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Choses à savoirs : une histoire des mobilisations des choses dans les pratiques savantes (1680-1815)

Choses à savoirs : une histoire des mobilisations des choses dans les pratiques savantes (1680-1815)

Publié le par Vincent Berthelier (Source : Jérôme Lamy)

Appel à communication pour la revue Dix-huitième siècle.
Dossier « Choses à savoirs : une histoire des mobilisations des choses dans les pratiques savantes (1680-1815) »

proposé par Pierre-Yves Lacour, Jérôme Lamy et Myriam Marrache-Gouraud.


Ce projet de dossier se situe à la croisée des chemins entre deux historiographies a priori antinomiques : l’histoire intellectuelle et l’histoire matérielle. Depuis une petite quarantaine d’années maintenant, l’histoire des savoirs s’est émancipée de la philosophie et s’est frottée aux science studies en se renouvelant par l’étude des pratiques de savoir. Par-là, elle a fait place aux configurations matérielles dans l’économie de la connaissance. Dans ce cadre, histoire matérielle et histoire intellectuelle se sont parfois rencontrées autour de la question des instruments ou des matières chimiques mais une histoire de la mobilisation des choses matérielles dans l’ordre des savoirs reste encore largement à écrire.

Les choses concrètes aux sens et aux usages multiples se rencontrent notamment dans les sciences de collection qui reposent sur les pratiques de l’observation, de la description et la classification. Avec les Lumières, les domaines savants sont mieux délimités et les cabinets plus spécialisés de sorte qu’au sein de chaque spécialité savante, chaque objet s’insère dans une série cohérente – une collection spécialisée et ordonnée – et dans une interprétation univoque – un énoncé scientifique qui donne sens à leur rassemblement. Le partage des objets opère très fortement le long du front des sciences, foyer le plus intense du travail de distribution des entités. C’est aussi pourquoi la position, au sein de ces ordres classificatoires, de choses interstitielles à la limite entre plusieurs catégories, pose si souvent problème.

Dans l’économie générale des savoirs de l’époque moderne, le monde des choses matérielles est articulé au ciel des idées par ce que l’on désigne souvent sous l’expression de « technologies de papier ». Un ensemble d’instruments scripturaires – étiquettes, listes, catalogues, fiches – émerge ou prolifère au 18e s. dans lesquels les objets sont pris et avec lesquels ils circulent, virtuellement comme réellement. Cette entrée par l’écriture des choses matérielles pose toute une série de problèmes : comment décrire les choses, les normaliser et les rendre disponibles pour les savoirs ? Comment faire tenir ensemble ces différents instruments scripturaires dans le travail savant ? Comment tracer ou conserver le lien entre un objet et son lieu d’origine et pour quoi faire ?

Les choses matérielles ont rarement été pensées comme des « objets scientifiques », construits par des savants et articulés à des agendas de recherche. Au ras des objets, les choses prises en science ne sont pourtant jamais simplement extraites de la nature. Elles sont sélectionnées, transformées par les savants, plus exactement artificiées à l’image des plantes d’herbier. Quel est alors le statut des objets ? Ces objets construisent, voire deviennent la norme et tiennent lieu de définition des catégories intellectuelles. C’est ainsi que vers 1800, un étalon de platine conservé aux Archives nationales devient le mètre. Cette histoire de l’objet savant est celle des efforts menés pour donner à voir une cohérence du monde.

Dans ce dossier sur les « choses à savoirs » au 18e s., ce sont les modalités du nouage du matériel et de l’intellectuel – de la localisation des objets dans les ordres classificatoires à leur mobilisation dans les énoncés savants – que l’on se propose d’explorer. Les différentes contributions pourront s’ordonner selon trois axes :

I- Le partage des objets
II- L’écriture des choses
III- Au ras des objets

Nous souhaitons conserver un équilibre entre ces trois axes dans le dossier final.
Les études sur un objet particulier ou une espèce de choses participant de la production des savoirs seront particulièrement accueillies.
Les titres, résumés et brefs cv sont attendus pour le 15 janvier 2023. Les articles retenus seront à remettre pour le 15 mai 2023.
L’adresse où nous faire parvenir vos textes est la suivante : chosesasavoirs@gmail.com

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Bibliographie indicative
Ago, Renata, Gusto for Things: a History of Objects in Seventeenth-Century Rome, Chicago et London, The University of Chicago Press, 2013, 392 p.
Bert Jean-François et Lamy Jérôme, Voir les savoirs : lieux, objets et gestes de la science, Paris, Anamosa, 2021.
Daston, Lorraine, dir., Biographies of Scientific Objects, Chicago, The University of Chicago Press, 2000, 307 p.
Daston, Lorraine, dir., Things that talk: Object Lessons from Art and Science, New York et Cambridge (Mass.), Zone Books, 2004, 447 p.
Findlen, Paula, dir., Early Modern Things, London et al., Routledge, 2012, 389 p.
Klein, Ursula et Spary, E. C, dir., Materials and Expertise in Early Modern Europe: Between Market and Laboratory, Chicago, The University of Chicago Press, 2010.
Lacour Pierre-Yves, La République naturaliste. Collections d’histoire naturelle et Révolution française (1789-1804), Paris, Publications scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle, 2014.
Marrache-Gouraud, Myriam, La Légende des objets. Le cabinet de curiosités réfléchi par son catalogue (Europe, XVIe-XVIIe siècles), Genève, Droz, 2020.
Roche, Daniel, Histoire des choses banales : naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles (XVIIe-XIXe siècle), Paris, Fayard, 1997, 329 p.