Fixxion no. 28 :
Déplacements de la fiction ?
Dirigé par Alison James et Alison Rice
Jamais le goût de la fiction ne semble avoir été plus prononcé qu’au XXIe siècle, âge d’or des séries télévisées et des univers fictionnels cinématographiques. La littérature de l’imaginaire, sous la forme de la fantasy, de la science-fiction, ou d’autres « genres du merveilleux » (Besson et Jacquelin, 2015), connaît un essor renouvelé, tandis que les jeux vidéo ont défriché un nouveau terrain pour la fiction interactive. Et pourtant, le roman conçu comme œuvre d’imagination ne domine plus seul le paysage littéraire contemporain. En témoignent les prix littéraires récents, dont le Prix Goncourt de 2022 pour un récit autobiographique (Vivre vite de Brigitte Giraud) ; ou encore le prix Nobel qui couronne cette même année l’œuvre résolument factuelle d’Annie Ernaux qui, dès La Place, avait déclaré le roman « impossible » (Ernaux 1983, p. 24).
Entre les deux pôles de la fantaisie et du factuel s’établit une aire de tensions où s’inscrivent des pratiques très diverses, donnant à la fiction – au sens courant de création imaginaire – une place fortement variable. Le réel et le fantastique se mêlent dans Ultramarins, de Mariette Navarro (2021) ; reprenant la légende de l’île d’Ys, Dominique Scali décrit dans Les Marins ne savent pas nager (2022) un lieu imaginaire dans un xviiie siècle alternatif ; la narratrice de Totalement inconnu (2022) de Gaëlle Obiégly réinvente la Finlande à partir des images et des voix qui la traversent. La réalité s’exprime à travers l’allégorie, la fable ou le mythe dans L’A’Fric (2008) de Jacques Fame NDongo ou dans Le conteur, la nuit et le panier (2021) de Patrick Chamoiseau. Comme projection imaginaire, la fiction permet de sonder le rapport entre l’humain et l’animal dans Que font les rennes après Noël (2012) d’Olivia Rosenthal, La Peau de l’ours (2014) de Joy Sorman, ou encore Le Corps des bêtes (2018) d’Audrey Wilhelmy. S’associant au contrefactuel, la fiction permet d’interroger l’histoire : Laurent Binet imagine une contre-histoire de la modernité dans Civilizations (2020) ; dans La Porte du voyage sans retour (2021), David Diop reprend le topos du manuscrit trouvé pour proposer une version alternative du voyage au Sénégal, au xviiie siècle, du botaniste français Michel Adanson; Mohamed Mbougar Sarr, dans La plus secrète mémoire des hommes (2021) s’inspire librement du cas de l’écrivain malien Yambo Ouologuem (dédicataire du livre). Dans un registre plus personnel, Sorj Chalandon mêle dans Enfant de salaud (2021) le récit du procès de Klaus Barbie, que l’auteur avait couvert comme journaliste en 1987, et une confrontation imaginaire entre le narrateur et son père. L’histoire immédiate n’échappe pas à la mise en fiction ; ainsi, Louis-Philippe Dalembert, dans Milwaukee Blues (2021), s’inspire de l’assassinat de George Floyd et de ses conséquences; dans Le Mage du Kremlin (2022), Giuliano da Empoli aborde par la voix d’un conseiller politique fictif l’histoire récente de la Russie.
S’emparant à nouveau de ce qui était abordé auparavant par les sciences humaines (voir Jablonka 2014), le roman contemporain intègre les savoirs, en imitant parfois les formes et les codes rhétoriques des genres factuels ; c’est le cas dans des fictions encyclopédiques de Pierre Senges ou d’Emmanuelle Pireyre (voir Demanze 2015 ; Kieffer, 2021). Camille de Toledo donne à la fiction une nouvelle extension, que ce soit par l’excavation (micro-)fictionnelle du monde contemporain (Vies pøtentielles, 2015) ou la création d’institutions potentielles (les auditions du parlement de Loire). La biofiction contemporaine présente un éventail d’approches allant de la vie romancée de personnages historiques (le bactériologiste Alexandre Yersin dans Peste et choléra de Patrick Deville, 2012 ; le peintre Gustave Courbet dans La Claire fontaine de David Bosc, 2013) à la fictionnalisation débridée (réinvention de Jeanne d’Arc dans Fantaisies guérillères de Guillaume Lebrun, 2022) – en passant par des dispositifs complexes imbriquant fait et fiction (conversations de la narratrice avec la gymnaste Nadia Comăneci dans La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon, 2014). Cependant, l’invention du personnage demeure un des lieux privilégiés d’interrogation des pouvoirs de la narration et de la prise de la fiction sur le monde (Francis Rissin de Martin Mongin, 2019 ; Un corps tropical de Philippe Marczewski ; Le Démon de la colline aux loups de Dimitri Rouchon-Borie, 2021). Le champ des fictions de soi(voir Jordan 2021) fait apparaître une autre conception de la fiction, suivant Lacan, pour qui la « forme primordiale » du je « situe l'instance du moi, dès avant sa détermination sociale, dans une ligne de fiction, à jamais irréductible pour le seul individu » (Lacan 1966, 94). Toutefois, au-delà du récit autobiographique qui se veut strictement factuel (Annie Ernaux, Édouard Louis, Emmanuel Carrère) et l’autofiction dans sa conception postmoderne et psychanalytique (Doubrovsky 1977), nous constatons aujourd’hui un certain retour du roman autobiographique, qui passe par la mise en scène d’un alter-ego d’auteur chez Claudie Hunzinger (Un chien à ma table, 2022) ou dans Stardust (2022) de Léonora Miano.
