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Adaptation et séries télévisées (revue Transcr(é)ations)

Adaptation et séries télévisées (revue Transcr(é)ations)

Publié le par Faculté des lettres Université de Lausanne (Source : Jessy Neau)

(english version below)

Transcr(é)ation est une revue spécialisée consacrée à la transmédialité et aux dialogues texte – film, sans hiérarchisation de l’un sur l’autre. Nous accueillons des travaux théoriques ou analytiques ainsi que des dossiers thématiques sur les questions de l’intermédialité, du dialogue entre les médiums, ou toute autre ouverture encore peu ou prou investiguée. Pour notre troisième numéro, nous faisons un appel bilingue (anglais ou français) portant sur l’adaptation et les séries télévisées. 

 Langues de rédaction : anglais, français

 Séries télévisées et adaptation (été 2023)

Depuis l’avènement du « troisième âge d’or » de la télévision au début du XXIe siècle, les séries télévisées sont promues, à la fois par les spectateurs et par la critique, en tant qu’objets à la narration complexe (Mittell, 2015), aux développements de personnages fins et riches, et élaborés par des techniques de production dignes du grand écran. C’est notamment l’écriture des séries qui est souvent mise en avant par les approches critiques des séries : il est vrai que le(s) scénariste(s), les équipes de character development ou encore le(s) showrunner(s) sont devenues les figures emblématiques de la création des séries. Une vision « auteuriste » (Wells-Lassagne, 2022) est ainsi mise en avant dans le marketing de séries comme Les Sopranos (HBO, 1999-2007) ou The Wire (2002-2008) avec les showrunners que sont David Chase et David Simon. Les séries, en outre, proposent des univers souvent inédits : qu’il s’agisse de feuilletons appréciés par la critique comme Six feet under (HBO, 2001-2005), Mad Men (AMC, 2007-2015) ou The Wire, de sitcoms comme Schitt’s Creek (ITV, 2015-), de soap opera comme Plus belle la vie (France 3, 2004-2022) ou de fictions de genre policier ou fantastique, les séries contemporaines ont toutes, malgré leurs qualités distinctes, la capacité de créer un « monde » habitable, fait de personnages qui savent toucher leur public par les situations émotionnelles auxquelles ils sont confrontés (Esquenazi, 2014). Les séries contemporaines renégocient la logique de clôture de l’œuvre d’art, appelant ainsi à élaborer de nouveaux outils d’analyse (Boni et Berton, 2019). Par ailleurs, les intrigues des séries (arcs narratifs, séries-feuilletons ou séries formulaires, points de vue multipliés,) appellent à rebattre les cartes de la narratologie (Jost, 2016). Bref, les séries innovent, aussi bien aux niveaux esthétique et idéologique que fictionnel et narratif, ainsi que dans leur manière de faire partie de la vie des spectateurs.

Et si l’adaptation avait trouvé, grâce à cette complexité multi-facettes et constitutive de la sérialité, un format particulièrement riche ? De Game of Thrones (HBO, 2011-2019) à Outlander (Starz, 2014-), de The Handmaid’s Tale (Hulu, 2017-) à The Queen’s Gambit (Netflix, 2021-), de très nombreuses séries sont en effet des adaptations de textes littéraires. C’est aussi, dans le cas de fictions au scénario original, une intertextualité très forte et un jeu métafictionnel avec la littérature que peuvent engager les séries, et renouveler certains imaginaires ; les remakes, ou bien les pratiques de spin-off et de réécriture auxquelles recourent les séries s’inscrivent bien dans cette pluralité de manières de transcréer un récit ou un univers fictionnel.

