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Genre et hétéronormativité dans les sources : représentations et transgressions de l’injonction hétérosexuelle (Saint-Étienne)

Genre et hétéronormativité dans les sources : représentations et transgressions de l’injonction hétérosexuelle (Saint-Étienne)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Adrien Bresson)

Appel à communications – Séminaire jeunes chercheur.es 2023

« Genre et hétéronormativité dans les sources : représentations et transgressions de l’injonction hétérosexuelle. »
 

Journée du 13 avril 2023 à l’Université Jean Monnet, Saint-Étienne


 

Présentation
D’un premier séminaire jeunes chercheur.es qui s’est tenu en 2022 sur le thème « genre et sources : lecture, relecture, mélecture », la deuxième session prévue cette année 2023 s’oriente vers l’hétéronormativité comme outil conceptuel pour analyser les rapports sociaux de sexe et de sexualité dans les sources : « [L’hétéronormativité] désigne le système, asymétrique et binaire, de genre, qui tolère deux et seulement deux sexes, où le genre concorde parfaitement avec le sexe (au genre masculin le sexe mâle, au genre féminin le sexe femelle) et où l’hétérosexualité (reproductive) est obligatoire, en tout cas désirable et convenable »[1]. En somme, l’hétéronormativité est un outil critique issu des études de genre employé pour remettre en cause une vision à la fois dualiste et déterministe des identités des genres et des sexualités : c’est un concept qui va donc par définition à l’encontre de tout essentialisme.

Par son inscription dans la Structure Fédératrice de Recherche ALLHiS, le séminaire porte une attention particulière à l’analyse des sources, entendues comme « l’ensemble des traces laissées par les acteurs du passé sur lesquelles le chercheur fonde son travail […] toute type de document ou d’objet peut devenir source, à condition d’être correctement critiqué »[2]. L’objectif est donc de poursuivre cette approche critique en questionnant les représentations de l’hétéronormativité dans les sources au sens large : sources écrites (archives historiques, textes littéraires et juridiques), visuelles (iconographiques, statuaires) et immatérielles (données de terrain ethnographiques).

Si le premier séminaire s’est attaché à montrer la pertinence d’une analyse des sources au prisme des normes de genre, « l’invention historique de l’hétérosexualité comme norme est récente »[3] et sa théorisation comme impératif social dans la littérature scientifique (en SHS comme en médecine) est une construction moderne. En remettant en cause l’hétérosexualité comme doxa, soit comme une forme d’évidence consensuelle et primordiale, la notion d’hétéronormativité suppose d’interroger les mouvements de résistance ou les évolutions au sein des discours et des pratiques[4]. Les transgressions de l’hétéronormativité peuvent en effet être effacées ou marginalisées au cours d’une transmission orientée qui condamne ces pratiques, parfois dissimulées au sein des sources elles-mêmes pour esquiver la censure. Elles peuvent passer par une subversion explicite comme par des techniques de « camouflage » qui reposent sur l’implicite et la métaphore pour permettre la transmission malgré cette dimension transgressive. La difficulté, en outre, à nommer et à définir une grande diversité de pratiques, de représentations et de discours autrement que par leur affiliation ou non à une norme modulable et en évolution pose un problème sémantique : comment désigner la « non-hétéronormativité » autrement que par la négative et, implicitement, par la transgression d’une norme hétérosexuelle entendue comme positive.

Ce séminaire propose donc deux volets d’études principaux : 

1-     Une analyse critique des sources au prisme des normes de genre dans les relations amoureuses, sexuelles, conjugales ou sociales qui ont pour point commun d’être fondées sur l’idéalisation du couple hétérosexuel comme seul modèle possible et souhaitable.

2-     Une analyse des discours, des représentations, et des pratiques non-hétéronormatives dans les sources et leur positionnement vis-à-vis des normes dominantes qu’elles transgressent (ou non) en fonction des contextes.

Axes de recherche
·        Développer une réflexion théorique sur les enjeux épistémologiques de l’hétéronormativité en sciences sociales, ses apports et ses limites dans l’analyse des sources, ses convergences ou dissensions avec d’autres orientations des études de genre, comme les différentes perspectives féministes.

·        Développer des outils méthodologiques pour appréhender l’hétéronormativité dans les sources en fonction des supports et des disciplines en montrant sur ce point l’intérêt d’une approche interdisciplinaire.

