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Les héroïnes contre-attaquent : les réécritures théâtrales féministes de contes et de mythes depuis les années 2000 (Lyon)

Les héroïnes contre-attaquent : les réécritures théâtrales féministes de contes et de mythes depuis les années 2000 (Lyon)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Pauline Guillier)

Appel à communications pour une journée d’études Les héroïnes contre-attaquent : les réécritures théâtrales féministes de contes et de mythes depuis les années 2000, coorganisée par Leïla Cassar, Pauline Guillier et Bérénice Hamidi (Passages XX-XXI, Université Lyon 2), qui aura lieu le 12 mai 2023 à la villa Gillet à Lyon.


Les propositions de contributions seront à faire parvenir à leila.cassar@hotmail.fr et pauline.guillier@orange.fr avant le 1er février 2023. Les réponses seront communiquées le 1er mars 2023.

Les héroïnes contre-attaquent : les réécritures théâtrales féministes de
contes et de mythes depuis les années 2000
Journée d’étude, Lyon, le 12 mai 2023 à la villa Gillet


Depuis une dizaine d’années, les réécritures de contes et de mythe se multiplient, que ce soit dans la littérature jeunesse (Mortelle Adèle au pays des contes défaits, La Princesse qui n’aimait pas les princes) ou les dessins animés (Shrek, Rebelle, La Reine des neiges). Presque toutes cherchent non seulement à actualiser ces récits mais aussi et surtout à les
sortir de leur gangue sexiste. Plus récemment, dans le sillage des différents mouvements #MeToo (MeToo cinéma, MeToo inceste, MeToo théâtre), c’est surtout la façon dont ces représentations culturelles ont participé à la perpétuation de stéréotypes sexistes voire qui normalisent des formes de culture du viol qui se trouve remise en question dans ces réécritures.


Le travail critique sur ce patrimoine littéraire n’est pas inédit. Dès les années 1970, en Allemagne particulièrement, se sont développées des analyses qui ont cherché à historiciser les contes de fées, jusqu’alors compris hors de leur contexte comme des fables à portée universelle, et à comprendre leur rôle dans l’avènement de valeurs bourgeoises et répressives au 19e siècle (voir Bürger ou Gmelin). Ainsi, Zipes a montré la façon dont les Frères Grimm ont altéré les contes pour promouvoir les valeurs bourgeoises patriarcales. L’article fécond d’Alison Lurie “Fairy Tale Liberation” a ouvert un débat littéraire et féministe sur le potentiel d’émancipation et de création des contes, qui portait à la fois sur les textes et sur leurs réceptions. Ces réflexions se sont accompagnées d’anthologies féministes de contes écrits par des femmes ou représentant des personnages féminins puissants , d’appels à transformer les contes et les mythes (Carolyn G. Heilbrun) voire à en inventer de nouveaux (Monique Wittig).*Dans le champ de la littérature romanesque, des réécritures de la "matière antique" s'emparent aussi de questionnements féministes depuis les années 1970. L'écrivaine est-allemande Christa Wolf fait paraître en 1983 Cassandre puis Médée en 1997. L'autrice fait de l'héroïne antique meurtrière une figure de guérisseuse et d''exilée, accusée de tous les maux, en écho aux manifestations xénophobes des années 1990. Dans la littérature postcoloniale fleurissent aussi des réécritures et des hybridations de mythes antiques occidentaux à l'image du roman Orphée-Dafric publié en 1981 de Were Were Liking, écrivaine camerounaise, metteuse en scène et fondatrice du Ki-Yi Mbock Theater.


Pour Maureen Attali, les "réécritures de récits fondateurs grecs et romains par des autrices adoptant le point de vue interne d’un personnage féminin" se sont multipliées depuis les années 1980, notamment dans le monde anglophone de la littérature de l'imaginaire (fantasy, roman historique et science-fiction), "nourries par le renouvellement des sciences sociales anglophones à la suite du gender turn et des féminismes dits des deuxième et troisième vagues, lesquels ont respectivement mis sur le devant de la scène les violences sexuelles et l’intersection entre le patriarcat et d’autres formes de dominations sociales".


