Actualité
Appels à contributions
La limite : le perçu, le vécu et l’imaginaire (Université Ibn Khaldoun-La Soukra, Tunisie)

La limite : le perçu, le vécu et l’imaginaire (Université Ibn Khaldoun-La Soukra, Tunisie)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : UNIVERSITE IBN KHALDOUN)

Le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Tunisie.
ULiège - Université de Liège 
L’ISBAT-Institut Supérieur des Beaux Arts de Tunis-Université de Tunis 
L’ISTEUB – Institut Supérieur des Technologies de l’environnement de l’Urbanisme et du Bâtiment-Université de Carthage
L’ISA - Institut Supérieur des Sciences Agronomiques de Chott Mariem
Le GR -ISA « Paysages et Géomédiation des Milieux » - Université de Sousse 
ISAMS - Institut supérieur des Arts et Métiers de Sfax-Université de Sfax
Et l’UIK - Ecole Polytechnique privée « Ibn Khaldoun » 

organisent le colloque :

La limite : le perçu, le vécu et l’imaginaire

le samedi 4 mars 2023

« La limite n'est pas ce où quelque chose cesse, mais bien, comme les Grecs l'avaient observé, ce à partir de quoi quelque chose commence à être. »  Heidegger (1958).

Mots clés : limites, limites disciplinaires, architecture et archéologie, architecture et littérature, architecture et anthropologie,  architecture et sciences, architecture et pouvoir espace, histoire et technologies de l’information, histoire et politique, images et représentations, limites spatiales, limites politiques, limites naturelles, limites et valeurs, limites et conception.

Argumentaire 
Le colloque interroge la notion de « limite » en tant que concept qui a une polysémie de sens dans des champs disciplinaires variés. Objet d’étude de toutes les disciplines, de la philosophie à la physique, la limite ne cesse d’interpeller les artistes, les architectes, les designers, les urbanistes, les géographes, les sociologues, les historiens et les psychologues. 

La limite, du latin « limes » désigne un chemin bordant un domaine, un sentier entre deux champs. Comme l’explique le sociologue S. Czarnowski, cité par Françoise Paul-Levy dans Anthropologie de l’espace, « La limite est une étendue qui a sa valeur juridique et religieuse propre. C’est une bande plus ou moins large de terrain ménagé […], une loi exigeait à Rome qu’elle eût cinq pieds de largeur, et les arpenteurs latins nous apprennent que fréquemment la coutume réservait six pieds de terrain pour la limite. La loi romaine exigeait même formellement que les limites servent de voies publiques […]. ». D’après le centre national de ressources textuelles et lexicales, la limite peut être affectée a beaucoup de disciplines. Sitôt qu'on les observe de plus près, les limites se brouillent, se décomposent, donnant naissance à des enchevêtrements de lignes pour lesquels on serait tenté de convoquer toutes sortes d'images et de métaphores empruntées aux mathématiques, à la physique ou à la philosophie, de la fractale au rhizome deleuzien en passant par la paroi osmotique. Pour les sciences exactes, la limite est caractéristique d’un phénomène ou d’une théorie. Dans les mathématiques, la limite est la valeur dont une grandeur peut s’approcher sans jamais l’atteindre. Dans les sciences physiques, la limite est la valeur que ne peut ou ne doit dépasser un phénomène physique (limite d’élasticité d’un matériau, de résistance, limite de cisaillement, de rupture, etc.). La limite est un vaste champ sémantique. Dans les sciences humaines, la limite dépasse sa dimension palpable pour véhiculer des messages et inciter la réflexion. Selon Kant, la limite n’est qu’une frontière positive qui définit un espace et le différencie d’un autre qui lui est limitrophe « en toute limite…il y a quelque chose de positif, puisque les limites de connaissable donnent toujours à penser » (Chris Younès, 2008, p.5). Les limites peuvent être définis en tant que possibilités (intellectuelles) qui ne peuvent être dépassées. On parle alors de limites de l’esprit humain, de l’intelligence ; accepter, (re) connaître, trouver ses limites ; chacun a ses limites…

En ce sens, Kant définit la limite par la chose elle-même, elle détermine le domaine de ce qui est accessible, perçu et compris. De même, Martin Heidegger dit que « la limite n’est pas le point où une chose se termine, mais celle à partir de laquelle quelque chose commence, son essence. » (Martin Heidegger, Essais et Conférences, 1971). Pour Gaston Bachelard, « La dialectique entre dedans et dehors dépassent les simples images géométriques où les limites se font des barrières dans sa conception, la limite dépend de l’image que nous faisons d’elle, tantôt elle affirme notre intimité, tantôt elle s’évanouit dans l’immensité du dehors » (Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, 2020, p.241).

