon genou l’histoire de Graziella ». In Ebguy, J.-D. & Petitier, P. Publications du Centre Jacques-Seebacher. Accès en ligne : http://seebacher.lac.univ-paris-diderot.fr/sites/default/files/triangle2019_privat_vinson.pdf.

Scarpa, M. (2000). Le Carnaval des Halles. Une ethnocritique du Ventre de Paris de Zola. CNRS Éditions.

Scarpa, M. (2009a). « Le personnage liminaire ». Romantisme, nº 145(3).

Scarpa, M. (2009b, rééd. 2022). L’Éternelle jeune fille. Une ethnocritique du Rêve de Zola. Honoré Champion.

Scarpa, M. (2018). « Anthropologie de l’écrit et de la littérature ». In Adell, N. & Fine, A. (dir.). Daniel Fabre, l’arpenteur des écarts (Colloque du 20-22 février 2017 Toulouse-Le-Mirail). Éditions de la Maison des sciences de l’Homme.

Vinson, M.-C. (2009). « Comment Gaspard, Rémi, Clopinet apprirent à lire et ce qu’il advint… ». Romantisme, nº 145. Accès en ligne : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2009-3-page-65.htm.

Vinson, M.-C. (2015). « Ethnocritique et littérature de jeunesse ». In David, A.-M. & Popovic, P. (dir.). Les Douze travaux du texte. Sociocritique et Ethnocritique. Presses de l’Université du Québec - Figura.

Vinson, M.-C. (2019). « Oralité de résistances, oralités joyeuses. Salle de lecture et “heure du conte” ». In Belmont, N., Privat, J.-M. & Vinson, M.-C., Cahiers de Littérature orale, nº 86. Accès en ligne : https://journals.openedition.org/clo/8012.

Vinson, M.-C. (2019). « La berceuse, une oralité perdue? ». Pratiques : linguistique, littérature, didactique, nº 183-184. Accès en ligne : https://journals.openedition.org/pratiques/7458.