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Représentations de la catastrophe au XXIe s dans les arts plastiques et la littérature : quelles réponses collectives et intimes ? (revue Itinéraires LTC)

Représentations de la catastrophe au XXIe s dans les arts plastiques et la littérature : quelles réponses collectives et intimes ? (revue Itinéraires LTC)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Elsa Ayache)

Proposition de numéro interdisciplinaire pour la revue Itinéraires LTC
 
Représentations de la catastrophe au XXIe siècle dans les arts plastiques et la littérature :

quelles réponses collectives et intimes ?

Elsa Ayache, Artiste et Maître de conférences en arts plastiques
École des arts de la Sorbonne (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UFR O4), Institut ACTE, UR 7539

Anne Coudreuse, Maître de conférences HDR en Littérature française, UFR LLSHS
Université Sorbonne Paris Nord, Pléiade, UR 7338
 
 
Il est courant de dater du 11 septembre 2001 le réel début du XXIe siècle perçu comme une période caractérisée par les catastrophes de tous ordres, même si le catastrophisme lui-même date de 1812, quand Georges Cuvier a proposé d’expliquer la formation de la terre par une série de cataclysmes. Théorie de l’histoire des sciences, plutôt décriée et longtemps confinée à la mythologie, le catastrophisme d’aujourd’hui propose de s’en tenir à un scénario du pire face à l’avenir. Les attentats du 11 septembre inaugurent « l’irruption du possible dans l’impossible », selon la définition de la catastrophe donnée par le philosophe de sciences Jean-Pierre Dupuy dans Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain (Seuil, « La couleur des idées », 2002). « Non seulement la peur de la catastrophe à venir n’a aucun effet dissuasif ; non seulement la logique économique continue de progresser comme un rouleau compresseur ; mais aucun apprentissage n’a lieu. La catastrophe n’est pas crédible, tel est l’obstacle majeur. La peur de la catastrophe n’a aucune force dissuasive. L’heuristique de la peur n’est pas une solution toute faite, elle est le problème » (p. 143-144). Est-ce encore le cas à l’été 2022 qui a vu proliférer les incendies, les canicules, la sécheresse, les inondations, et sur lequel pèsent la menace de l’explosion de la centrale nucléaire de Zaporijjia en Ukraine ? Tout se passe comme si, notamment d’un point de vue occidental, l’impossible était devenu notre quotidien et notre seul horizon. Nous pouvons d’emblée nous demander si l’art et la littérature obéissent à la même condamnation.
 
Le seul exemple de l’été 2022 montre que la catastrophe, planétaire, ne se donne plus à penser comme un événement unique, inédit et imprévisible. Elle se présente désormais comme un enchaînement de phénomènes en séries, elle est devenue notre actualité sans cesse renouvelée, et plus seulement notre avenir. Comme l’écrit Paul Virilio : « Devant cet état de fait d’une temporalité accélérée qui affecte les mœurs, l’art aussi bien que la politique des nations, une urgence s’impose entre toutes : celle d’exposer l’accident du Temps. Renversant de la sorte la menace de l’inopiné, la surprise devient sujet de thèse et le risque majeur sujet d’exposition dans le cadre des télécommunications instantanées. […] Ce constat d’impuissance devant le surgissement d’événements inattendus et catastrophiques nous contraint à renverser la tendance habituelle QUI NOUS EXPOSE À L’ACCIDENT, pour inaugurer une nouvelle sorte de muséologie, de muséographie : celle qui consiste maintenant à EXPOSER L’ACCIDENT, tous les accidents, du plus banal au plus tragique, des catastrophes naturelles aux sinistres industriels et scientifiques, sans éviter l’espèce trop souvent négligée de l’accident heureux, du coup de chance, du coup de foudre amoureux, voire du "coup de grâce" ! » (L’Accident originel, Galilée, 2005, p. 15-16).
 