Dès lors, si la question « Qu’est-ce que la fiction ? » de Jean-Marie Schaeffer (1999) garde sa pertinence, il est possible d’y substituer la question « Où est la fiction? » Quelles sont la part et la place de la fiction à l’intérieur des œuvres et plus généralement dans le paysage littéraire contemporain ? À partir de cette question, ce dossier de Fixxion se propose de faire le point sur la place et les déplacements de la fiction ou de la fictionnalité dans la littérature française et francophone contemporaine.
Ces déplacements sont aussi lexicaux. Il faut prendre acte d’un clivage entre deux conceptions de la fiction : d’un côté, surtout dans un contexte anglophone, identification de la fiction proprement dite à une forme spécifique de récit littéraire non-référentiel, née avec la modernité (Gallagher 2006 ; Paige 2011 ; cf. Fludernik 2018) ; de l’autre, une conception plus générale de la fiction comme compétence anthropologique universelle, capacité d’invention, ou « feintise ludique partagée » (Schaeffer 1999). En favorisant cette deuxième acception plus abstraite, l’usage français permet au terme de « fiction » de se pluraliser et de proliférer. C’est une notion vaste, instable, mobile, ce qui explique aussi son attrait : ainsi, Assia Djebar évoque le « désir de fiction vive » qui la pousse vers une écriture marquée par une « mobilité incessante » (1999). En revanche, pour certains écrivains, l’inflation de ce terme va de pair avec une dévaluation de la littérature romanesque (Lang 2011). De fait, les spécialistes de la littérature contemporaine doivent faire face à un certain flou conceptuel ainsi qu’à une mutation dans les usages. Au roman se substituerait alors les « fictions critiques » (Viart 2002) – où « fiction » ne signifie plus invention mais mode d’investigation du réel et de mise en question des représentations – ou bien tout un ensemble de genres hybrides (autofiction, exofiction, biofiction, semi-fictions…) dont on n’a pas fini d’épuiser les variantes. Ces désignations posent comme norme générique le mélange inextricable entre fait et fiction, au risque de recourir à l’association entre fictionnalité et littérarité comme pétition de principe – comme si la fictionnalisation donnait un caractère littéraire (une littérarité « constitutive », selon les termes de Genette [1991]) à une matière factuelle. En outre, si l’importance du versant factuel ou documentaire de la littérature contemporaine n’est plus à démontrer (Ruffel 2012 ; Zenetti, 2014 ; Viart, 2019), la visibilité accrue de ces « territoires de la non-fiction » (Gefen 2021) jette une ombre d’ambiguïté sur la place accordée à la fiction aujourd’hui.
Face à cette situation, certaines approches théoriques s’efforcent de défendre la/les frontière(s) de la fiction (Lavocat 2016), ou, inversement, la spécificité des représentations et des narrations factuelles (Pouillaude 2020 ; Fludernik et Ryan 2020). Cependant, on l’a vu, les pratiques contemporaines produisent incontestablement de nouvelles intersections du factuel et du fictif, qui font naître certains « troubles du récit » (cf. Schaeffer 2020). Faut-il y voir un recours renouvelé à des sous-genres déjà existants (l’écriture du fait divers, le roman à clé) ou à une puissance romanesque qui a toujours été ouverte sur le monde (Murat 2018 ; Donnarieix, Kieffer, Mecker & Viart 2022). Serions-nous face à la mise en place d’un nouveau « régime » de l’invention littéraire (Paige 2011) propre à notre moment historique ?
Axes thématiques et pistes de réflexion :
- La littérature contemporaine se lit souvent à l’aune d’un « retour au réel » ou de l’élaboration de nouvelles formes de réalisme – réalisme documentaire (Ruffel 2012), « réalisme dégénératif » (Wampole 2020). Ces réalismes, qui ne s’identifient plus exclusivement au roman, entretiennent-ils un rapport spécifique avec la fiction ?