Qu’en est-il des écritures dramatiques ? Certaines figures mythologiques comme Phèdre (Phaedra's Love de Sarah Kane, 1996) continuent de hanter les écritures théâtrales contemporaines et nourrissent des personnages, des paroles, des récits qui interrogent les héritages, les métamorphoses, les révolutions - glorieuses ou perdues - des féminismes à la
lumière des mouvements de société, des théories et des combats qui leur sont contemporains. Médée est ainsi tour à tour une victime des injonctions dévastatrices et asservissantes à la jeunesse et à la beauté de la société que fabrique la société patriarcale (Médée et autres récits de femme de Franca Rame et Dario Fo, 1988) ou bien transformée en cas clinique, internée en attente de procès dans un hôpital psychiatrique (Medealand de Sara   Stridsberg, 2009). Penthésilée reine des Amazones s'émancipe dans le texte de Marie Dilasser d'une histoire d'amour tragique déjà écrite, lue et jouée mille fois avec Achille. La Méduse de Béatrice Bienville porte plainte après avoir été violée par Poséidon au tribunal des
dieux. Les discours de celle qui veut être crue et entendue comme de ceux et celles qui protègent un système de domination et de silenciation portent indéniablement la marque de l'ère post #Metoo.


La transformation des mouvements féministes à l’aube des années 2000 détermine un contexte de production et de réception d’œuvres et de fait ces dernières années se sont multipliées les réécritures dramatiques de contes et de mythes dans une perspective féministe.


On pourra ainsi citer (de manière non exhaustive) :

- des réécritures de personnages et de figures mythologiques : Sirène de Pauline Peyrade
(Les Solitaires Intempestifs), Sirènes de Pauline Bureau (Actes Sud), Penthy sur la bande de
Magali Mougel (Espaces 34), Penthésilé-e-s de Marie Dilasser (Les Solitaires Intempestifs),
La véritable histoire de la Gorgone Méduse (ou comment tuer un visage) de Béatrice Bienville; Io de Kossi Efoui

- des réécritures/relectures de contes occidentaux et de personnages de contes de fées :
Blanche-Neige, histoire d'un prince (Espaces 34) et Peau d'âne de Marie Dilasser; Au Bois,
Blanche Neige Foutue Forêt, La Nuit MêmePasPeur & Petite Poucet (Espaces 34) de Claudine
Galea; Hansel et Gretel d'Alice Zeniter (Actes Sud) et Bois Impériaux de Pauline Peyrade (Les
Solitaires Intempestifs), Elio et Les Ecoeurchées de Pierre Koestel

- des écritures de nouveaux contes et mythes : La princesse qui n’aimait pas... de Aude
Denis (éditions La Fontaine); Les étincelles de Héloïse Desrivière; Elle pas princesse, lui pas
héros de Magali Mougel (Actes Sud).


C’est cette forte présence dans le domaine des écritures dramatiques que nous souhaitons interroger lors de cette journée d’étude consacrée aux écritures et réécritures dramatiques féministes de contes et mythes en langue française depuis le début des années 2000. Il s’agira de comprendre à la fois le contexte de production et de réception de ces dramaturgies, mais aussi leurs enjeux formels et les questions de représentation qu’elles soulèvent. Enfin, cette journée d’étude tentera de mettre en lumière la manière dont ces écritures répondent aux problématiques de classe, de race, de genre et de sexualité
contemporaines. Les propositions de contributions scientifiques pourront solliciter entre autres les disciplines théâtrales, littéraires, sociologiques. Nous accepterons également des propositions de recherche-création d’une durée inférieure à 20 minutes (témoignages d’artistes/auteur-ices, lecture/performance de textes dramatiques...).

