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Littérature américaine et cultures thérapeutiques (Grenoble)

Littérature américaine et cultures thérapeutiques (Grenoble)

Publié le par Faculté des lettres Université de Lausanne (Source : Nicholas Manning)

Littérature américaine et cultures thérapeutiques

Colloque international à la Maison de la Création et de l’Innovation (MaCI), Université Grenoble Alpes, 14-16 juin 2023

en partenariat avec L’Institut des langues et cultures d’Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie (ILCEA4)

et l’Institut universitaire de France (IUF)

Organisation :

Nicholas Manning (UGA/IUF)

Conférenciers confirmés:

Timothy Aubry, Isabelle Blondiaux, Beth Blum, Peter Boxall, Jean-Christophe Cloutier,

Thomas Constantinesco, Adam Frank, Martin Halliwell, Michael Jonik,

Rachel Greenwald Smith, Trysh Travis.

Ce colloque international, qui se tiendra du 14 au 16 juin 2023 à la Maison de la Création et de l’Innovation (MaCI) de l’Université Grenoble Alpes, explorera les forces dynamiques d’attraction et d’antagonisme qui se jouent entre des textes ou traditions littéraires et un large éventail de discours psychologiques, du XIXe siècle jusqu’à nos jours, à la lumière du concept relativement récent de culture thérapeutique. Ces réflexions se poursuivront lors du 5e Congrès international de la Société française d’études modernistes (SEM) intitulé Therapeutic Modernisms, programmé à l’UGA dans le cadre du même projet en juin 2024.

Les textes littéraires américains, oscillant entre attraction et rejet, tendent à refléter voire à remettre en cause une gamme de croyances forgées dans le cadre d’idéologies thérapeutiques. Depuis le New Criticism en particulier, les différents modèles théorisant la relation entre littérature et psychologie se sont montrés restrictifs en tentant soit de bannir la psychologie, soit de privilégier certains discours au détriment de ceux perçus comme « populaires » ou « alternatifs ». En même temps, des notions thérapeutiques courantes – comme l’intelligence émotionnelle, l’empathie, ou la communication interpersonnelle – se voient de plus en plus utilisées aux États-Unis, souvent de manière problématique, pour justifier la légitimité culturelle de la littérature au moment où elle apparaît subir une forme de dévalorisation. De telles justifications utilitaristes doivent être questionnées si nous voulons repenser la pertinence culturelle actuelle et future de la création littéraire.

Afin d’explorer ce terrain, cette conférence réunira des spécialistes de la littérature et de la culture américaines, des affect studies et des liens historiques entre littérature et psychologie. Car la « culture thérapeutique » constitue un champ d’investigation bien plus large que celui qui intéresse traditionnellement les théoriciens de la littérature dans leur effort de penser les relations entre littérature et psychologie. Comment expliquer que ces relations n’aient été généralement abordées que par le biais de la psychanalyse, à l’exclusion de tant d’autres pratiques thérapeutiques ? Quelle vision du sujet peut dès lors découler d’une analyse considérant les interactions de la littérature avec un spectre étendu de « cultures psy », allant des manuels de développement personnel à la santé naturelle, des thérapies cognitivo-comportementales à la théorie de la Gestalt, de la spiritualité New Age à la médecine narrative ? Et comment expliquer que la croyance selon laquelle les textes littéraires panseraient les blessures du passé, perfectionneraient l’individu et offriraient un accompagnement psychologique ou spirituel, s’est répandue à l’époque contemporaine, au moment même où la valeur culturelle de la littérature apparaît menacée ?

Contrairement à d’autres approches – et notamment celles motivées par des convictions purement optimistes quant aux pouvoirs de « soin » ou de « guérison » de la littérature – les participants à ce colloque sont invités à porter un regard critique sur ces tendances historiques et contemporaines, questionnant la vision utilitariste, dans des sociétés néolibérales, des textes littéraires comme appareil curatif. Contrairement aux initiatives qui adoptent une vision purement positive des liens entre la littérature et des idéologies thérapeutiques, les communications se demanderont si l’identification de la littérature en tant que technologie de guérison n’a pas également fait obstacle à sa mise en valeur culturelle. Questionner les mythes de la littérature en tant que dispositif réparateur engagera donc à réfléchir à de nouveaux modèles d’analyse de l’interaction littérature-thérapie allant au-delà du positivisme scientifique et de l’optimisme culturel de certaines initiatives contemporaines en sciences humaines médicales.