·        Rendre compte des représentations ou des pratiques « non-hétéronormatives » dans les sources, des stratégies de dissimulation ou des subversions explicites, et plus largement de leur positionnement vis-à-vis des normes sociales et sexuelles dominantes afin d’historiciser la construction et les évolutions de l’injonction hétérosexuelle.

·        Problématiser les justifications de l’hétéronormativité dans l’assimilation de faits sociaux à des faits « naturels », au travers d’une approche comparative entre les habituelles oppositions nature/culture et féminin/masculin : comment les représentations de la nature relèvent d’une construction culturelle ?

·        Resituer le concept d’hétéronormativité dans le contexte théorique et politique dont il est issu : en premier lieu afin d’éviter tout anachronisme mais aussi pour questionner la reproduction de l’opposition binaire qu’il tend à dénoncer.

Bibliographie indicative
CLAIR Isabelle.  « Le pédé, la pute et l’ordre hétérosexuel. », Agora débats/jeunesses, 60, pages 67-78, 2012.

DESCOUTURES Virginie, « Le cadre hétéronormatif », dans Les mères lesbiennes, Virginie DESCOUTURES éd., Paris, Presses Universitaires de France, p. 59-84, 2010. 

JACKSON Stevi. « Genre, sexualité et hétérosexualité : la complexité (et les limites) de l’hétéronormativité », Nouvelles Questions Féministes, Vol. 34, p. 64-81, 2015.  

KATZ Jonathan. L’invention de l’hétérosexualité, Epel, Paris, 2001.

RICH Adrienne. “Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence”, Signs, Vol. 5, No. 4, “Women: Sex and Sexuality”, p. 631-660, 1980.

BOEHRINGER Sandra & SEBILLOTTE-CUCHET Violaine (dir.), Hommes et femmes dans l’Antiquité grecque et romaine. Le Genre : méthode et documents, Paris, Colin, 2011.

SCOTT Joan & VARIKAS Éléni. « Genre : Une catégorie utile d'analyse historique. », Les Cahiers du GRIF, No. 37-38, p. 125-153, 1988.

TIN Louis-Georges. L’invention de la culture hétérosexuelle, Sexe en tous genres, 2008.

WARNER Michael. “Introduction: Fear of a Queer Planet”, Social Text, No. 29, p. 3-17, 1991.

WITTIG Monique. « La pensée straight », Questions Féministes, No. 7, p. 45-53, 1980.

 

 

Conditions de candidature
·        Être étudiant.e en master 2, titulaire d’un master ou inscrit.e en doctorat : il s’agit d’un séminaire jeunes chercheur.es dont l’objectif est de créer un espace de discussion pour ceux et celles qui n’ont pas encore de doctorat.

·        Rédiger une proposition de communication (entre 300-400 mots) et une présentation succincte (affiliations, sujet de recherche, éventuelles publications).

·        Les participant.es sont vivement encouragé.es à postuler à deux pour intervenir en binôme, de préférence pluridisciplinaire.

Comité d’organisation et scientifique
·        Alice Baudequin, doctorante en anthropologie à l’Université Libre de Bruxelles au LAMC (Laboratoire d’Anthropologie des Mondes Contemporaines).

·        Adrien Bresson, doctorant en langue et littérature latines à l’Université de Lyon–Saint-Étienne au laboratoire HISOMA (Histoire et Sources des Mondes Antiques).

·        Jonathan Raffin, chargé de cours à l’Université Grenoble-Alpes en histoire romaine et assistant de Michel Depeyre, directeur d’EVS-ISTHME UMR 5600.

Envoyer les propositions de communication avant le 31 décembre 2022 à : seminaire2023allhis@gmail.com

 

Les réponses sont prévues pour le 15 janvier.

L’objectif est aussi, à l’issu de ce séminaire, de rassembler les communications sous la forme d’articles pour la publication d’un ouvrage collectif fin 2023/début 2024.

 

 


 
[1] Butler Judith, Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, La Découverte, Paris, 2005 (1re éd. 1990), p. 24.
[2] Les mots de l’historien, dir. Offenstadt Nicolas, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2009, p. 105.
[3] Fidolini Vulca. « L’hétéronormativité », Manuel indocile de sciences sociales, p. 798-804, 2019.
[4] Chetcuti Natacha. « Hétéronormativité et hétérosocialité », Raison présente, n°183, 3e trimestre 2012. Sexualités, normativités. pp. 69-77, ici p. 75.