La limite est l’unité minimale de l’espace. Elle constitue un ensemble d’entrelacs et d’enchevêtrements. Elle assure le cadrage et le recadrage, elle est a priori une ligne fine, ferme et bien tracée ; mais elle renferme des types et des formes variés. Hormis ses caractéristiques formelles souvent linéaires, distinguant deux régions, à priori, stabilisées dans l'espace et le temps, les limites ne sont jamais aussi claires qu’elles paraissent, elles se brouillent et s’enchevêtrent. Elle est hybride et syncrétique, car elle combine le matériel et l’immatériel. De manière similaire à l’image fractale ou au rhizome[1] (Deleuze & Guattari, 1976), favorisant une structure informe et déformée ; la limite se décompose donnant lieu à des déplacements, des négations, et des entrelacements (Boudon, 2005). La limite est rencontrée dans l’étendue dès le premier contact de l’Homme au monde pour le faire sien. D’ailleurs, les mythes théogoniques des origines[2] nous renseignent sur les premières lignes. En tant qu’unité élémentaire, la limite sert à la délimitation, comme au découpage et à la partition de l’espace. Délinéer[3] celui-ci signifie le tracer par un trait, d’une ou de plusieurs limites. À l’opposé, la limite permet de définir un écart, un intervalle, rendant possible l’organisation des éléments pour sortir de l’indéfini. Les limites par lesquelles s’organise l’espace, apparaissent dès l’avènement et la délimitation de ce dernier. Elles le créent et le répartissent selon des opérations d’oppositions, de catégorisations et d’hiérarchies permettant de différencier les lieux et de distinguer entre leurs statuts. Elle clôture, ferme (cadre, contour, etc) mais elle se réouvre de nouveau (passages, transitions, etc.). Le concept de limite est double, il évoque à la fois l’interne et l’externe, l’union et la séparation. Ce dédoublement est le propre même de la limite et de sa nature ontologique. Elle défend et autorise, sépare et relie, etc. Il s’agit d’un paradigme des contraires, mais non antinomique ; car les opposés se côtoient : c’est ce qui constitue sa propre essence. 

La limite avec toutes ces caractéristiques ambivalentes et ces aspects multiples, est l’objet d’étude et d’investigation de ce colloque, et ce conformément à quatre axes :

Axe 1 : Limite(s), seuil(s), territoire(s) et franchissement(s)
La limite est un concept pluriel. Elle peut être matérielle. Elle est soit géographique, administrative, politique ou culturelle et sociale. La limite peut être immatérielle, et résulte des discontinuités et des fragmentations géographiques, et sociales. La limite est variable et dynamique dans l’espace. Commençons par les limites spatiales. Il y a bien sûr des limites matérielles, des lignes de partage socioculturelles, des frontières et des seuils plus ou moins visibles que peuvent révéler par exemple l'analyse des rituels ou encore celle des politiques d'État. Les limites temporelles sont tout aussi prégnantes dans l'approche de l’espace. Souvent construites par l'historien, elles permettent, bien sûr, de faire apparaître des écoles et des styles, des traditions et des manières, d'élaborer des caractérisations en termes d'évolutions, de continuités et de ruptures. En architecture et en ville, la limite est omniprésente. Elle définit les entités et structure leurs articulations. Elle oscille entre un « statique-défini » et un « dynamique-indéfini »[4]. La limite spatiale évolue avec le temps et les paramètres socioculturels. Elle permet d’élaborer des caractéristiques en termes d’évolution, de continuité ou de rupture. Elle s’entend comme un passage ou zone de transfert, une transition entre deux sphères, deux situations. 

D’une certaine manière, la limite au sens le plus proche de limes déploie une épaisseur entre des contiguïtés. Elle serait un intervalle, un chemin entre deux bords : le chemin qui permet la progression entre les champs et celui qui permet d’accéder à un univers sensoriel et émotionnel. De fait, cet espace virtuel une fois franchi, il n’est plus si virtuel et retrouve sa dimension physique, son épaisseur et ses émotions, sa dimension cachée. En effet, le verbe « franchir » amène à la reconnaissance d’une frontière, puisqu’il est question de franchissement. Cela suggère également l’acception d’un lieu d’ouverture, un lieu de « passage ». Dans Essais et Conférences, Martin Heidegger explique que, pour les Grecs, la limite ne représentait pas la « fin » mais le « commencement », il insiste sur le caractère d’ouverture et non de fermeture.