Les contributions pourront répondre aux axes suivants :

1. Enjeux des représentations de la féminité dans les réécritures et les écritures
féministes dramatiques de contes et mythes.
La métaphore du “miroir magique” a souvent été employée dans les études féministes menées sur les contes. Ceux-ci seraient un miroir dans lesquels les femmes pourraient observer la manière dont les hommes les perçoivent, ou bien les contes seraient des “miroirs brisés” animés d’injonctions si contradictoires qu’elles ne pourraient qu’en constituer une
image incohérente d’elles-mêmes. Quelles images de la féminité les réécritures féministes théâtrales actuelles des contes mais aussi de mythes cherchent-elles à renvoyer aux lectrices et spectatrices ? Quels nouveaux scripts relationnels leurs proposent-elles à voir ? Quels points de vue sont mis au centre de ces récits, quelles voix ? Quelles contributions ces contes et mythes visent-ils à apporter à la construction d’une identité genrée pour les lecteur-ices ?
 
 
2. Contextes de production et de réception
Comment expliquer l’engouement autour des réécritures féministes de contes et de mythes au théâtre aujourd’hui ? Quels enjeux de production et de financement ? Peut-on mettre en lien le nombre de réécritures de contes et de mythes avec la mission patrimoniale des théâtres nationaux qui consiste à diffuser, pour une part, des œuvres du répertoire
classique ? Quelles stratégies peuvent y être lues pour les autrices dramatiques, qui sont peu à voir leurs pièces accéder au plateau ? Quelle réception médiatique pour ces pièces ? Quelle place pour les écritures de nouveaux mythes et contes féministes dans le paysage théâtral contemporain ?


3. Réécritures/relectures : Structures et personnages dramatiques
Les écritures dramatiques contemporaines se caractérisent par la diversité de formes et de structures qu’elles proposent : éclatements, recompositions, fragmentations, collages et hybridité y ont eu la part belle depuis les années 1980. Les personnages eux, ont pu être remplacés par des “figures”, des “voix”, ou être caractérisés par une incomplétude, un aspect
fantomatique. Leur transformation peut s’expliquer pour les auteur-ices par la crainte de se conformer à un modèle dramatique figé, voire “que ce petit peuple de personnages et de relais ne finisse par l’emporter sur l’ensemble du texte, sur le poète et le grain de sa voix.” Or, réécrire des contes ou des mythes, c’est à priori au contraire employer des personnages qui sollicitent une connaissance référentielle de la part des spectateur-ices et lecteur-ices et faire face à une
intertextualité dense. Comment cette dernière est-elle prise en charge dans les dramaturgies textuelles, à la scène ? De quelle manière ces écritures réinventent-elles ces personnages, ou viennent-elles troubler les connaissances que nous avons à leur sujet ? Et selon quelles modalités les écritures de nouveaux contes et mythes féministes construisent-elles des héros et héroïnes capables de répondre aux questions qui animent notre époque ? De la même façon, comment sont sollicitées les structures narratives historiques du conte ou du mythe, dans un contexte de décomposition et reconfiguration des structures dramatiques classiques ? Au delà de la reconfiguration des structures et des personnages, réécrire peut aussi signifier relire ce qui est là sous nos yeux, relire l'histoire de Peau d'Ane sous le prisme de l'inceste par
exemple.


4. De nouveaux contes, de nouvelles mythologies : répondre aux enjeux de notre
société contemporaine
En 2006, Jean-Pierre Ryngaert notait la perte, dans les écritures dramatiques contemporaines, de la reprise de grands récits fondateurs, mythiques ou moraux, l’analysant comme le constat d’une impossibilité à faire émerger aujourd’hui des sujets “assez unificateurs ou fédérateurs pour une société peu préoccupée d’exemplarité et bien en peine de définir où se situe son unité.” Pourtant, nous notons, dans le paysage dramatique féministe contemporain, une multiplication des reprises et réinventions de mythes et de contes, mais aussi la construction de nouveaux. Si l’on considère, avec Cornelius Castoriadis, que le mythe répond aux questions existentielles d’une société, en tentant de donner une explication au monde et à ce qui fait un-e humain-e, à quelles questions ces écritures tentent-elles de répondre ? Qu’est-ce qui en fait la nécessité pour les auteur-ices ? Peut-on y voir une visée morale d’éducation ?

