Le mauvais goût comme le bon (paraît-il) est certes relatif, mais il a la vie longue : il arrive qu'il insiste, et que parfois il signe. Nicolas d'Estienne d'Orves n'a pas reculé devant l'idée de donner son Dictionnaire amoureux du mauvais goût (Plon), revendiqué comme "intime et partial", et où il nous invite à entrer comme dans un "grenier braillard et cocasse", en assumant ce paradoxe : "Le mauvais goût ne se partage pas, en ce qu’il est une exploration de nos propres frontières esthétiques, la ligne de crête entre ce que l’on goûte et ce que l’on recrache".
Rappelons à cette occasion l'Anatomie du « mauvais goût » (1628-1730) dressée il y a peu par Carine Barbafieri (Classiques Garnier, 2021), qui montre comment le goût est devenu au XVIIe siècle, par métaphore, le sens intérieur qui permet de distinguer le bon du mauvais, en matière de comportements comme d’œuvres littéraires, et de nouer un nouveau contrat entre savoir et saveur, raison et plaisir. Cet essai avait été précédé d'un ouvrage collectif supervisé avec Jean-Christophe Abramovici et qui a fait date : L'invention du mauvais goût à l'âge classique XVIIe-XVIIIe siècle (Peeters, La République des lettres, 2013). Signalons aussi : Le Mauvais goût des autres. Le jugement littéraire dans la France du XVIIIe s. (Hermann) de Jennifer Tsien, qui offre une galerie des premiers théoriciens de l'esthétique, dont Voltaire, Montesquieu et Diderot, qui ont tenté ainsi d'établir une définition du bon goût pour pouvoir rejeter et condamner à l'oubli les œuvres qui s'en écartent.
Illustration : Michael Jackson & Bubbles, l'une des œuvres majeures (?) de Jeff Koons.