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La perception du rythme selon les arts et les cultures. Manifestations artistiques et fondements culturels (INHA)

La perception du rythme selon les arts et les cultures. Manifestations artistiques et fondements culturels (INHA)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Marie Laureillard)

Appel à communications pour le colloque

La perception du rythme selon les arts et les cultures
Manifestations artistiques et fondements culturels

28, 29 et 30 Juin 2023 à l’INHA (2 rue Vivienne / 6 rue des petits champs, Paris 2e)

Colloque co-organisé ‒ en partenariat interdisciplinaire, interculturel et interuniversitaire ‒ par les centres IReMus (Sorbonne université/BnF/CNRS/Ministère de la culture), Creops (Sorbonne université), CEAC (université de Lille), APP (université de Rennes), IAO (Lyon 2/ENS Lyon/CNRS) ainsi que l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis



ARGUMENTAIRE

Le rythme n’est pas mesure : il est vision du monde (1)

Affaire de perception, conception et interprétation, le rythme suscite de très nombreuses réflexions en musique (cf. les travaux d’Olivier Messiaen, le rythme qualifié d’indéterminé en Asie par Akira Tamba), en littérature et poésie (cf. Henry Meschonnic, François Cheng), en peinture (sous l’angle esthétique avec Henri Maldiney ou pédagogique dans le 芥子園畫傳 jiezuyuan huazhuan), en architecture (cf. Charlotte Lheureux), en danse (cf. Sophie Rousseau ou Cloud gate dance theatre) ou cinéma (cf. Laurent Guido, Godard, Tsai Ming-liang), entre autres. La variété des domaines concernés laisse entrevoir un questionnement plus profond, culturel, que ce colloque se propose d’explorer.

Aborder le rythme en soi, même si cela pose une question méthodologique comme l’a souligné Pierre Boulez dans Relevés d’apprenti, permet de faire émerger des conceptions pour le moins tranchées. La définition du rythme comme un flux continu, qu’il s’agisse de la racine grecque du mot exposée par Emile Benveniste ou bien de la conception musicale japonaise défendue par Tõru Takemitsu, est à interroger à nouveau au gré des implications sociétales. Par ailleurs l’idée de pulsation fondamentale, exprimant les forces émotives, sexuelles et magiques en lien ou non avec un grand rythme cosmique renvoie à un archétype qu’il convient de réinvestir suivant les civilisations (par exemple à l’aune de l’alternance générée par le principe dynamique yin-yang d’opposition-complémentarité, ou tel le rythme circadien). Dans une autre conception beaucoup plus cérébrale, le rythme sert surtout à des spéculations numériques dans lesquelles le symbolisme, l’ésotérisme et le figuralisme des différents nombres se mêlent à des jongleries arithmétiques plus ou moins savantes. L’usage du nombre d’or et la fascination pour les mandalas en témoignent. Une esthétique de la rythmicité se dégage également de traditions ou d’œuvres fondées sur des gestes ou motifs répétitifs : par exemple, en musique à travers les gamelans ou avec Philip Glass, en architecture et design (cf. Chan Chui Shui), en peinture avec Lee Ufan et le mouvement coréen Dansaekhwa.

En outre, l’examen de la relation holistique d’une société et de ses composantes à l’aune du rythme permet de mettre en lumière des points d’importance, illustrés par la participation rituelle individuelle à une réalisation collective ou bien encore par les différentes temporalités d’une collectivité, exceptionnelles ou récurrentes, comme un moment du jour ou une saison (cf. Chap. « Des règles saisonnières » du 淮南子 Huainanzi (2)) : rythmes calendaires et synchronisation avec la nature). Transparaît alors l’examen d’une subjectivité partagée bergsonienne, en chiasme, exprimant le temps de conscience et la conscience du temps ‒ perceptions différentes suivant les époques (cf. formes et pratiques actuelles, populaires tel le rap), les espaces géographiques et les cultures (cf. analyses cognitives, notamment Alf Gabrielsson et Lexi Eikelboom). En corollaire, la vitesse et la lenteur, données fondamentales du rythme, qu’il s’agisse de la Grèce antique ou la Chine ‒ accéléré, ralenti, vif-lent ‒ sont au cœur de l’expression artistique. Dans cette approche par la relativité des valeurs, on pense aux frénésies rythmiques des Années folles, au Futurisme de Marinetti ou a contrario, à l’esthétique de la lenteur, parangon d’un mode de vie, illustrée par le réalisateur japonais Yasuhirõ Ozu. Pas traditionnels du théâtre Nô, combinaisons métriques, impulsions brisées ou continues façonnent la danse au gré des époques et les styles, tout comme les alexandrins, lüshi (dynastie Tang) ou haïku japonais dans le domaine littéraire : vers en prose, modes poétiques rythmiques renvoient à des fondamentaux culturels, certes différents mais pouvant être confrontés, ne seraient-ce qu’au regard d’un processus prescriptif ou d’une émancipation par rapport à ce dernier.

