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L’universel à l’épreuve de la traduction: Actualités de la traduction des sciences humaines et sociales (Toronto)

L’universel à l’épreuve de la traduction: Actualités de la traduction des sciences humaines et sociales (Toronto)

Publié le par Université de Lausanne (Source : René Lemieux)

L’universel à l’épreuve de la traduction :

Actualités de la traduction des sciences humaines et sociales

XXXVe Colloque de l’Association canadienne de traductologie,
au campus Glendon (Université York), Toronto,
dates à déterminer entre le 27 mai et le 2 juin 2023

Comité organisateur : Patricia Godbout (U. de Sherbrooke) et René Lemieux (U. Concordia)

Conférencier ou conférencière invitée à venir

La traduction des sciences humaines et sociales prend depuis quelques années une importance accrue, tant au sein de la traductologie (comme un de ses champs) que du côté des disciplines concernées (la philosophie en premier lieu, mais également l’anthropologie, la sociologie, les études littéraires, etc.) qui se questionnent, elles aussi, sur la traduction de leurs discours. Cet intérêt vient peut-être du fait que toute discipline fait l’expérience, à un moment donné, de la nécessité d’être traduite. Comment se fait cette traduction disciplinaire? Qui possède les compétences nécessaires pour faire cette traduction? Le ou la spécialiste de la discipline qui désire traduire, ou le traducteur ou la traductrice qui veut se spécialiser dans une discipline des sciences humaines et sociales? Que demande ce type de traduction?

Dans l’ouvrage collectif La traduction épistémique : entre poésie et prose (dir. par Tatiana Milliaressi, 2020), on propose de voir la traduction des sciences humaines et sociales dans un état intermédiaire entre, d’une part, une voie émotive (la tâche de la traduction littéraire – réservé peut-être aux littéraires) et, d’autre part, la voie sensitive (c.-à-d. empirique, la tâche de la traduction spécialisée, qu’un traducteur ou une traductrice formée à la traduction serait en mesure d’effectuer). Cet entre-deux est appelé la voie cognitive, « liée à notre raison et basée sur nos déductions logiques et constructions spéculatives pour appréhender le sens » (p. 20). Cette cognition devient aujourd’hui une source à débat : toutes les langues, toutes les cultures pensent-elles identiquement – universellement?

Dans plusieurs textes devenus aujourd’hui classiques, on fait du « concept » l’élément clé à traduire (c’est le cas d’Immanuel Wallerstein dès 1981) : « [Les] concepts ne sont pas universellement partagés et font souvent l’objet de conflits ouverts et violents » (trad. par Poncharal dans Heim et Tymowski 2006, p. 29). Sans être propre à une culture donnée, le concept ne serait pas non plus entièrement assimilable à un technolecte universellement transposable. Comment dès lors assurer une communicabilité entre les cultures? Peut-on, voire doit-on, passer par un universel et, si oui, comment l’appréhender?

On pourrait d’abord le concevoir comme un étalon à partir duquel on peut évaluer, voire juger, les réalités empiriques que les langues offrent. Contre cette « illusion » de la commensurabilité des langues, Lydia H. Liu questionne les effets politiques des rapports de force entre les langues à partir de l’exemple de la traduction des catégories analytiques entre l’Est et l’Ouest :

Perhaps, the crux of the matter is not so much that analytical categories cannot be applied across the board because they fail to have universal relevance—the impulse to translate is in fact unstoppable—but that the crossing of analytical categories over language boundaries, like any other crossing or transgression, is bound to entail confrontations charged with contentious claims to power. (1995, p. 7)

Dans l’« illusion » de l’équivalence entre les langues et les cultures, la traduction serait potentiellement l’imposition d’une réalité particulière sur une autre, toujours aux bénéfices d’une seule des deux, au point, pourrait-on ajouter, de détruire le savoir de l’autre (d’où le concept d’épistémicide de Sousa Santos, 2014). Dans le champ des études littéraires comparées, Emily Apter (2005), Pascale Casanova (2015) et Tiphaine Samoyault (2020) accréditent cette conception de la traduction comme perpétuation des inégalités structurelles. Contre cette conception, le philosophe Souleymane Bachir Diagne a récemment proposé une nouvelle approche pour penser le contact entre les langues : la charité. Dans le cadre d’une analyse de l’expérience célèbre de pensée de Willard O. Quine (2010), Diagne affirme :

Il s’agit d’un principe et non d’une thèse qui serait obtenue au terme d’une démonstration. À ce propos, le philosophe américain utilise le mot empathie ou l’expression « principe de charité ». L’un et l’autre expriment l’idée de reconnaissance et d’égalité dans une humanité partagée, qui est au principe de la traduction. (2022, p. 38-39)

Ainsi, la traduction des concepts entre langues et cultures pourrait se poser dans un spectre partant de l’acte traductif comme violente imposition des idées particulières dans un échange faussement égalitaire, à la traduction comme révélation incandescente d’une humanité commune. C’est dans l’espace de ces deux pôles que nous aimerions situer la question de l’« universel » en traduction des sciences humaines et sociales en faisant de la traductologie le lieu où peut se discuter cette relation entre, d’une part, les différentes langues et, d’autre part, les sociétés.