 Le prochain numéro de Transcr(é)ation souhaite ainsi se pencher sur cette variété de pratiques d’adaptation qu’apportent les séries télévisées. Cependant, c’est dans la spécificité des formes qu’imposent les séries aux œuvres reprises que nous souhaiterions consacrer ce numéro : y a-t-il des manières spécifiques aux séries télévisées d’adapter un texte littéraire et de faire connaître une œuvre antérieure, de lui apporter de nouvelles dimensions ? Par exemple, il semble que si les séries de type « néo-victorien » comme Penny Dreadful (ITV-Showtime, 2014-2017), The Frankenstein Chronicles (ITV, 2018-2019) ou Dickensian (BBC, 2015) reprennent bien de nombreuses références littéraires à la littérature anglaise de la deuxième moitié du XIXe siècle, elles le font d’une manière tout à fait unique : transfictionnalité (Saint-Gelais, 2007), mélange de micro-adaptations et de « spin-off », transpositions d’œuvres victoriennes dans le monde contemporain... Dans le domaine francophone, Lupin (Netflix, 2022) n’est certes pas une adaptation de l’œuvre littéraire de Maurice Leblanc, mais ce feuilleton joue avec la notion de patrimoine littéraire en situant en partie l’action des romans Arsène Lupin dans le Paris des années 2020, avec un personnage, Assane Diop (Omar Sy), fan du personnage de gentleman-cambrioleur. Le phénomène sériel (les Arsène Lupin sont bien des séries de romans), et le phénomène fanesque sont ainsi thématisés par la série, qui comporte de fait une forte dimension réflexive et métaculturelle.

 Ce numéro de Transcr(é)ation souhaite ainsi partir de l’idée que les séries télévisées ont recours, tout comme le cinéma, à l’adaptation, et plus généralement à la transmédialité, mais avec ses propres outils et formes, avec des appareillages idéologiques et des esthétiques renouvelés. Cette nouveauté peut tenir, paradoxalement, au fait que les séries sont des objets syncrétiques et se nourrissent de plusieurs formes médiatiques. A cet égard, on peut convoquer les origines des séries télévisées, en abordant les feuilletons plus anciens et en rappelant la continuité entre le cinéma des premiers temps (les films à épisodes) dont le format sériel entretient des liens avec le roman-feuilleton du XIXe siècle. Les séries des années 1950 et 1960 ont, par la suite, beaucoup adapté de classiques comme c’est par exemple le cas des romans d’Alexandre Dumas pour l’O.R.T.F. (Une fille du régent, 1966). Il faut par ailleurs songer à tous les romans victoriens de Thomas Hardy, George Eliot ou que la télévision britannique adapte sans discontinuer, notamment par les productions de la BBC. Il est intéressant de noter que c’est souvent la littérature du XIXe siècle qui a la faveur de la télévision. L’aspect patrimonial de l’adaptation peut dès lors être abordé : pendant longtemps, la télévision s’est voulu constituer un facteur d’unité nationale, médium ayant pénétré dans les foyers d’une même communauté culturelle. L’adaptation de classiques, ou bien le remake d’une série étrangère (souvent à la « sauce » locale) peuvent donc s’analyser en ces termes. Parfois, un classique d’un pays a pu être adapté en série dans un autre pays : la BBC n’a ainsi pas uniquement puisé dans le canon britannique, mais également adapté des romans de Balzac et de Hugo, par exemple encore récemment avec Les Misérables (BBC, 2018).

 On peut aussi se pencher sur les cas plus récents d’adaptation de classiques littéraires en séries télévisées : par exemple, comment Le Tour du monde en 80 jours (BBC-France Tv-Rai, 2022) apportent des visions plus « inclusives » de l’œuvre d’origine en mettant en œuvre un casting ouvert, avec une promotion des personnages féminins par rapport à l’hypotexte vernien. On peut à ce titre effectuer des comparaisons entre plusieurs adaptations à la télévision d’une même œuvre, comme Les Misérables, porté à l’écran par de nombreux pays et dont chaque transcréation revêt des dimensions renouvelées, insistant sur tel ou tel aspect du roman. 

