Michele Tomasi, Écrire l’art en France au temps de Charles V et Charles VI (1360-1420). Le témoignage des chroniqueurs
Sous les règnes des rois Charles V (1364-1380) et Charles VI (1380-1422), les arts ont connu en France une floraison exceptionnelle, notamment dans les milieux de cour. Les sculptures, les objets précieux, les manuscrits de cette époque nous fascinent toujours. Mais comment les aristocrates du temps regardaient-ils ces créations flamboyantes ? La lecture attentive des plus importants ouvrages historiques de l’époque – les célèbres chroniques de Jean Froissart, le récit officiel du règne de Charles VI rédigé par le moine Michel Pintoin, les Grandes Chroniques de France – offre des réponses à cette question. Ces témoins privilégiés nous apprennent que les princes et les nobles accordaient plus d’importance et d’attention à l’orfèvrerie, aux textiles et aux tapisseries qu’à la peinture ou à a sculpture, nous révèlent le goût pour les spectacles multi-sensoriels, mettent en scène la complicité de puissants qui adorent ce qui est rare et exotique, nous montrent combien les arts étaient au coeur des rapports sociaux mais aussi l’objet d’un vrai plaisir esthétique. L’analyse fine du texte des chroniqueurs et de leurs mots donne accès aux représentations et dévoile les pratiques, les attentes et les hiérarchies des élites françaises aux xive et xve siècles. Ce livre apporte ainsi une contribution à l’histoire de la réception des arts à une période clé de leur histoire, mais esquisse également une protohistoire du discours sur les arts au nord des Alpes et éclaire les valeurs et les usages de la noblesse à la fin du Moyen Âge.
Après des études à l’Université et à la Scuola Normale Superiore de Pise, Michele Tomasi a été boursier à l’Institut National d’Histoire de l’Art (Paris) et Getty Fellow. Il est professeur ordinaire d’histoire de l’art médiéval à l’Université de Lausanne. Spécialiste de la sculpture et des arts précieux à l’époque gothique, il s’intéresse surtout aux matériaux, aux modes de production, aux artistes, à la commande et à la réception des œuvres.
Table des matières:
Remerciements
Introduction
I. Le choix des chroniqueurs
1. Le corpus de textes
2. La proximité avec les élites
3. La question de la fiabilité
4. Les chroniqueurs et l’histoire des mentalités
II. La fonction sociale des œuvres
1. Une attitude traditionnelle : la sculpture
La place de la sculpture funéraire
Les images religieuses
2. Une présence discrète : la peinture
3. La conscience de pratiques nouvelles : l’architecture
Le faste des résidences princières
Le décorum urbain
Magnificence ou dilapidation ?
Architecture et vie sociale
III. Au sommet de la hiérarchie des arts
1. « Estat tenir »
2. Le prix des œuvres
« Opus » et « materia »
3. Une sensibilité poussée pour les textiles
4. Les enjeux d’un art ‘publique’ : la tapisserie
Tapisserie, iconographie, diplomatie
Un contexte pour deux témoignages exceptionnels
IV. L’appréciation esthétique des arts
1. Beauté, richesse, noblesse
2. Plaisir et émerveillement
Gratus, plaisir, plaisance
Le spectacle des arts
« Merveille » et « oubliance »
3. Le plaisir esthétique des élites
« Cognoisseurs » et « estrangeté »
Des pratiques genrées ?
V. Regards croisés et changements de focalisation
1. Partis pris d’un auteur : quelques remarques sur Michel Pintoin
2. Regards croisés
Leulinghem, ou la question des sources d’information
Nicopolis, ou la diversité des points de vue
Ardres et le mariage de Richard II et Isabelle de France
3. Expériences partagées et choix d’auteur : l’entrée d’Isabelle de Bavière à Paris
VI. Conclusions
Bibliographie
Index des noms
Index des mots
Légendes et crédits des illustrations
Illustrations