Au-delà de l’inclusion : pour une pédagogie critique, intersectionnelle et décolonisante (Colloque 2023 de l'APFUCC, Univ. York, Ontario, Canada)
Colloque 2023
Du 27 au 30 mai
Université York, Toronto, Ontario, Canada
Campus Keele et Glendon
Appel à propositions de communications
Atelier 12
Au-delà de l’inclusion : pour une pédagogie critique, intersectionnelle et décolonisante
Responsables d’atelier :
Hasheem Hakeem, University of Calgary, hasheem.hakeem@ucalgary.ca
Caroline Lebrec, University of British Columbia, caroline.lebrec@ubc.ca
Si pendant longtemps l’équité, la diversité, l’inclusion et la décolonisation n’ont pas été considérées comme des enjeux d’importance pour l’enseignement du français langue seconde (FLS), leur pertinence est aujourd’hui soulignée par la publication d’ouvrages – par exemple, pour le domaine de l’enseignement du FLS : Teaching Diversity and Inclusion: Examples from a French Speaking Classroom (2021), sous la direction de E. Nicole Meyer et Eliene Hoft-March, et Diversity and Decolonization in French Studies: New Approaches to Teaching (2022), dirigé par Siham Bouamer et Loïc Bourdeau – qui répondent à la nécessité pédagogique de rendre les curriculums de FLS plus inclusifs de la diversité. De quelle diversité parlons-nous ? La conception universelle de l’apprentissage plus connue sous le nom anglophone de Universal Design for Learning (UDL) (Meyer et Rose, 1984) a ouvert la voie à l’inclusion entendue comme une approche pédagogique permettant de penser et de planifier un cours en incluant toutes les personnes ayant un handicap. Plus récemment, le concept d’intersectionnalité (Collins et Bilge, 2020 ; Crenshaw, 1989) a élargi cette définition pour englober ceux de race, d’identité de genre, d’expression de genre, de sexualité et de classe sociale. Lorsqu’il s’applique à la salle de classe, le terme d’inclusion renvoie donc à plusieurs aspects de la question.
Pour Gabrielle Richard (2019), la pédagogie inclusive (ou de la tolérance) « pose problème puisqu’elle implique un rapport de pouvoir entre les personnes qui « tolèrent » (et qui sont dès lors détentrices du pouvoir de le faire ou non) et celles qui « sont tolérées » (et dont la légitimité relève du bon vouloir des premières) » (p. 116). Bien que la pédagogie inclusive reconnaisse l’existence des normes sociales qui contribuent à l’exclusion de certaines personnes ou de certains groupes de personnes, elle ne permet pas suffisamment de défier ou de transformer ces normes. Du point de vue de la langue, bien que les spécialistes actuel.le.s (Viennot, Cerquiglini, Lessard, Zaccour, Manesse, Siouffi) approchent le débat en termes de pédagogie inclusive, une dimension critique réside dans la remise en question des idéologies véhiculées par des concepts normatifs, tels que « le masculin l’emporte sur le féminin », qui, s’il s’appliquait à l’origine au genre grammatical, est le produit d’une construction sociale mise en place dès le XVIIe siècle (Vaugelas, 1647).
Cette réflexion prend en considération la dimension du « conflit » portée par la pédagogie critique. En lien avec la sociologie de l’éducation de la fin des années 1960 (voir Apple 1996, 2004 ; Bourdieu et Passeron, 1970 ; Bowles et Gintis, 1976 ; Coleman 1988), la théorie du conflit repose sur la prémisse selon laquelle l’éducation n’est pas neutre ni objective, mais qu’elle est structurée en fonction des intérêts de groupes dominants (Kincheloe, 2008). Pensons notamment aux expériences, visions du monde et productions artistiques et culturelles des membres de populations francophones, racisées, autochtones et queer souvent marginalisées par les manuels de langue française. La pédagogie critique (que l’on peut appeler également une pédagogie du conflit) permet de repenser certaines pratiques pédagogiques traditionnellement adoptées dans la classe de FLS, particulièrement dans les cours de langue. Ainsi, tout comme la pédagogie inclusive, mais en allant au-delà, la pédagogie critique a pour but de s’attaquer aux normes et aux dynamiques de pouvoir, d’inégalités et d’exclusion qui servent à maintenir et à renforcer le statuquo (Freire, 2018 ; Giroux, 1981 ; Kincheloe, 2008 ; Richard, 2019).