 Mais une adaptation d’une œuvre en série télévisée peut, comme dans le cas du cinéma, nous faire découvrir une œuvre littéraire moins connue, que celle-ci soit récente ou plus ancienne. Le Jeu de la Dame (The Queen’s Gambit) a ainsi ressuscité l’œuvre de Walter Tevis (1983).  Certains écrivains semblent voir destiner leurs œuvres littéraires aux séries télévisées, ce qui peut poser des questions intéressantes en termes de construction des personnages et de narration : c’est par exemple le cas de Michael Crichton, lui-même scénariste et producteur (de Urgences [NBC, 1994-2009] à Westworld [HBO, 2016-]).  Les variations d’« engagement » (Hutcheon, 2006) des lecteurs auprès des personnages et de leurs situations émotionnelles sont-elles spécifiquement transformées par les séries télévisées ? 

 Les pistes sont donc multiples. La définition de « série télévisée » est ici très large : elle inclut feuilletons, miniséries, téléfilms en plusieurs épisodes. Les contributions, en français et en anglais, pourront porter sur des séries récentes ou plus anciennes, de tous les pays, et pourront employer de multiples méthodes : analyse globale de la production, comparaisons, réflexion théorique générale sur les séries et l’adaptation, ou encore analyse d’un épisode singulier d’une série ou l’un de ses aspects particuliers. De même, à l’image de ce qui fonde la revue Transcr(é)ation, les propositions pourront se saisir des thématiques transmédiales et transfictionnelles de manières créatives et en renversant la perspective traditionnelle de hiérarchie entre les médias. Les propositions qui portent sur les aspects non narratifs des séries télévisées sont également bienvenues.

 Echéancier :

-       Date limite pour l’envoi des propositions (titre, résumé de 500 mots, adresse, affiliation et notice bio-bibliographique de 150 mots) : le 15 mars 2023 à l’adresse jessy.neau@univ-montp3.fr  
-       Réponse avant fin mars 2023
-       Date limite des articles (6 000 – 8 000 mots) mis en forme de la revue : le 30 mai 2023
-       Publication du numéro envisagée pour septembre 2023



Transcr(é)ation is a specialty journal dedicated to intermediality and the dialogues between texts and films, without prioritizing either. This term has been borrowed from translation studies in order to shed light on the benefits of such a dialogue between the media. We welcome any theoretical or analytical works, interviews, and thematic dossiers on the topics of intermediality, transposition between media, dialogue between and through the arts, or any other foray into related subjects.  

For our third dossier, we are calling for papers dealing with adaptations and television series.

Languages: English or French

Adaptation and Television Series (Summer 2023)

 Since the advent of the “third golden age” of television at the beginning of the 21st century, television series have been promoted, both by viewers and commentators, as complex narratives (Mittell, 2015) created by production techniques worthy of filmmaking. Critical approaches to television series often highlight the quality of their narrative writing. Screenwriters and character development teams have become the central figures of the creative process. An “authorist” vision (Wells-Lassagne, 2022) is regularly put forward in the marketing of programs such as “The Sopranos” (HBO, 1999-2007) or “The Wire” (HBO, 2002-2008) thanks to the showrunners David Chase and David Simon. Moreover, television series offer rich fictional worlds, whether they are depicted in productions praised by critics such as Six feet under (HBO, 2001-2005), Mad Men (AMC, 2007-2015) or The Wire, in sitcoms like Schitt’s Creek (ITV, 2015-), and even soap operas or criminal dramas. All series possess the ability to create a dense universe, inhabited by fictional characters with whom viewers can connect (Esquenazi, 2014). Since contemporary series are necessarily “open” narratives, they require new analytical tools (Boni and Berton, 2019) and reshuffle the traditional categories of narratology (Jost, 2016). In short, television series are innovative in all aspects.

What if adaptation had found, thanks to the complexity of television series, a particularly rich and challenging format? From Game of Thrones (HBO, 2011-2019) to Outlander (Starz, 2014-), from The Handmaid's Tale (Hulu, 2017-) to The Queen's Gambit (Netflix, 2021-), many series are indeed adaptations of literary texts. In the case of an original screenplay, series often engage in intertextuality. They renew literary motives and characters; remakes, spin-offs and rewritings are examples of the multiple ways series can reinvent an existing narrative or fictional universe.

