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"Generación crítica 1983-2023". Hommage à quatre figures intellectuelles latino-américaines : Manuel Scorza, Jorge Ibargüengoitia, Angel Rama, Marta Traba

Publié le par Esther Demoulin (Source : Quintana)

APPEL À COMMUNICATIONS

Colloque "Generación crítica 1983-2023"

Hommage à quatre figures intellectuelles latino-américaines :

Manuel Scorza, Jorge Ibargüengoitia, Angel Rama, Marta Traba

Université de Poitiers / 11-13 octobre 2023


 
Ce colloque se propose de mener une réflexion sur l’engagement de l’intellectuel latino-américain -écrivain et critique- face aux défis culturels de notre époque, en rendant hommage à quatre personnalités latino-américaines des arts et des lettres disparues dans l’accident d’avion du vol Paris-Bogota (Madrid, 27 novembre 1983), qui avaient contribué à la rénovation des approches littéraires et culturelles latino-américaines : Manuel Scorza (Lima, 1928), Jorge Ibargüengoitia (Guanajuato, 1928) Angel Rama (Montevideo, 1926) et Marta Traba (Buenos Aires, 1923)[i]. Il s’interrogera également sur l’actualité de leur regard critique sur la société et la culture nationale et latino-américaines, en écho à l’observation d’Angel Rama sur une Amérique latine qui reste un projet intellectuel avant-gardiste en attente de réalisation concrète[ii].

Avec la collaboration du Centre d’Etudes Littéraires Antonio Cornejo Polar de Lima (CELACP), qui organise régulièrement des rencontres scientifiques sur l’oeuvre de l’écrivain, et en lien avec l’AIP (Asociación Internacional de Peruanistas), la première session du colloque rendra hommage à Manuel Scorza, dont les archives viennent d’être confiées au CRLA-Archivos (Centre de Recherches Latino-Américaines-Archivos) de l’Université de Poitiers. L’écrivain, qui avait pris une part importante dans la diffusion de la culture littéraire au Pérou en créant les « Festivales del libro » et la collection Populibros peruanos entre 1956 et 1966, était un poète reconnu et un militant politique lorsqu’il entreprit à partir de 1968 la rédaction du cycle romanesque intitulé « La guerre silencieuse » sur les luttes des comuneros des Andes centrales péruviennes pour la récupération de leurs terres ancestrales (1956-1962), conflit dont il avait été témoin. Elaborés en grande partie en exil à Paris à partir de 1968, les cinq romans du cycle devaient lui valoir une renommée internationale, comme en témoigna le succès du premier roman, Redoble por Rancas, traduit en plus d’une trentaine de langues dans le monde. Au moment de son décès en 1983, Manuel Scorza venait de publier La danza inmóvil (1983), premier texte d’un nouveau cycle romanesque intitulé « El Fuego y la Ceniza ». L’action du roman se situe à Paris dans le milieu des révolutionnaires latino-américains, entre la capitale française et l’Amazonie, et illustre le dilemme entre passion amoureuse et engagement politique. Le roman est également une réflexion sur la création littéraire et la culture, et porte un regard critique et ironique sur le milieu parisien de l’édition et sa fascination pour le boom littéraire des années 1960 en Amérique latine. En s’appuyant sur les principales étapes de sa création littéraire, les journées de Poitiers traiteront de l’engagement politique et intellectuel de l’écrivain au cours de ses années d’exil et au Pérou. Elles aborderont également l’oeuvre poétique de Manuel Scorza (1952-1970), ses principaux thèmes et l’état actuel des traductions. L’écriture à Paris, à partir de 1968, des cinq romans de « La guerre silencieuse » (1970-1978) permettra de mettre l’accent sur la création du cycle, sa construction et sa réception. Une partie du colloque sera consacrée à son dernier roman La danza inmóvil (1983) et à sa relecture des utopies révolutionnaires et du mythe de Paris comme capitale littéraire et culturelle de l’Amérique latine.

La deuxième session du colloque rendra hommage aux autres intellectuels disparus avec Manuel Scorza en 1983 : Marta Traba, critique spécialiste de l’histoire de l’art, et auteure d’une oeuvre poétique et romanesque - Las ceremonias del verano, Prix Casa de las Américas (1966). Au gré des exils que ses prises de position politiques et sociales lui valaient, l’histoire de Marta Traba est aussi celle des intellectuels latino-américains déplacés de leur lieu d’origine. Une position qui permet de briser les cercles fermés de la culture en en faisant un acte de résistance et en se réappropriant un art latino-américain libéré des influences diverses: « Pour Marta, la seule solution pour l'art en Amérique latine était liée à l’idée de résistance… un art pensé et réalisé comme langage, communication, sémiotique, une structure qui n’acquiert de valeur que lorsqu'elle est interrogée et utilisée par un groupe humain[iii]». Considéré comme l’un des principaux critiques littéraires latino-américains du XXème siècle, Angel Rama avait appartenu à la « Génération critique » des écrivains et artistes uruguayens qui allait constituer un phénomène culturel, social et politique déterminant pour la rénovation des arts et des lettres[iv]. Comme son épouse Marta Traba, Angel Rama allait réaffirmer le rôle essentiel de la critique face aux défis sociaux. Dans l’hommage qu’elle lui rendait en 2009, Mabel Moraña soulignait que peu de critiques avaient réussi comme lui à développer une « poétique » capable de changer les imaginaires de la critique tout en explorant toujours un axe principal dans toutes ses oeuvres : la fonction intellectuelle comme pratique médiatrice et comme référentiel[v]. C’est pourquoi sans aucun doute, comme l’affirme Leonardo Iván Martínez, il est urgent aujourd’hui de revisiter son œuvre[vi].

