Enfant du monde (post)moderne, genre hybride, transgressif, défiant, sans tradition, sans reconnaissance ni validation conceptuelle ferme - car les choses sont encore en cours de légitimation - le roman graphique est sans aucun doute un défi pour le simple amateur de lecture comme pour le spécialiste. L'impact croissant et indéniable qu'il a sur le marché du livre remet cependant en cause la nécessité de repenser et d'affiner les définitions, explications et illustrations qui permettent de mieux comprendre, valider ou circonscrire le concept d'œuvre littéraire, voire d'œuvre artistique en général. Tant le critique que le lecteur ordinaire peuvent se sentir irrités par cet "imposteur", mi-texte, mi-dessin, qui revendique aussi, bien souvent, la célébrité de l'original qu'il "parasite".
Le roman graphique ne serait alors, diront certains, que du kitsch, généré par le besoin de vulgarisation, de simplification, pour un public qui n'a plus le temps ni l'envie de s'adonner à des activités intellectuelles trop exigeantes ; il ne serait pas étonnant, diront les mêmes voix, qu'il prolifère surtout dans les sociétés hyper-industrialisées. À l'opposé, d'autres pensent que ce genre littéraire reflète davantage le processus complexe d'interprétation d'un texte, d'appropriation en le réécrivant et en imposant graphiquement des frontières herméneutiques.
Mais au-delà de ces points de vue contestés, le roman graphique est une création à part entière, née précisément d'une volonté d'ouverture, d'autonomisation mutuelle des arts, de générations de lecteurs-lectrices aux profils extrêmement variés. Dans le contexte culturel contemporain, cette oeuvre hybride enflamme également les débats et les controverses qui ont toujours accompagné le roman, sous sa forme moderne, depuis le début de son apparition jusqu'à nos jours : il s’agit de la même difficulté à le définir, la même impasse théorique dans laquelle il place ses interprètes, la même dépendance à l'égard de l'actualité, qui le contraint, pour ainsi dire, à une perpétuelle métamorphose, à une adaptation continue aux rythmes (et aux spécificités) culturels et civilisationnels du moment.
Cependant, malgré toutes les difficultés mentionnées ci-dessus, aucune approche théorique ou d'investigation ne peut éviter les questions difficiles. Que sont les romans graphiques ? Sont-ils vraiment des romans ? S'ils peuvent être classés, selon quels critères, sur la base de quels concepts ? Qui sont leurs auteurs, leurs lecteurs, leurs critiques ? La diffusion des romans graphiques modifie-t-elle (en l'amplifiant ou en l'affaiblissant) l'impact des livres ou des films éponymes, entraîne-t-elle des mutations dans l'appareil conceptuel des différents arts ? Y a-t-il des sociétés, des mentalités, des stéréotypes qui stimulent particulièrement la production de romans graphiques ? L'avenir des romans graphiques dépend-il de l'évolution de la technologie, appartient-il à l'intelligence artificielle ?
Les contributions attendues pour le Dossier critique du numéro 1/2023 de Meridian Critic répondront à ces questions et/ou proposeront des points de vue originaux sur la création, le développement, la réception et l'interprétation des romans graphiques. Les contribtions pour les autres rubriques de la revue seront également prises en considération.
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Les textes intégraux (longueur maximale de 7000 mots), accompagnés par des résumés en anglais (200 mots au maximum) et une notice biobibliographique de l’auteur.e (400 mots au maximum), seront transmis avant le 10 mai 2023 aux adresses ioan.farmus@usm.ro, simonamanolache@litere.usv.ro et meridian.critic.flsc@gmail.com.
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Date limite de soumission des articles : le 10 mai 2023.