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Parole et silence, mémoire et amnésie dans le récit postcolonial (Nice)

Parole et silence, mémoire et amnésie dans le récit postcolonial (Nice)

Parole et silence, mémoire et amnésie dans le récit postcolonial

29-30 juin 2023

Université Côte d'Azur, CTEL  

La parole est ce mécanisme par lequel se réalisent des rencontres, se produisent des savoirs, se préservent des mémoires et dont l’écoute est l’effet le plus heureux. La parole dans ses variantes, orales et écrites, pourrait aussitôt engendrer une forme d’hégémonie discursive et de tension culturelle. Cela s’explique par la volonté de l’affirmation de soi et de la représentation quelque peu stéréotypée de l’autre. Michel Foucault[1] situe le discours intellectuel dans une activité de production des savoirs inhérents à la conception et au maintien du pouvoir. Aussitôt, cette corrélation entre discours et pouvoir suscite une pensée[2] sur l’apport des discours littéraires et théoriques dans la formation des empires coloniaux européens. Il en découle une écriture ancrée dans la revendication et dans la réparation. En effet, le récit postcolonial porte la parole et la mémoire des vaincus contre le silence et l’amnésie de l’histoire. Ce discours littéraire suscite et illustre également un contre-discours critique qui émane généralement des anciennes colonies et dont certains représentants, déplacés, écrivent depuis les métropoles occidentales. Sa méthode consiste à nuancer, à contester, à rejeter et à dépasser toute forme de discours intellectuel et littéraire qui font perdurer la domination. Ce discours réactionnaire vise une possible rupture épistémologique avec les canons littéraires et les modes de pensées occidentaux.

Sortir de l’état de silence exige une prise de conscience des réalités vécues et de l’appropriation et de la réinvention de la langue comme des modèles de l’écriture : « même les écrivains postcoloniaux qui ont la liberté de l’exprimer se retrouvent privés de la langue, bâillonnés qu’ils sont par l’anglais qu’on leur impose.[3] » En plus de ce défi de la langue de l’écriture, se pose également la question de la confiscation de la parole qui ne rend pas justice aux « subalternes »[4]. De ce fait, la parole des uns, qu’ils soient romanciers ou essayistes postcoloniaux, pourrait conduire au silence des autres se trouvant dans la marge sociale et intellectuelle. Le rôle du récit postcolonial réside dans la manière de porter des mémoires individuelles et collectives grâce à une parole de revendication, jusqu’alors étouffée et confisquée. En effet, la mémoire est la faculté intellectuelle qui permet de se rappeler des événements, des épisodes de la vie, de les remémorer. C’est une recollection d’événements récents ou de ceux qui se sont déroulés dans un passé plus en moins lointain. La mémoire peut être considérée dans ses formes diverses comme individuelle ou collective[5] ; la mémoire collective étant est un ensemble de mémoires individuelles, d’histoires et de traces. La mémoire collective peut être un moyen de maintenir une identité pour les personnes vivant dans une situation de diaspora ou celles qui sont déplacées de leur lieu natal, comme est le cas pour beaucoup d’écrivains postcoloniaux. 

Des lectures pourraient s’identifier à plusieurs variantes de ces couples notionnels « parole et silence, mémoire et amnésie. » L’on pourrait les opposer mutuellement, les inscrire dans des combinaisons comme les traiter individuellement ou les concevoir dans une logique d’enchevêtrement.

De quoi se préserve la parole et la mémoire si ce n’est du silence et de l’amnésie ? Le silence signifie-il une défaillance de la mémoire ? À titre d’exemple, le silence est imposé dans Foe[6] de J. M. Coetzee. Chez François Garde, le silence a une valeur de résistance « parler c’est comme mourir.[7] » Dans d’autres récits contemporains comme ceux de Antonio Lobo Antunes[8] le silence est motivé par des troubles posttraumatiques. Quel est le rôle de la mémoire et son rapport à l’amnésie dans le récit postcolonial ? Qu’est-ce qui est oblitéré ou oublié de façon volontaire et qui n’apparaît pas dans ces mêmes textes ? Qu’est-ce qui fait de la mémoire un enjeu dans la littérature contemporaine ? Doit-on systématiquement opposer mémoire et Histoire ? 

 Les propositions de 300 mots accompagnées de 5 mots-clés et d’une courte présentation bio-bibliographique, présenteront clairement une question de recherche, seront adressées conjointement à l’adresse (colloquectel2023@gmail.com) et à Odile Gannier (Odile.GANNIER@univ-cotedazur.fr), au plus tard le 20 mars 2023.


[1] Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de philosophie », 1969.
[2] Edward Saïd, L’Orientalisme. L'Orient créé par l’Occident, [1978], trad. Catherine Malamoud, Paris, Le Seuil, 1980.
[3] Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, L’empire vous répond : théorie et pratique des littératures post-coloniales [1989], trad. Jean-Yves Serra, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2012, p. 105.
[4] Spivak Gayatri Chakravorty, Les Subalternes peuvent-elles parler ? [1988], Paris, Amsterdam, 2009.
[5] Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, édition critique établie par Gérard Namer [1950], Paris, Albin Michel, 1997.
[6] John Maxwell Coetzee, Foe [1986], trad. Sophie Mayoux, Paris, Le Seuil, 1986.
[7] François Garde, Ce qu’il advint du sauvage blanc, Paris, Gallimard, 2012, p. 350.
[8] Antonio Lobo Antunes, Le Cul de Judas, [1979], trad. Pierre Léglise-Costa, Paris, Métailié, 1983.

Comité d’organisation


Kara Schmidt-Fusco, Université Côte d’Azur, CTEL

Essaddek Amarchih, Université Côte d’Azur, CTEL

Hatem Mhamdi, Université Côte d’Azur, CTEL

Odile Gannier, Université Côte d’Azur, CTEL


Bibliographie d’orientation 

Maurice Halbwachs, La Mémoire collective, édition critique établie par Gérard Namer [1950], Paris, Albin Michel, 1997. 

Michel Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de philosophie », 1969.

Edward Saïd, L’Orientalisme. L'Orient créé par l’Occident, [1978], trad. Catherine Malamoud, Paris, Le Seuil, 1980.

Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, L’empire vous répond : théorie et pratique des littératures post-coloniales [1989], trad. Jean-Yves Serra, Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2012.

Gayatri Chakravorty Spivak, Les Subalternes peuvent-elles parler ? [1988], Paris, Amsterdam, 2009.

Paul Connerton, How Societies Remember [1989], Cambridge, Cambridge University Press, 2004.

Edward Saïd, Culture et Impérialisme, [1993], Le Monde diplomatique, 2000.

Joël Candau, Mémoire et identité, Paris, Presses universitaires de France, 1998.

Homi Bhabha, Les lieux de la culture : une théorie postcoloniale [1999], trad. Françoise

Bouillot, Payot, 2007

Edward Saïd, Réflexions sur l’exil et autres essais, [2000], trad. Charlotte Woillez, Paris, Actes Sud, 2008.

Yves Clavaron, Poétique du roman postcolonial, Paris, PUS, 2011

François Paré et Tara Collington (dir.), Diasporiques : Mémoire, diasporas et formes du roman francophone contemporain, Ottawa, Les Éditions David, 2013.