Compte rendu publié sur Acta fabula (octobre 2023, vol. 24, n° 9) : Les riches ombres du langage ordinaire, par Natacha Lafond.
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Pourquoi dit-on «Je sais faire du vélo», mais pas «Je sais saigner» ? Pourquoi dit-on qu’on «voit» quand on rêve, alors qu’on est dans le noir, les yeux fermés, et qu’il n’y a rien à «voir» ? Pourquoi le verbe naturer n’existe-t-il pas, alors qu’il existe dénaturer ? Pourquoi dit-on qu’on «ressent» la peur, la honte, l’injustice, mais pas le courage, la bonté, ou l’honneur ?… Toutes ces interrogations et bien d’autres constituent la matière de la «philosophie du langage ordinaire», qui consiste à aborder les questions les plus traditionnelles de la philosophie (de l’ontologie à la politique en passant par la théorie de la connaissance et par l’éthique) en se demandant toujours «ce que nous disons quand». Le présent ouvrage défend la pertinence et la fécondité de cette méthode. Certaines tournures du langage ordinaire sont contingentes et historiques, sans portée conceptuelle. Mais d’autres signalent de véritables problèmes, comme une légère frange d’écume peut signaler un écueil sous la surface de la mer. Les vingt-quatre études proposées ici au lecteur entrelacent histoire de la philosophie, logique argumentative et attention de l’oreille pour repérer certains de ces problèmes philosophiques sous la musique du langage ordinaire, et rendre ainsi plus sûre l’odyssée de la pensée.
Charles Ramond est professeur des universités et responsable du séminaire Spinoza à Paris 8 (EA 4008, LLCP). Dernières publications : Sentiment d’injustice et chanson populaire (avec Jeanne Proust), Sampzon, Delatour France, 2017 ; Derrida, une philosophie de l’écriture, Paris, Ellipses, 2018 ; Spinoza in Twenty-First-Century American and French Philosophy – Metaphysics, Philosophy of Mind, Moral and Political Philosophy (dir., avec Jack Stetter), London, Bloomsbury Academic, 2019 ; Jacques Rancière – L’égalité des intelligences, Paris, Belin, 2019.