Zoétropismes. Écritures du devenir et écoféminisme / Zoetropisms: ecofeminist stories of becoming
Zoétropismes
Écritures du devenir et écoféminisme
[English version below]
Dans sa nouvelle « L’auteur des graines d’acacia », Ursula Le Guin sonde, à travers une discipline scientifique imaginaire, le langage et les productions artistiques des animaux. La fin du texte ouvre à la possibilité d’étendre le champ de cette « thérolinguistique » aux végétaux et aux minéraux. Moins connue que sa théorie de la fiction-panier, cette nouvelle de Le Guin est néanmoins la source d’inspiration des derniers travaux critiques de Donna Haraway (Staying With the Trouble) et de l’expérimentation fictionnelle de Vinciane Despret, Autobiographie d’un poulpe. La postérité de ce texte témoigne de l’attention accrue portée aux manières de représenter l’enchevêtrement de l’humain et du non-humain. Ce colloque se donne pour objectif d’examiner les manifestations littéraires de ce « matérialisme vibrant », pour reprendre le concept forgé par Jane Bennett. Modifiant la tradition des Métamorphoses d’Ovide, des fables et des contes philosophiques, ces transmutations attestent des effets d’une épistémologie des sciences féministes sur les représentations du vivant. Comment matérialiser ces zoétropismes, qui prennent tant la forme du devenir animal, du devenir végétal que du devenir minéral, pour convoquer, à la suite de Rosi Braidotti, une notion deleuzienne ? Selon quelles modalités génériques ? Dans quel but ?
Pour ne donner que quelques exemples, on pourra penser aux bestiaires d’Hélène Cixous, d’Angela Carter et de Sarah Hall, aux histoires géologiques d’A. S. Byatt et de N. K. Jemisin, aux créatures marines et végétales des romans de Larissa Lai, aux histoires végétales d’Ali Smith (« The Beholder »), de Pat Murphy (« His Vegetable Wife ») ou aux créatures hybrides des romans d’Octavia Butler. Qu’il s’agisse des chimères homme-animal dans Chimère d’Emmanuelle Pireyre ou de la fascination trouble pour les bêtes dans Que font les rennes après Noël d’Olivia Rosenthal, ces écritures font osciller les zoétropismes entre inquiétude et fascination. Elles se chargent le plus souvent d’échos féministes et écologiques diffus. Car la vitalité de la littérature vient souvent en réponse à l’urgence de se tourner vers les productions de la nature, natura naturans, non plus comme simple toile de fond des activités humaines, ou tableau d’une grandeur sublime, mais comme inscription à l’égal de l’empreinte humaine. C’est bien elle qui, dans le texte de Le Guin, appelait à un nouveau mode de déchiffrement que tentent des géolinguistiques. C’est aussi ce renouveau de l’herméneutique, tant pour les textes que les lecteurs, qu’il s’agit dès lors d’examiner.
Modalités
Les propositions, en français ou en anglais, d’environ 250 mots, sont ouvertes aux littératures contemporaines de toutes les ères linguistiques et peuvent concerner autant les nouvelles, les romans que la poésie.
Le colloque aura lieu à Nantes les 6 et 7 avril 2023. Les propositions de communication sont à envoyer d’ici le 30 octobre 2022 à maximedecout@yahoo.fr et emiliewalezak@yahoo.fr
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Zoetropisms: ecofeminist stories of becoming
In the short story “The Author of the Accacia Seeds”, Ursula Le Guin explores, through an imaginary science, animal language and artistic productions. At the end of the story, “therolinguistics” is enlarged to also apply to vegetal and mineral creations. Although Le Guin’s story is less famous than her carrier-bag theory of fiction, it inspired the latest critical work of Donna Haraway (Staying with the Trouble) and Vinciane Desprets’ recent fictional experimentation in Autobiographie d’un poulpe. Such posterity testifies to the growing interest in representing the enmeshment of human and non-human actors. This conferences aims to examine the literary materializations of such “vibrant materialism” in the words of Jane Bennett. Recalling the the tradition of Ovid’s metamorphoses, of fables and fairy tales, and of the French philosophical tales, these transmogrifications bear witness to the impact of the feminist epistemology of science on the representations of organic life, or zoetropisms. How do they shape up stories of becoming animal, vegetal, mineral, in the sense of Braidotti’s reinterpretation of Deleuze? What form do those stories take? What generic conventions do they call upon/modify? What is their impact on the reader?
To give but a few examples, one may think of the animal stories of Hélène Cixous, Angela Carter or Sarah Hall, the geological stories of A. S. Byatt and N. K. Jemisin, the hybrid creatures in the novels of Larissa Lai and Octavia Butler, the vegetal stories of Ali Smith (“The Beholder”) or Pat Murphy (“His Vegetable Wife”). Whether in the form of humanimal chimeras in Emmanuelle Piereyre’s eponymous Chimère or the disquieting fascination for animals in Olivia Rosenthal’s Que font les rennes après Noël, stories of becoming toe the line between enchantment and the uncanny. They resonate with both feminist and environmentalist concerns. Literature registers the urgent need for a “vibrant materialism” which acknowledges the productivity of nature rather than the anthropocentric focus on its productions. Understanding, like Le Guin’s therolinguists, the reciprocal impact of the human and the non-human requires innovative onto-epistemologies to coin Karen Bard’s term.
Proposals, in French or in English, of c. 250 words are invited to explore contemporary literature from around the world and may investigate prose fiction and poetry.