Aujourd’hui, du témoignage sidéré, descriptif ou critique, des déstabilisations visuelles et signifiantes induisant doutes, remises en question voire déplacements, au développement de projets militants, alarmistes ou écoterroristes utilisant le viscéral et la peur pour éveiller les consciences et engager l’action, de quels rapports à la catastrophe témoignent les œuvres littéraires et artistiques contemporaines internationales ? Quelles intentions porte leur auteur ? Et quels impacts ont-elles sur le lecteur ou le spectateur ?
Il s’agit moins aujourd’hui pour les arts plastiques et la littérature de représenter la catastrophe que de l’incarner et d’y être, de lui apporter une figuration que de se laisser défigurer par elle, dans leurs formes, leurs pratiques et leurs définitions. Est-il encore possible d’attribuer un sens à la catastrophe par sa représentation plastique ou littéraire ?
 
Au-delà des genres littéraires formatés, comme les fictions éco-dystopiques ou post-apocalyptiques en plein essor, au-delà d’une instrumentalisation émotionnelle des images de catastrophe par les médias à des fins sensationnelles, idéologiques, économiques et politiques, pourrait-on voir se mettre en place une littérature ou un art catastrophés, dont la forme même serait atteinte par ce qui ne serait plus simplement un imaginaire ou une représentation de la catastrophe ? Quels types de gestes artistiques portent cette hypothèse et peuvent faire contre-point ? Quelles visions la littérature et les arts plastiques proposent-ils de la catastrophe par rapport à son traitement médiatique et à la surexposition aux images et aux mots, en temps réel ? Comment peuvent-ils à la fois fixer l’effet de sidération initial, reproductible à chaque catastrophe, et aider à le dépasser à la fois au plan intime et collectif ? Peuvent-ils aider à retourner la vulnérabilité des individus et des sociétés, en force d’action et de remédiation ? L’intime de la création artistique ou littéraire, poïétique, peut-il devenir politique, comme si « je » pouvais enfin sauver le monde, Narcisse ne se perdant plus dans sa propre image, enfermé dans son unique visage, mais se réfractant dans l’ensemble infini voué à la finitude de l’univers, humain ou non humain ?
 
Plusieurs questionnements et axes de réflexion se dégagent ainsi :
 
-       Quelles sont les expressions et re-présentations contemporaines artistiques et littéraires de la catastrophe ? À quelles positions et à quelles intentions de leurs auteurs renvoient-elles ? 
 
-       Comment art et littérature rendent-ils compte d’une évolution de notre rapport aux catastrophes, impliquant différemment par exemple la notion de contrôle sur nos environnements urbains et naturels ? En effet, si la catastrophe naturelle n’a pas toujours été appréhendée dépendamment de nos actions, le sentiment d’impuissance ne vient-il pas aujourd’hui d’une volonté de puissance et de contrôle de tous les éléments ?
 
-       Du point de vue de la réception, quels sont les pouvoirs de l’art et de la littérature face à l’évidence de la catastrophe à venir ? À titre d’exemple, sur la question de la destruction du vivant, ont-ils une marge d’action possible, individuelle et/ou collective, vis-à-vis de ce paradoxe associant conscience du pire à venir et attentisme ? Comment peuvent-ils avoir un impact sur les marches politiques et économiques en cours ? 
 
-       Plus loin, induisent-ils de nous positionner radicalement ? Ou peut-on encore penser la catastrophe dans et par la nuance ? Suffit-elle ou n’est-elle pas particulièrement nécessaire ?

Les propositions de contribution sous forme de résumé, accompagnées d’une notice bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 2 décembre 2022 à :

-       Elsa.Ayache@univ-paris1.fr

-       Anne.coudreuse@univ-paris13.fr

Les réponses aux propositions seront fournies le 9 janvier 2023. 

Les articles seront à remettre avant le 30 mai 2023 pour une parution du numéro à l’hiver 2024, après une évaluation de chaque contribution en double aveugle. Pour plus d’information sur la sélection et la publication des textes, consulter la page : https://journals.openedition.org/itineraires/2252

Pour ce numéro, les auteurs.trices sont invité.e.s à proposer des textes de 25 000 signes minimum et 30 000 signes maximum (espaces comprises) en respectant scrupuleusement les consignes détaillées à la page suivante : https://journals.openedition.org/itineraires/2255.

Les articles qui ne respecteraient pas ces normes seront retournés aux auteurs.trices avant d’être expertisés.

Les contributions pourront être accompagnées d'images libres de droits et d’une résolution de 300 DPI  (voir la partie « Illustrations » des consignes auteurs sur le site de la revue).