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Le Questionnaire de Bolaño : Enrique Vila-Matas, par Emmanuel Bouju (en-attendant-nadeau.fr)

Le Questionnaire de Bolaño : Enrique Vila-Matas, par Emmanuel Bouju (en-attendant-nadeau.fr)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne

Le Questionnaire de Bolaño : Enrique Vila-Matas

par Emmanuel Bouju (en ligne sur en-attendant-nadeau.fr le 11 janvier 2023)

Tous les trois mois, En attendant Nadeau interroge un écrivain à l’aide du « Questionnaire de Bolaño », créé par Emmanuel Bouju, avec la collaboration de Christian Galdón Gasco et Amanda Murphy : l’écrivain espagnol Enrique Vila-Matas, qui inaugure ces échanges, précise ce qu’il pense de la « littérature mondiale », indique ce qu’il aurait dit à Frida Kahlo, et fait montre de pessimisme lorsqu’on lui demande s’il est encore possible de sauver le monde. 

Juste avant sa mort, Roberto Bolaño avait accordé un entretien à la critique Monica Maristain pour le numéro de juillet 2003 de Playboy Mexico. Je tiens cet entretien – intitulé « Final. Étoile distante » en hommage à l’un des textes de Bolaño – pour l’un des meilleurs qui existent. Il comprend notamment cet échange, poignant, à la veille de la disparition de l’auteur (1) :

Playboy : Qu’évoque pour vous le mot « posthume » ?

Bolaño : Ça ressemble à un nom de gladiateur romain. Un gladiateur invaincu. Ou, du moins, c’est ce que veut croire le pauvre Posthume pour se donner du courage.

Après que je me suis procuré, par fétichisme (de la littérature, s’entend), le numéro en question de Playboy Mexico, j’ai pensé que la matrice de ce « Final » pourrait servir de base à une série nouvelle d’entretiens d’auteurs et d’autrices : une sorte de « Questionnaire de Bolaño » posthume, engageant celles et ceux qui y répondraient à pratiquer une forme mixte, hybride, de sincérité autobiographique et d’ironie fictionnelle – car, comme on va le voir, et à la différence du « Questionnaire de Proust », les questions mêmes y conduisent.

Règles : possibilité de ne pas répondre à 5 ou 6 des questions (questions à barrer en ce cas) ; et proposer si possible un ensemble de 10 000 caractères environ.

Emmanuel Bouju (avec la collaboration de Christian Galdón Gasco et Amanda Murphy)

Quel est le premier mot qui te vient à l’esprit ?

Bolaño.

Quelle est la différence entre ce mot et le mot « écrivain » ?

Aucune.

Qu’est-ce que la littérature espagnole ?

C’est comme les Asturies, région dont Ortega y Gasset disait que la première chose qu’on voyait d’elle, c’est qu’on ne la voyait pas.

Benito Pérez Galdós, Juan Benet o Rosa Montero ?

Luis Martín Santos. Un jour, on lui a demandé ce qu’il faisait. Il a dit : « Je modifie la littérature espagnole (et je m’amuse) ». Il est mort jeune, en 1964, dans un accident de voiture. Sans cela, la trajectoire de la prose espagnole aurait probablement pris un autre chemin, plus joycien, pour ainsi dire.

Que penses-tu de la « littérature mondiale » ?

Moi, je l’appellerais « littérature universelle ». Pour moi, elle est comme le temps vu par saint Augustin. Si on ne me demande pas ce qu’est la littérature universelle, je le sais. Mais si on me le demande, je ne le sais plus.

Emily Dickinson, Kafka ou Kae Tempest ?

Kafka et Dickinson n’ont pas à être en compétition. Laissons Kae Tempest – pour ce que ça importe – concourir toute seule. […]

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