Dans un autre registre, nous retrouvons dans les chroniques journalistiques satiriques de Jorge Ibargüengoitia cette volonté de créer une société plus critique et plus ouverte, en démystifiant les discours des élites du pouvoir au Mexique. Lauréat comme Marta Traba de deux Prix Casa de las Américas (le premier en 1962 pour sa pièce de théâtre El atentado, le second en 1964 pour son roman Los relámpagos de agosto), la maîtrise du genre satirique et de l’ironie est aussi une caractéristique de son oeuvre de fiction, qu’il partage avec Manuel Scorza. Karim Benmiloud observe que ses chroniques commencent à être publiées en décembre 1968 dans le quotidien El Excelsior, soit à peine deux mois après le massacre de Tlatelolco, dans un contexte peu propice à la légèreté et à la fantaisie[vii]. A travers la presse, il cherchera à avoir un impact plus direct sur un large public, en dressant, sur le ton de la satire, un état des lieux de la société mexicaine.

La question de l’accès des citoyens à la culture s’est aussi présentée dans d’autres pays latino-américains, et notamment dans le Pérou de Manuel Scorza, qui allait très tôt déployer des initiatives éditoriales d’envergure pour tenter de résoudre cette question grâce aux Festivales del libro et à la collection Populibros peruanos. Dunia Gras observe qu’avant l’émergence du Boom littéraire des années 1960, les réseaux de diffusion du livre étaient quasi inexistants en Amérique latine et que l’une des premières tentatives d'internationalisation du livre hispano-américain a été menée depuis le Pérou et dès la fin des années 1950, par Manuel Scorza : lors de son séjour au Mexique celui-ci avait pris conscience très tôt, avec les pocket books nord-américains, des nouvelles possibilités de diffusion du livre de poche comme support culturel pour permettre l’accès des masses à une culture réservée aux élites et faciliter les échanges culturels entre les pays latino-américains[viii]. Le caractère précurseur de Manuel Scorza fut reconnu par d’autres intellectuels comme Antonio Cornejo Polar, affirmant que Scorza avait réussi à créer une industrie éditoriale moderne à l’attention d’un large public[ix].

            Le colloque s’intéressera également au rôle de l'intellectuel latino-américain dans sa résistance aux cultures d'élite et au renouvellement des approches critiques de la littérature et des arts, afin de nourrir une réflexion plus large sur l'héritage laissé par ces intellectuels dans le champ de la critique littéraire et artistique et de la chronique. 

Axes thématiques

 
1.     Sur Manuel Scorza :

-       L’exil latino-américain (1949-1956) et l’engagement politique : APRA, Movimiento Comunal et FOCEP (1946-1978)

-       L’œuvre poétique de Manuel Scorza 

-       L’œuvre en prose : 

§  « Soñar la realidad » : création et réception de « La guerre silencieuse » (1968-1979)

§  La danza inmóvil : mythes et réalités, utopies et imaginaires.
 
-       Manuel Scorza aujourd’hui : nouvelles approches critiques et rééditions.
 

2.     Sur la critique artistique et littéraire comme forme de résistance culturelle :
 
-       Héritages d’Angel Rama et de Marta Traba aujourd’hui.

-       Jorge Ibargüengoitia : chroniques, humour et satire.

-       Les chroniques journalistiques en Amérique latine : dialogue avec Jorge Ibargüengoitia

-       Pouvoir du livre et de la lecture dans l’œuvre éditoriale et fictionnelle de Manuel Scorza

 
Précisions pour l’envoi des propositions : 

-       Titre de la communication, nom et prénom de l’auteur 

-       Statut de l’auteur, établissement de rattachement 

-       Fiche académique de l’auteur (5 lignes) 

-       Résumé de la communication (10 lignes et 3 concepts-clés) 
 

Date limite d’envoi des résumés : 15 avril 2023 

Réponse du comité scientifique : 15 mai 2023 

 
Langues de communication: espagnol, français
 

Adresse d’envoi des propositions: coloquio.homenaje.1983.2023@gmail.com 

 
Site (en cours) du colloque:

https://coloquio-generacion-critica-1983-2023.conference.univ-poitiers.fr/ 
 

Comité organisateur : 