Axe 2 : Limite(s) de l’expression et expression(s) de la limite 

En tant que sème[5] de l’espace, la limite décèle son avènement et sa signification. C’est un dispositif pour délimiter les différents espaces : dedans/dehors, privé/public ou permis/interdit. Elle est formée par des éléments différents provenant des domaines du concret et du symbolique. Pour tout concepteur d’espace[6], la limite est un paradigme conceptuel. Elle définit, matérialise et, configure l’espace. Pour les usagers, elle se présente dans les différentes scènes pratiques et tend à circonscrire un cadre et un espace approprié et pratiqué. Cet axe questionne la manifestation de la limite à travers la formulation du sens et de la signification. Comment les limites sont-elles déterminées par les usagers-habitants dans un contexte donné ?

 Axe 3 : La limite : lieu(x) et figure(s) de l’imaginaire

D’autant plus, la limite est actualisée par la pratique. En effet, la limite renferme des significations manifestées et/ou cachées de l’espace. Manar Hammad atteste de l’intérêt épistémique d’étudier ce concept : « Pour l’architecte sémioticien préoccupé par les questions du sens manifesté dans l’espace, la question des limites ne semble pas une donnée première de la réalité observable. Relevant d’une classe plus large de notions qui embrasse celles des frontières et des bords, la limite est un terme complexe qui peut être décrit à partir de notions plus générales » (Hammad, 2004, p. 1).
Elle est perçue et appropriée par les usagers selon des significations construites, étendues et variées, et par l’interprétation et la rhétorique : « l’être abrité sensibilise les limites de son abri », comme l’avance Bachelard (1957, p. 33), et le reconnait de Certeau « Il y a une rhétorique de la marche. L’art de « tourner » des phrases a pour équivalent un art de tourner des parcours » (1980, p. 151). 

Axe 4 : Repenser les limites à travers l’espace, le temps et les disciplines

Cet axe vise la prise en compte des mutations des limites spatiales, temporelles et disciplinaires qui touchent autant les objets de l’historien de l’architecture que le champ de ses investigations. Dans un monde dans lequel les frontières politiques comme les cadres de références identitaires ont changé, où la mondialisation culturelle prend une importance grandissante, le thème des mutations spatiales, temporelles et disciplinaires présente une pertinence à la fois actuelle et historique. Le problème des mutations territoriales en histoire de l’architecture soulève donc aujourd’hui d’importantes questions qu’il s’agisse du rapport centre/périphérie, des déplacements, des influences et de la transmission, ou encore de la migration et de l’exil. Néanmoins, cet axe à la fois transchronologique et transgéographique, permet de faire réfléchir les chercheur.e.s quelles que soit leurs disciplines. 

Axe 5 : Conception de limites et limites de la conception

Les concepts des transitions entre l’intérieur et l’extérieur, le public et le privé impactent les comportements entre les individus qui y vivent. L’intimité des gens ainsi que la sécurité face à leurs environnements sont des aspects forts importants dans la vie de tous les jours et dans le processus de conception de l’espace en question et de ses limites perçues, vécues et conçues. Comment les limites sociales, ethniques, religieuses, socio-économiques, réglementaires, mémorielles et de genre rendent le processus de conception explicite, décomposable, automatisable et reproductible ?

Ces axes de recherche restent ouverts et seront enrichis grâce aux propositions des participants du colloque.

Informations utiles

Le colloque donnera lieu à la publication des Actes. 

Date du colloque : 04 mars 2023. 

Lieu du colloque : Université Ibn Khaldoun - La Soukra, Chotrana 1.

Les propositions de participation sont à envoyer avant le 10/02/2023.

Les auteurs seront notifiés au plus tard le 18/02/2023.

Le texte de l’article retenu est à envoyer au plus tard le 02/04/2023

Conditions de soumission

Les propositions de participation doivent s’inscrire dans la thématique annoncée.  Les propositions de participation seront envoyées dans un document distinct (format Word) comportant le titre, les noms et prénoms du/des auteur.(e).s, un résumé n’excédant pas 300 mots, les mots-clés (cinq au maximum) et une bibliographie préliminaire (10 titres au plus). 