- Quels sont les genres ou les sous-genres qui privilégient aujourd’hui l’invention fictionnelle, et quelle est la place de la fiction de genre (fantasy, science-fiction, fictions spéculatives) dans la renégociation contemporaine de la fictionnalité (cf. Hollister 2019) ? Comment procède le « recours à l’imagination » (Baty-Delalande, Foglia & Zimmermann, 2018) à l’époque contemporaine ?
- Dans quelle mesure la théorie de la fiction, d’abord élaborée à partir du roman, peut-elle rendre compte des pratiques contemporaines ? Peut-elle nous éclairer sur les degrés de fictionnalité à l’œuvre dans différents textes, ou sur la présence dans ces mêmes textes d’une fictionnalité restreinte ou « locale » (Nielsen, Phelan & Walsh, 2015). Inversement, comment les textes contemporains permettent-ils d’interroger les hypothèses des théories de la fiction ?
- Comment définir le rapprochement contemporain entre fiction et spéculation contrefactuelle (cf. Gallagher 2018), que ce soit dans le cadre de l’uchronie (Civilizations de Laurent Binet, 2019), de la biofiction (La Porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel Adanson de David Diop, 2021) ou du récit autobiographique (Vivre vitede Brigitte Giraud, 2022) ?
- Comment considérer des ouvrages qui échappent aux désignations génériques et qui réfléchissent sur leur propre statut (Failles de Yanick Lahens, 2010; Je ne suis pas celle que je suis de Chahdortt Djavann, 2011, Mets et merveilles de Maryse Condé, 2015) ?
- Comment s’articule le rapport fiction/document dans la littérature contemporaine ? Que faire de l’insertion des documents d’archives et des photos dans des textes fictionnels (Entendez-vous dans les montagnes… de Maïssa Bey, 2002; L’Africain de Jean-Marie Le Clézio, 2004)? – ou inversement des moments de fiction dans un contexte documentaire ?
- Comment aborder les nombreux textes qui s’inspirent des « histoires vraies » ou des « faits divers » qui parfois constituent des points de départ pour des ouvrages polyphoniques (Humus de Fabienne Kanor, 2009) ou non-chronologiques (Chanson douce de Leïla Slimani, 2016), ou à des récits d’enquête liés à une exploration autobiographique (Monica Sabolo, La Vie clandestine, 2022) ?
- Comment s’articule le rapport entre fiction et mensonge à l’ère des fake news et du complotisme (Cf. Devi 2017 ; Bayard 2021; Decout et Mecke 2021), et comment la fiction peut-elle offrir un lieu de résistance au règne des Big Data (Pireyre 2014) ?
Échéance : 1 juin 2023. Les propositions de contribution (environ 300 mots), portant sur les littératures françaises et francophones doivent être envoyées en français ou en anglais, à fixxion21@gmail.com (un rédacteur vous inscrira comme auteur et vous enverra le gabarit MSWord de la revue).
Après notification de la validation, le texte de l’article définitif (saisi dans le gabarit Word et respectant les styles et consignes du Protocole rédactionnel) est à envoyer à fixxion21@gmail.com avant le 15 décembre 2023 pour évaluation et relecture par les membres de la Revue critique de fixxion française contemporaine.
Bibliographie indicative
Baty-Delalande, Hélène, Aurélie Foglia et Laurent Zimmermann (dir), « Recours à l’imagination », Littérature, no. 190, 2018.
Bayard, Pierre, Comment parler des faits qui ne se sont pas produits ? Paris, Minuit, coll. Paradoxe, 2020.
Besson, Anne, Évelyne Jacquelin, dir., Poétiques du merveilleux. Fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels, Mayenne, Artois Presses Université, coll. Études littéraires, 2015.
Caïra, Olivier, Définir la fiction : du roman au jeu d’échecs, Paris, EHESS, 2011.
Decout, Maxime et Jochen Mecke (dir.), « Figures du mensonge et de la mauvaise foi dans le roman contemporain », no. 22 de la Revue critique de fixxion française contemporaine, 2021.
Demanze, Laurent, Les Fictions encyclopédiques. De Gustave Flaubert à Pierre Senges, Paris, Corti, 2015.
Devi, Ananda, L’illusion poétique, Chamonix, Éditions Paulsen, 2017.
Dion, Robert, Des fictions sans fiction ou le partage du réel, Montréal, Presses de l’Université du Montréal, 2018.
Djebar, Assia, Ces voix qui m’assiègent, Paris, Albin Michel, 1999.
Donnarieix, Anne-Sophie, Morgane Kieffer, Jochen Mecker, et Dominique Viart, La Machine à histoires : le romanesque dans les écritures contemporaines, PU du Septentrion, 2022.