En prolongement, l’examen de la relation entre la création et la réception de l’œuvre sous l’angle de la question rythmique est riche, allant d’un spectateur initié à celui ne maîtrisant pas les codes de la poiêsis. Ainsi, comment apprécier la dualité feng-gu (vent-ossature), mettant en valeur l’interaction entre le vent qui est souffle / énergie et son appui, l’ensemble ayant lui-même en arrière-plan un autre couple, montagne / eau, prégnant de façon analogue en peinture et en musique (en Chine, le rythme comme le Dao ne donnent pas lieu à explicitation : il est décrit sous ses multiples apparences et comme composante d’une perception globale)(3). L’explicitation des techniques et de leurs échos esthétiques mérite un regard attentif comme le rythme de la caméra et du montage (cf. L’art vidéo de Bill Viola, le couple mobile / immobile), ou bien encore la double lecture de la réalisation et de la figuration dans Autumn rythm (Number 30) de Pollock, peintre rythmique dès le début selon Charles Harrison. Plus complexes parce que multidimensionnels, sont attendus l’examen de la polyrythmie du spectacle vivant réunissant dans une même expression artistique des régimes d’expression dissemblables, tout comme l’analyse de l’expérience esthétique, elle-même possédant son propre rythme entre imprégnation et imaginaire.

Ce colloque se propose ainsi de mettre en perspectives croisées la question du rythme dans les arts sous les angles perception-conceptualisation-élaboration-appréciation au regard des implications culturelles. Chacun peut contribuer à ce panorama selon son art et sa culture.

(1) Paz, Octavio, L’arc et la lyre, Paris, Gallimard, 1965, p. 73. 

(2) Cet ouvrage est disponible en français : Philosophes taoïstes II, sous la direction de Charles Le Blanc et Rémi Mathieu, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 2003.

(3) Cf. Le Dongxiaofu, de Wang Bao (1er siècle avant notre ère) en traduction dans Poétique de la musique chinoise, p. 132 : « à ce moment-là, est joué un air vif qui tournoie en planant, tantôt s’éternisant (sur une note) [montagne], tantôt évoluant sans cesse [eau] ; de suspensions et espacement de sons par pause et allongement des durées [lignes de crêtes] en sons se bousculant pour fusionner en un flot intarissables, alors indistincts [flux]. »


Mots clés

Alternance, Arsis, Durée, Flux, Mouvement, Perception, Polyrythmie, Pulsation, Relativité, Rythmicité, Structure, Thesis 

Les Comités Langarts qui évalueront les propositions souhaitent privilégier celles pouvant susciter des échos entre arts et cultures, ainsi que celles de doctorants relevant des centres partenaires. Chaque intervenant disposera de 30 minutes (temps des questions inclus)

Forme des propositions de communication (en français ou en anglais)

Un résumé d’environ 300 à 350 mots
Une brève biographie-bibliographie (10 à 12 lignes de l’auteur sur son parcours, ses titres et rattachements, ses publications les plus importantes et récentes).
Adresse de correspondance pour le colloque : langarts@orange.fr

(Précisez à chaque correspondance « votre nom_colloque Langarts 2020 » dans l’objet).

Dates à retenir

Date limite d’envoi des propositions de communication : 20 novembre 2022
Date de réponse après évaluation des propositions : 22 janvier 2023
Date limite pour confirmer votre venue (pour les communications acceptées) : 5 mars 2023
Date limite d’envoi des titres et résumés définitifs (bilingue) : 30 avril 2023
Date limite de soumission des articles issus des communications : 3 septembre 2023
Publication dans la collection « L’univers esthétique » chez L’Harmattan : 2024

Références bibliographiques 

Bachelard, Gaston, « Métaphore de la durée », dans La dialectique de la durée, Paris, PUF, 1950 [1936]

Belic, Milija, Le rythme plastique, prolégomènes à un méta-art, Thèse de doctorat, Paris 1-Sorbonne, 1994.

Benveniste, Emile, Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, tome 1, 1976.

Cheng, François, L’écriture poétique chinoise, Paris, Seuil, 1977.

Boissière, Anna, Chanter, narrer, danser : contribution à une philosophie du sentir, Sampzon, Delatour France, 2016.

Chan Chui Shui, « Phenomenology of rhythm in design », Frontiers of Architectural Research 1(3)[2012], p. 253-258. DOI:10.1016/j.foar.2012.06.003.

Jacques-Dalcroze, Emile, La Rythmique : enseignement pour le développement de l’instinct rythmique et métrique, du sens de l’harmonie plastique et de l’équilibre des mouvements, et pour la régularisation des habitudes motrices (2 volumes), Lausanne, Jobin et Cie, 1903, Reprint 1988.

Davy, Isabelle, Art et langage : une poétique de l’art vers un rythme des œuvres, thèse de doctorat, Université de Paris VIII, 2009.

Deleuze, Gilles, Guattari, Félix Guattari, Mille plateaux, Paris, Minuit, 1980.

Delteil, André, Théorie et pratique du haiku dans la société japonaise contemporaine, thèse sous la direction de Michel Cadot et René Sieffert, Sorbonne nouvelle, 1988.

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Takemitsu, Tõru, Ecrits, choisis et introduits par Wataru Miyakawa, Lyon, Symétrie, 2018.

« Yueji 樂記 Livre de musique », Liji xuanjie 禮記選解 (Interprétations choisies du Livre des rites), chapitre 19,  曹昇 Cao Sheng, Taipei, 1970, p. 111-152.

 

Illustration : 류영수 Ryu Young Soo,  승무 Seungmu (danse du moine), lors du spectacle 무용가와 사진작가의 만남 muyong-gawa sajinjaggaui mannam (Rencontre avec un danseur et un photographe), le 27 septembre 2011 au Seoul Arts Center (Corée), avec l’aimable autorisation de Seoul General Arts and Practical School. https://blog.naver.com/sac_art/60142215302