Un autre document (Word ou PDF) comportera une notice biobibliographique de l’auteur, ses champs de recherche, son institution d’attache, ses contacts (tél., e-mail), et ses publications majeures (ne dépassant pas une page). Les textes seront rédigés selon les normes de la feuille de style qui sera envoyée à l’auteur.(e).s après acceptation de la proposition.  Les résumés ainsi que les articles complets, sont attendus exclusivement à l’adresse suivante : colloques@uik.ens.tn

Modalités de soumission 

Les propositions des résumés, une fois anonymisées, seront soumises à un comité scientifique qui effectuera une expertise suivant le principe de lecture en double aveugle pour évaluation.

Comité scientifique

M. Amor Belhedi, Géographe, Professeur émérite / l’Université de Tunis

M. Hatem Abid, Professeur/ Université de Sfax

M. Hichem Rejeb, Professeur/ Responsable du Groupe de Recherche « Paysages et Géo-Médiation » ISA-IRESA / Université de Sousse.

M. Nomen Gmach, Professeur / Université de la Manouba.

M. Najm Dhaher, Docteur Ingénieur urbanisme et aménagement/Maître de Conférences HDR / Université de Carthage.

M. Fateh Ben Ameur, Docteur en Arts et Sciences de l’Art /Maître de Conférences HDR / Université de Sfax.

Mme. Ferdaws Belcadhi, Docteure en Sciences et Ingénieries architecturales / Maître de conférences HDR / Université de Carthage.

M. Mohsen Bel Haj Salem, Docteur en Sciences et Ingénieries architecturales / Maître-de conférences HDR/ Université de Carthage.

Mme Faiza Khebour Allouche, Docteure en Paysage et Environnement / Maître de conférences HDR / Université de Sousse.

Mme Myriam Gargouri, Docteure en Arts et sciences de l’Art / Maître de conférences HDR/Université de Sfax

M. Noubi Aziz, Docteur en Sciences et Techniques des arts/ Maître assistant/ Université de Tunis

Mme. Saida Hammami, Docteure en Sciences et Architecture du Paysage / Maître assistante en Paysage / Université de Sousse

M. Bassem Gastli, Docteur en Paysage, territoire et patrimoine / Ingénieur paysagiste/Maître assistant / Université de Carthage.

Mme. Yasmine Attia, Docteure en Sciences et Architecture du Paysage / Maître assistante/ Université de Carthage.

Mme. Olfa Ben Medyen, Docteure en Urbanisme et Aménagements / Maître-assistante / Université de Carthage.

Mme. Nawel Chtourou, Docteure en Sciences et Techniques des arts/ Maître assistante/ Université de la Manouba.

Mme Salma Akrout, Docteure en Sciences et Ingénieries architecturales /chercheure associée / ULiège Lucid.U Belgique 

Mme Meriem Dridi, Docteure en Sciences et Pratiques des Arts/ Maître assistante, UIK

Mme Nadia Rassas, Docteure en Sciences et Techniques des arts / Maître assistante, UIK

M. Wael Garnaoui, Postdoctoral Research Fellow, à UNIVERSITÄT LEIPZIG et Psychologue clinicienne - psychothérapeute, ethnopsy, à Terra Psy - Psychologues sans frontières

Mme Imen Helali, Doctorante en Architecture/ ULiège Belgique_UCAR Tunisie / Université de Liège, U.R. Traverses, Sémiotique et Rhétorique, Collège Doctoral Art de bâtir et Urbanisme

Mme Salma Abdennadher, Doctorante en Sciences et Technologies du Design/Assistante, UIK

Mme Salma Ben Fakhet, Doctorante en Sciences et Technologies du Design/ Assistante, UIK

[1] La théorie du rhizome, développée par Gilles Deleuze et Félix Guattari, est l’un des éléments de la « French Theory ». Il s’agit d’une structure évoluant en permanence, dans toutes les directions horizontales, et dénuée de niveaux. Elle vise notamment à s'opposer à la hiérarchie en pyramide ou en arborescence.
[2] Par exemple, selon la théogonie d’Hésiode, Gaïa, la Terre, a dû se doter d’un contour pour se distinguer de la béance
[3] Didactique : Tracer d'un trait le contour de.
[4] La dynamique de la limite résulte de la manière avec laquelle les trames spatiales, temporelles et sociales, se tissent.
[5] Unité minimale de sens. (Linguistique, Sémiotique) 
[6] Lussault souligne la place du concepteur et aménageur du territoire : « Le rôle du géographe est donc bien de comprendre l’assemblage qui fait coexister les matières et les idées dans l’espace ». (Lussault, 2010)