Jean-Marie Lassus, CRLA, Université de Nantes et Université de Poitiers 

Néstor Ponce, CELLAM, Université de Rennes 2 

Cécile Quintana, CRLA, Université de Poitiers 

Claire Sourp, ERIMIT, Université de Rennes 2 

Giancarlos Nathanael Peralta, Université de Poitiers 

Montserrat Pavez, Université de Poitiers

Víctor Lagos, Université de Poitiers  

Comité scientifique: 

Jean-Marie Lassus, CRLA, Université de Nantes et Université de Poitiers 

Néstor Ponce, CELLAM, Université de Rennes 2 

Cécile Quintana, CRLA, Université de Poitiers 

Claire Sourp, ERIMIT, Université de Rennes 2 

Carlos García Bedoya CELACP - Centro de Estudios Literarios Antonio Cornejo Polar- y UNMSM Lima 

Gonzalo Portals Zubiate, CELACP - Centro de Estudios Literarios Antonio Cornejo Polar- Lima

Bibliographie indicative

- Caballero Prado, Amaranta (compiladora), Olafo y los amigos. Jorge Ibargüengoitia y el avionazo de Avianca en 1983, Ediciones La Rana, Guanajuato, Primera edición en la colección Montaigne, 2022. 

- Collazos, Oscar et alii, El programa cultural y político de Marta Traba. Relecturas. Bogotá, Universidad nacional de Colombia, 2010. 

- Gras, Dunia, “Manuel Scorza y la internacionalización del mercado literario latinoamericano: del patronato del libro peruano a la organización continental de los festivales del libro (1956-1960)", Biblioteca virtual Miguel de Cervantes, https://www.cervantesvirtual.com 

- Ibargüengoitia, Jorge, Viajes en la América ignota, México, Joaquín Mortiz, 1972. Recopilación de las crónicas de El Excélsior. 

- Ibargüengoitia, Jorge, Instrucciones para vivir en México, Selección de artículos publicados en Excélsior (1969-1976), compilados por Guillermo Sheridan, México: Joaquín Mortiz, 1990. 

- Ortega, Julio. «Manuel Scorza: el libro en la calle». Mundo Nuevo 23 (1968): 84-86. 

- Pacheco, José Emilio, “La generación crítica”, Centro de Investigaciones Lingüístico-Literarias. Universidad Veracruzana Texto Crítico, enero-agosto 1985, nos. 31-32, p. 74-81

- Rama, Angel, Transculturación narrativa en América Latina. México: Siglo XXI, 1982. La ciudad letrada, México, Edición del Norte, 1984. Literatura, cultura y sociedad en América Latina, Montevideo, Trilce, 2006. 

- Rama, Angel, Una vida en cartas 1944-1983, Montevideo, Editora Estuario, Octubre de 2022.

- Traba, Marta: Dos décadas vulnerables en las artes plásticas latinoamericanas (1950- 1970). México, 1973; Siglo XXI de España Editores, S.A. (1/5/2005). Voir également le site internet : https://martatrabaenlinea.wordpress.com 

- Sur Manuel Scorza: se reporter à la bibliographie établie par Dunia Gras Miravet sur le site Biblioteca virtual Miguel de Cervantes : https://www.cervantesvirtual.com 

Notes
 
[i] José Emilio Pacheco “La generación crítica”, Centro de Investigaciones Lingüístico-Literarias. Universidad Veracruzana Texto Crítico, enero-agosto 1985, nos. 31-32, p. 74-81.
[ii] Mabel Moraña, “A 25 años de su muerte: Angel Rama y los imaginarios de la crítica”, Texto leído con motivo del homenaje oficial del Ministerio de Cultura de Uruguay en Montevideo el 27 de noviembre de 2008. A contracorriente, Revista de Historia Social y Literatura en América Latina, Editores North Carlolina State University, Vol. 6, No. 2, 2009, p. 179.
[iii] Betina Barrios Ayala, in Crítica del arte, Fundación Cultural Estilo/Online 19 de febrero de 2022, http://revistaestilo.org 
[iv] Angel Rama, “La generación crítica (1939-1969)”, in: Luis Benvenuto (coordinador) Uruguay hoy. Buenos Aires, Siglo XXI, 1971.
[v] Mabel Moraña, op. cit, p. 175. 
[vi] Leonardo Iván Martínez, “Visión cartográfica de Angel Rama”, in:  Caballero Prado, Amaranta (compiladora), Olafo y los amigos. Jorge Ibargüengoitia y el avionazo de Avianca en 1983, Ediciones La Rana, Guanajuato, Primera edición en la colección Montaigne, 2022. p. 51.
[vii] Karim Benmiloud, « Les chroniques de Jorge Ibargüengoitia dans le quotidien Excélsior (1968-1976) », América [En ligne], 49 | 2016, URL : http://journals.openedition.org/america/1655 ; DOI : https://doi.org/10.4000/america.1655 
[viii] Dunia Gras, “Manuel Scorza y la internacionalización del mercado literario latinoamericano: del patronato del libro peruano a la organización continental de los festivales del libro (1956-1960)”, Biblioteca virtual Miguel de Cervantes, https://www.cervantesvirtual.com 
[ix] Dunia Gras, op. cit.