 
Les propositions de contributions seront à faire parvenir à leila.cassar@hotmail.fr et pauline.guillier@orange.fr avant le 1er février 2023. Elles devront comporter entre 500 et 1000 signes de présentation de la communication, 4/ 5 mots-clés, une bibliographie sélective et une brève notice bio-bibliographique.
Les réponses seront communiquées le 1er mars 2023.
Les communications dureront 20 minutes et devront être attentives au contexte d’écoute, la
journée d’étude ayant lieu dans le cadre du festival d’écriture théâtrale Littérature Live/Les
Contemporaines.


Bibliographie sélective :
Bacchilega Christine., Postmodern Fairy Tales. Gender and Narrative Strategies, Philadelphia,
University of Pennsylvania Press, 1997.
Ballestra-Puech Sylvie, Les Parques : Essai sur les figures féminines du destin dans la
littérature occidentale, Toulouse, Editions universitaires du Sud, 1999.
Benson Stephen, « Introduction : Fiction and the Contemporaneity of the Fairy Tale », in
Contemporary Fiction and the Fairy Tale, ed. by S. Benson, Detroit, Wayne State University
Press, 2008, p. 1-19.
Dowling Colette. The Cinderella Complex: Women’s Hidden Fear of Independence. Pocket
Books; Reissue édition, 1990.
Haase Donald. Fairy Tales and Feminism: New Approaches. Wayne State University Press,
2003.
Hannon Patricia, Fabulous Identities : Women’s Fairy Tales in Seventeenth-Century France,
Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1998.
Harrie, Elizabeth Wanning, Twice Upon A Time : Women Writers and the History of the Fairy
Tale, Princeton, Princeton University Press, 2001.
Jacob Aurore, « La désacralisation des mythes dans les réécritures dramatiques
contemporaines: Une étude à partir du mythe de Médée et de Don Juan », thèse sous la
direction de Joseph Danan soutenue en 2008.
Jacquelin Évelyne, Béatrice Ferrier, Catherine Lanfranchi et Arnaud Huftier, Voix et voies du
conte: les mutations d’un genre, Arras, France, Artois Presses Université, 2019.
Le Juez Brigitte. « La réécriture des mythes comme lieu de passage : l'exemple de Barbe-
Bleue », Revue de littérature comparée, vol. 348, no. 4, 2013, pp. 489-501.
Lieberman Marcia R. “‘Some Day My Prince Will Come’: Female Acculturation through the
Fairy Tale.” College English, vol. 34, no. 3, 1972, pp. 383–95.
Monnier Magali, « Naissance et renaissance du conte de fées : de Marie-Catherine d’Aulnoy
à Angela Carter », Études de lettres, 3-4 | 2011, 243-258.
Piana Romain, « Io, tragédie et métamorphose », Africultures, vol. 86, no 4, 2011, p. 94-
105.
Poirson Martial, "Le conte à l’épreuve de la scène contemporaine (XX-XXIe siècles)", dans
Revue d’histoire du théâtre, Paris, France, Société d’Histoire du Theâtre, 2012.
Prince Nathalie, Sylvie Servoise, Les personnages mythiques dans la littérature de jeunesse,
Rennes, France, Presses universitaires de Rennes, 2015.
Rowe, Karen E. Rowe (1979) Feminism and fairy tales, Women's Studies, 6:3, 237-257, DOI:
10.1080/00497878.1979.9978487
Zupančič Metka. Les écrivaines contemporaines et les mythes. Le remembrement au
féminin. Karthala, 2013