Pour ces raisons, cet atelier propose de traiter le concept d’« inclusion » dans son sens large (handicap, identité de genre, expression de genre, race, sexualité, classe sociale) dans la classe de FLS pour refléter un milieu universitaire plus au service d’un véritable engagement en faveur de la transformation du statuquo et du développement de la pensée critique des étudiant.e.s sur ces concepts d’idéologie de la langue, de la norme, des corpus, des méthodes, voire de tout ce qui fait que l’on planifie un cours en termes de pédagogie critique, et d’approche centrée sur l’apprenant.e (le quoi, le comment et le pourquoi du processus de planification d’un cours critique). Nous nous intéressons aux multiples façons dont cette pédagogie peut être mobilisée concrètement dans la classe de FLS pour amener les étudiant.e.s à réfléchir de manière critique sur la construction sociale des normes, liées entre autres, à la sexualité, à l’identité et à l’expression de genre, à la race, à la capacité, à la langue et à la classe sociale. Nous sommes aussi intéressé.e.s aux réflexions théoriques sur les approches pédagogiques critiques ainsi qu’aux études empiriques mettant en œuvre ces approches dans la classe de FLS. Nous invitons donc des propositions qui portent sur la pédagogie critique d’un point de vue théorique ou pratique (de façon non exhaustive) :
- Réflexions théoriques qui articulent le passage de la pédagogie inclusive à la pédagogie critique (la langue et les idéologies qu’elle véhicule, la norme et ses variantes historiques et/ou francophones, etc.)
- Réflexions comparatives sur les significations des concepts d’inclusion et d’exclusion à travers les langues (par exemple, les disparités sémantiques entre le français et l’anglais lorsque l’on parle d’inclusion et d’exclusion)
- Réflexions théoriques sur la pédagogie critique (antioppressive, queer, antiraciste ou décoloniale)
- Exemples d’approches pédagogiques queer, antiracistes ou décoloniales dans la classe de FLS (aux niveaux débutant, intermédiaire et/ou avancé)
- Analyse de manuels, de ressources et/ou du curriculum de FLS (stratégies et limites)
- Indigénisation et/ou décolonisation du curriculum de FLS
- Études empiriques et recherche-action impliquant les futur.e.s enseignant.e.s de français (les étudiant.e.s de premier cycle, de maîtrise ou de doctorat) et/ou des enseignant.e.s de FLS
- Évaluation du FLS et pédagogie critique (réflexions et approches)
- Enseignement sur les populations sous-représentées (stratégies et défis, par exemple en ce qui concerne la gestion de sa position sociale dans la salle de classe critique)
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Date limite pour l’envoi des propositions (titre, résumé de 250-300 mots, adresse, affiliation et notice bio-bibliographique de 150 mots) à Hasheem Hakeem (hasheem.hakeem@ucalgary.ca) et à Caroline Lebrec (caroline.lebrec@ubc.ca) : le 15 décembre 2022.
Le colloque annuel 2023 de l’APFUCC sera en personne (à moins que la situation sanitaire ne le permette pas) avec, possiblement, quelques activités ou interventions en ligne (nous communiquerons à ce sujet plus tard). Il se tiendra dans le cadre du Congrès annuel de la Fédération des sciences humaines du Canada.
Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message des personnes responsables de l’atelier avant le 15 janvier 2023 les informant de leur décision. L’adhésion à l’APFUCC est requise pour participer au colloque. Il faut également régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. De plus amples informations vous seront envoyées à ce sujet. Vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication, présentée en français (la langue officielle de l’APFUCC), pour le colloque 2023.