Ce colloque et le projet éditorial qui lui est associé ne visent pas à déterminer la place de la littérature dans une culture dite thérapeutique, et ce faisant à établir une hiérarchie statique semblable à celles que posent nombre des modèles élaborés jusqu’ici pour penser les liens entre psychologie et littérature. Il s’agit bien plutôt d’appréhender le littéraire et le thérapeutique comme des environnements culturels qui n’ont cessé de se remodeler activement l’un l’autre. À l’épicentre d’un éthos thérapeutique en constante expansion, la littérature américaine offre une occasion unique d’interroger ce paradigme. Car si l’objectif de l’amélioration de soi par l’art est au fondement de l’éthos moral victorien, c’est aux États-Unis, à l’époque moderne – dans une combinaison de ferveur capitaliste, d’optimisme culturel et d’idéologies d’autonomie – que la vision de la littérature comme technologie de guérison prend ses formes les plus radicales. Ce projet a donc pour point de départ temporel les années 1850, afin d’englober les changements intervenant juste avant, pendant et après la Guerre de Sécession (1861-1865), qui modifient considérablement les relations entre littérature et idéaux thérapeutiques.

Le concept de culture thérapeutique, conçu en réponse à des conceptions jugées trop limitées de la psychologie et de son influence, aborde le thérapeutique comme un vaste ensemble de pratiques et de discours avec lesquels le sujet moderne interagit. Comme l’affirment Timothy Aubry et Trysh Travis, qui seront présents lors de ces journées, dans leur volume collectif Rethinking Therapeutic Culture : plutôt que de se borner à un apparat de stratégies curatives ou correctives, le thérapeutique « doit être compris non pas seulement comme une technologie de guérison, voire comme un zeitgeist, mais comme une culture : un réseau complexe de croyances, de comportements et d’institutions communs, qui rassemblent des individus et façonnent leurs valeurs et leurs idéaux. »

C’est ce sens élargi du thérapeutique que ce colloque entreprend d’explorer. S’interroger sur l’influence cruciale des textes littéraires dans cette culture revient donc à enquêter du côté du divan du thérapeute ou de l’hôpital psychiatrique, mais aussi et surtout en direction des lieux et des discours extra-institutionnels.

Les interactions complexes qui se jouent entre les cultures thérapeutique et littéraire traversent en effet un large spectre incluant des contextes tant cliniques qu’extra-cliniques. De plus, les littératures afro-américaines, hispaniques et latinos, féministes et queer montrent comment les approches thérapeutiques demeurent souvent hors de portée des victimes d’inégalités et restent l’apanage des groupes privilégiés qu’elles dotent d’armes idéologiques ou culturelles nouvelles. De cette manière, l’objectif de cet évènement n’est pas seulement d’étudier la littérature « en tant que » thérapie, ou dans son rapport à certains discours historiquement privilégiés comme la psychanalyse, mais de questionner plus largement les interactions entre culture littéraire et culture thérapeutique, dans une perspective transhistorique aussi bien que transdiscursive.

Les propositions d’articles individuels, de panels ou de tables rondes collectifs sont invités dans les champs suivants, non exclusifs :

  • les relations entre des textes littéraires américains et des disciplines, méthodes et protocoles psychologiques spécifiques tels que les thérapies cognitivo-comportementales, la Gestalt, ou des discours comme le développement personnel
  • les représentations changeantes de cultures, lieux et professions de la psychologie dans des œuvres littéraires américaines
  • la représentation de la psychothérapie dans la fiction, la poésie ou le théâtre américains
    les expériences psychothérapeutiques abordées par des auteurs dans des textes d’autobiographie ou d’autofiction
    l’apport des cultures thérapeutiques à la création de nouveaux genres littéraires (comme le roman de sanatorium)
    des approches inédites des interactions entre littérature et psychanalyse, au-delà des cadres théoriques plus traditionnels
  • le trope culturel de plus en plus répandu aux États-Unis et au-delà de la littérature comme art de soin ou de guérison, y compris l’émergence de pratiques cliniques telles que la bibliothérapie
    les risques politiques ou esthétiques potentiels d’associer la littérature à des fins thérapeutiques, à la fois au cours de
  • l’histoire américaine et au moment présent
  • les paradigmes de réception et le brouillage pour des lecteurs, au sein des cultures populaires et savantes, des frontières entre discours thérapeutiques et littéraires

Cette brève liste n’est qu’indicative et des propositions portant sur un large éventail de sujets liés aux liens entre les cultures littéraires et thérapeutiques américaines, au sens le plus large de ces deux catégories, sont les bienvenues.

Les propositions de 300 mots maximum pour les communications individuelles, et de 1000 mots maximum pour les panels conjoints et les tables rondes, doivent être envoyées avant le 31 janvier 2023 à l’adresse suivante : nicholas.manning@univ-grenoble-alpes.fr

Si possible n'hésitez pas à signaler dès à présent votre intention de soumettre une proposition de communication afin de faciliter l'organisation logistique de l'évènement.

Une réponse quant à l’acceptation de la proposition sera donnée avant le 15 février 2023 au plus tard.