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Fabula-LhT, n° 28 :

Fabula-LhT, n° 28 : "Inventer l’économie"

Publié le par Romain Bionda

Qui au juste invente l’économie ? Les économistes bien sûr, à condition de ne pas voir en eux de mornes statisticiens, mais des découvreurs de concepts qui font mieux voir le réel. Quand David Ricardo, après Adam Smith, fonde la valeur des marchandises sur le travail, il s’agit vraiment d’une "découverte scientifique", saluée par Karl Marx en ces termes, et plus tard identifiée par Michel Foucault comme un saut de la science économique. Mais les écrivains aussi pensent l’économie. La littérature peut dire la valeur, le travail, l’échange, les arbitrages économiques des individus, dans des termes neufs. Robinson Crusoé est une invention littéraire de l’économique, qui dit quelque chose de la peine, de l’utile, de l’épargne. Et souvent les écrivains inventent l’économie, comme vient le montrer la vingt-huitième livraison de Fabula-LhT. Qu'ils portent sur les plans de taxation de la prostitution dans les romans libertins ou sur la mesure du travail domestique chez Annie Ernaux ou Sophie Divry, en passant par l’invention de modes narratifs pour dire la crise des subprimes ou l’invention de situations d’échange aberrantes dans les contes de Boris Vian, les articles de ce numéro, réunis par Claire Pignol et Christophe Reffait, montrent que les œuvres littéraires débordent ce que les économistes inventent. Il faut se rappeler la belle page de Mythes balzaciens dans laquelle Pierre Barbéris, qui vient d’évoquer Le Curé de village, Le Médecin de campagne, et l’appétence de Balzac pour la question industrielle, écrit que "la véritable économie est en avant, la véritable économie est à faire" : elle est "du domaine du roman". Mais aussi bien du théâtre, de la poésie même, comme le signalent les articles réunis au sein de ce sommaire, ainsi que le dossier critique d'Acta fabula qui lui est lié.