This issue of Trancr(é)ation invites contributions that explore the distinctiveness of adaptations performed by television series. What are their innovative ways of adapting a literary text? How do television series renew the perception and interpretation of classics? For example, while neo-Victorian series such as “Penny Dreadful” (ITV-Showtime, 2014-2017), “The Frankenstein Chronicles” (ITV, 2018-2019), or “Dickensian” (BBC, 2015) borrow many stories and characters from English literature, they do so in a unique manner. They blend retellings and "spin-offs", they transpose Victorian masterpieces into the contemporary world. “Lupin” (Netflix, 2022) is not an adaptation of Maurice Leblanc's eponymous work, but the story plays with the notion of literary heritage by setting the action in 2020s Paris. The broader serial culture (the Arsène Lupin novels are indeed a series of novels), and the fan phenomenon become narrative devices in the program, giving “Lupin” a strong metacultural dimension.

This issue of Transcr(é)ation will rely on the premises that television series practice adaptation with their specific tools and forms, with renewed ideological and aesthetic devices. This innovative aspect can be connected to the fact that series are syncretic objects. In this respect, we can summon their origins, by recalling their continuity with early cinema and 19th-century serial novel published in newspapers. The television series of the 1950s and 1960s have subsequently adapted many classics, such as Alexandre Dumas’ stories (“Une fille du regent”, 1966). We can as well think of Victorian novels that British television has adapted relentlessly and to this day. It is interesting to mention that television seems to favor 19th-century novels. The patrimonial aspect of adaptation can further be examined: for a long time, television claimed to constitute a factor of national unity. Adaptations of classics, or remakes of a foreign series (often with a local “twist”) can therefore be analyzed in these terms. The BBC has thus not only drawn from the British canon, but also adapted novels by Balzac and Hugo, for example “Les Misérables” (BBC, 2018).

Contributions can examine the mechanisms of series and what they owe to literature, but also to other media (for example if the program is a remake of a film or the adaptation of a video game). The modalities of production and the intentions behind the modernization of a series adaptation can also be examined. We can also look at more recent cases of adaptation of literary classics into television series: for example, how “Around the World in 80 Days” (BBC-France Tv-Rai, 2022) brings more inclusive visions of the original work by implementing an open casting, with a better promotion of female characters compared to the Jules Verne’s hypotext. In this respect, comparisons can be made between several television adaptations of the same work, such as “Les Misérables”, which has been brought to the screen by many countries.

 An adaptation of a text into a television series can sometimes present a lesser-known literary work, whether it is recent or older. “The Queen's Gambit”, for example, resurrected Walter Tevis’ novel (1983).  Some writers seem to have their literary works crafted for television series, which raises interesting questions in terms of character construction and narrative: this is the case, for example, of Michael Crichton, himself a screenwriter and producer (from “ER” [NBC, 1994-2009] to “Westworld” [HBO, 2016]).  Are the variations in readers' “engagement” (Hutcheon, 2006) with characters and their emotional situations specifically transformed by television series, compared to their source texts? 

 The avenues are thus multiple. The definition of "television series" is given a very broad meaning: it includes soap operas, mini-series, multi-episode television films. The contributions, in French or English, may deal with recent or older series, from all countries, and may use multiple methods: global analysis of a production, comparisons, theoretical reflection on series and adaptation, or analysis of a singular episode of a series or one of its particular aspects. Proposals may address transmedia and transfictional themes in creative ways that reverse the traditional perspective of hierarchy between media. Proposals that address the non-narrative aspects of television series are also welcome.

 Timeline 

-        Deadline for submitting your abstract (including title, 500-word summary, address, affiliation and author’s biobibliography (approx. 150 words)): March 15th, 2023, to: jessy.neau@univ-montp3.fr  

-        Deadline for submitting accepted articles (6,000 – 8,000 words) following the journal’s guidelines: May 30th, 2023 

-        Publication of the volume planned for Summer 2023

Works Cited/ Bibliographie indicative

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Hutcheon, L. A Theory of Adaptation, New York, NY, Routledge, 2006.
Jost, F.,  Introduction à l’analyse de la télévision, Paris, Ellipses, coll. « Infocom », 1999.
Letourneux, M., Fictions à la chaîne – Littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2017.
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