Le présent appel cherche à comprendre l’actualité de la traduction des sciences humaines et sociales à partir de la notion d’« universel ». Bien que la traduction ait été comprise ici d’abord au sens de « traduction interlinguale » (Jakobson 1986), il n’est pas exclu que tout autre forme de traduction intralinguale ou intersémiotique (adaptation, interprétation, paraphrase ou vulgarisation, etc.) fasse l’objet d’analyses pertinentes pour cet appel. Les principaux enjeux qui nous préoccupent sont : 

  • le multilinguisme et les rapports asymétriques entre les langues;
  • les rapports juridiques et politiques en traduction;
  • le rôle de la traduction dans la violence coloniale;
  • l’eurocentrisme de la traductologie;
  • le rôle de la traduction en histoire des idées;
  • la retraduction en sciences humaines et sociales;
  • les différentes versions d’une même œuvre de sciences humaines et sociales;
  • la question de l’intraduisibilité entre les langues;
  • la traduction de la traductologie comme science humaine;
  • le rôle de la traduction dans le cursus scolaire;
  • le rôle de la spécialisation disciplinaire dans la traduction des sciences humaines et sociales;
  • tout autre enjeu qui touche aux disciplines des sciences humaines et sociales, en particulier la réflexion qu’elles peuvent apporter sur la traduction.

Nous accueillons les propositions de panels et d’événements spéciaux, de lancements, de tables rondes, etc.

Les communications se limiteront à 20 minutes, auxquelles s’ajouteront 10 minutes de questions. Les langues de présentation sont le français, l’anglais et l’espagnol.

Pour présenter une proposition de communication, remplissez le formulaire ci-dessous et envoyez-le à l’adresse suivante : act.cats.2023@gmail.com.

La date limite est le 7 octobre 2022.

En remplissant le formulaire, vous aidez le comité organisateur à constituer la demande de subvention qui sera présentée au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada en vue d’obtenir le financement essentiel à la tenue du congrès de l’ACT-CATS. Veuillez noter que seule la qualité de votre proposition servira de critère de sélection. Si votre proposition est retenue par le comité scientifique, les renseignements fournis dans le formulaire feront partie de la demande de subvention.

 

Bibliographie

Apter, Emily (2005). The Translation Zone. A New Comparative Literature, Princeton University Press.

Casanova, Pascale (2015). La langue mondiale : traduction et domination, Seuil.

Diagne, Souleymane Bachir (2022). De langue à langue. L’hospitalité de la traduction, Albin Michel.

Heim, Michael H., et Andrzei W. Tymowski (2006). Recommandations pour la traduction des textes de sciences humaines, trad. Bruno Poncharal, American Council of Learned Societies.

Jakobson, Roman (1986). « Aspects linguistiques de la traduction », dans Essais de linguistique générale, trad. Nicolas Ruwet, Minuit.

Liu, Lydia H. (1995). Translingual practice: Literature, national culture, and translated modernity – China, 1900-1937, Stanford University Press.

Milliaressi, Tatiana (dir.) (2020). La traduction épistémique : entre poésie et prose, Presses universitaires du Septentrion.

Quine, Willard O. (2010). Le Mot et la Chose, trad. Joseph Dopp et Paul Gochet, Flammarion.

Samoyault, Tiphaine (2020). Traduction et violence, Seuil.

Santos, Boaventura de Sousa (2014). Epistemologies of the South: justice against epistemicide, Paradigm Publishers.

Wallerstein, Immanuel (1981). « Concepts in the social sciences: Problems of translation », in Marilyn Gaddis-Rose (dir.), Translation spectrum: Essays in theory and practice, State University of New York Press.

Formulaire de proposition de communication

Le formulaire doit être envoyé en format Word

 

Date limite :

Comité organisateur :

Courriel :

7 octobre 2022

Patricia Godbout et René Lemieux

act.cats.2023@gmail.com

 

Titre et proposition (300 mots : ils figureront dans le programme du congrès)

 

 

Nom, Prénom ; courriel

 

 

Pays de l’affiliation

 

 

Affiliation

 

 

Diplômes (commencez par le plus récent et précisez la discipline)
maximum 4 lignes

 

 

 

Postes occupés ayant un lien avec le thème du congrès (commencez par le plus récent)
maximum 5 lignes

 

 

 

Publications récentes et celles se rapportant à l’évènement (commencez par la plus récente) maximum 10 lignes

 

 

 

Titre et résumé de la présentation (100 à 150 mots)

 

 

 

La pertinence de votre présentation par rapport au thème du colloque (100 à 150 mots)