Doubrovsky, Serge, Fils, Paris, Galilée, 1977.
Ernaux, Annie, La Place, Paris, Gallimard, 1983.
Ferraris, Maurizio, Manifeste du nouveau réalisme, Paris, Hermann, 2014.
Fludernik, Monica, « The Fiction of the Rise of Fictionality », Poetics Today vol. 39, no. 1, 2018, 67-92. doi: https://doi.org/10.1215/03335372-4265071
Fludernik, Monica et Marie-Laure Ryan (dir.), Narrative Factuality: A Handbook, Berlin, De Gruyter, 2020.
Gallagher, Catherine, « The Rise of Fictionality » dans Franco Moretti (dir.), The Novel, Princeton, Princeton University Press, 2006, vol 1, p. 336-363.
––––, Telling It Like It Wasn’t : The Counterfactual Imagination in History and Fiction, Chicago, University of Chicago Press, 2018.
Gefen, Alexandre, Vies imaginaires. De Plutarque à Michon, Paris, Gallimard, 2014.
Gefen, Alexandre (dir.), Territoires de la non-fiction. Cartographie d’un genre émergent, Brill/Rodopi, 2021.
Genette, Gérard, Fiction et diction, Paris, Seuil, 1991.
Hanrahan, Mairéad, Cixous’s Semi-Fictions : Thinking at the Borders of Fiction, Edinburgh University Press, 2014.
Hollister, Lucas. Beyond Return : Genre and Cultural Politics in Contemporary French Fiction. Liverpool, Liverpool University Press, 2019.
Jablonka, Ivan, L’Histoire est une littérature contemporaine, Paris, Seuil, 2014.
Jordan, Shirley, « Fictions of Self », dans Anna-Louise Milne et Russell Williams (dir.) Contemporary Fiction in French, Cambridge, Cambridge University Press, 2021, p. 152-166.
Kieffer, Morgane, « Import-export : réflexions sur certaines modalités contemporaines du rapport fiction/document », in L’Esprit créateur 61, no. 2, 2021, p. 24-36
Lacan, Jacques, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 93-100.
Lang, Luc, Délit de fiction : la littérature, pourquoi ? Paris, Gallimard, 2011.
Laugier, Sandra, Nos vies en séries. Philosophie et morale d’une culture populaire. Paris, Flammarion, 2019.
Lavocat, Françoise, Fait et fiction. Pour une frontière, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2016.
Murat, Michel, Le Romanesque des lettres, Paris, Corti, 2018.
Nielsen, Henrik Skov, James Phelan et Richard Walsh, « Ten Theses about Fictionality », Narrative vol. 23, no. 1, 2015, p. 61-73.
Paige, Nicholas D., Before Fiction : The Ancien Regime of the Novel, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2011.
Pireyre, Emmanuelle, « Un environnement assez contraignant pour les datas », dans Inculte, Devenirs du roman 2, Paris, Inculte, 2014.
Pouillaude, Frédéric, Représentations factuelles : Art et pratiques documentaires, Paris, Les éditions du Cerf, 2020.
Ruffel, Lionel, « Un réalisme contemporain: Les narrations documentaires », dans « Usages du document en littérature », dir. Camille Bloomfield et Marie-Jeanne Zenetti, Littérature no. 166, 2012, p. 13-25.
Schaeffer, Jean-Marie, Pourquoi la fiction ? Paris, Éditions du Seuil, coll. « Poétique », 1999.
———, Les Troubles du récit. Pour une nouvelle approche des processus narratifs, Vincennes, Thierry Marchaisse, 2020.
Viart, Dominique, « Les Fictions critiques dans la littérature contemporaine », in M. Majorano (ed.), Le Goût du roman, B.A. Graphis, Italie, printemps 2002, pp.30-47.
Viart, Dominique, « Les Littératures de terrain », Revue critique de fixxion française contemporaine, no. 18, 2019, p. 1–13.
Wampole, Christy, Degenerative Realism: Novel and Nation in Twenty-First Century France, New York, Columbia University Press, 2020.
Zenetti, Marie-Jeanne, Factographies: L’enregistrement littéraire à l’époque contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2014.
Zetterberg Gjerlevsen, Simona (2016), « Fictionality », The Living Handbook of Narratology, dir. Peter Hühn et al., Hamburg University Press, http://www.lhn.uni- hamburg.de/article/fictionality
« Zipfel, Frank, Fiktion, Fiktivität, Fiktionalität : Analysen zur Fiktion in der Literatur und zum Fiktionsbegriff in der Literaturwissenschaft, Berlin, Erich Schmidt Verlag GmbH & Co KG, 2001.