Appel à contributions
"Les écrivains paysans"
Dossier de la revue apropos 2023
(https://journals.sub.uni-hamburg.de/apropos)
Coordonné par Fabien Conord et Timo Obergöker
La paysannerie constitue toujours, malgré son amenuisement relatif, la profession la plus exercée au monde. Dans les pays de langues romanes, son poids historique est considérable mais sa place dans la littérature a toujours été singulière voire marginale. Deux visions du paysan s’affrontent classiquement, celle idyllique de la marquise de Sévigné et celle très sombre brossée par Zola. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour voir apparaître une veine plus réaliste dans le roman rustique (Vernois, 1962) mais celui-ci demeure toutefois l’œuvre d’auteurs qui, sauf très rare exception, ne cultivent pas eux-mêmes la terre.
Or à partir des années 1900, des paysans prennent pourtant la plume pour rendre compte de leur existence à travers la presse et la littérature. Le plus célèbre est Émile Guillaumin, auteur en 1904 de La vie d’un simple, qui campe la vie d’un métayer français. Si son itinéraire a fourni la matière d’une étude de cas (Roche, 2006), la question des écrivains paysans n’a jamais été envisagée de façon globale en dépit de l’existence d’une Association des écrivains et artistes paysans, fondée en 1972. Pourtant, la pluriactivité, agricole et littéraire, de ces auteurs peut retenir l’attention pour plusieurs raisons.
Le phénomène des écrivains paysans est transversal à l’ensemble des pays de langues romanes (repérable en Belgique, France, Suisse ou Amérique latine par exemple). Il interroge les procédés de création, les vecteurs de diffusion et les processus de réception d’une œuvre réalisée par des auteurs qui apparaissent comme campant aux marges du champ académique et sont de surcroît décentrés géographiquement par rapport aux villes où s’opère le plus souvent la synergie entre écrivains, éditeurs et critiques. Les écrivains paysans exercent également une autre profession, qui apparaît comme doublement première, en tant que source de revenus -au moins à leurs débuts- mais aussi car elle est la matrice de leur œuvre, consubstantiellement liée à leur métier.
Le dossier prévu autour de cette question permet d’explorer de multiples pistes. Les sujets retenus par ces auteurs constituent évidemment un élément central de leur étude dans la mesure où leur caractérisation littéraire procède essentiellement de leur appartenance au monde paysan, dont la représentation qu’ils proposent est dotée d’une forte légitimité. La façon dont ils choisissent de le mettre en scène fait toutefois l’objet de divergences, qu’il convient d’analyser au prisme de leur sensibilité. Au-delà de cette question fondamentale, d’autres aspects doivent être envisagés. Les profils sociaux de ces écrivains paysans peuvent fournir la matière d’une série d’investigations (origines géographiques, ancrage sociologique, niveau éducatif…). La nature de leur production littéraire (poésie ou prose, fiction ou essais) doit être interrogée, de même que son ampleur et les canaux de sa diffusion. Celle-ci peut en effet varier fortement, de l’autoédition à la publication par de grands éditeurs commerciaux en passant par des maisons plus spécialisées ou étroitement localisées. La réception de leur œuvre permet de mesurer leur audience mais aussi d’illustrer les présupposés voire des préjugés de la critique.
Les articles constituant ce dossier peuvent donc porter sur les aspects listés lors des paragraphes précédents. Ils peuvent étudier un itinéraire individuel ou proposer une étude de groupe, quel que soit le pays de langue romane considéré, des années 1900 à nos jours. La seule contrainte est de retenir comme exemple d’écrivain paysan un ou plusieurs individus ayant pour caractéristiques obligatoires d’avoir eux-mêmes travaillé la terre de leurs mains (les grands propriétaires fonciers sont donc exclus, même si leur connaissance de l’agriculture peut être réelle) avant de prendre la plume pour produire un ou plusieurs livres, qu’il s’agisse de recueils de poèmes, de romans, d’essais ou de souvenirs (à condition que ces derniers soient bien rédigés par le paysan lui-même et non sous forme d’entretiens avec un journaliste).
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ROCHE Agnès, Émile Guillaumin, un paysan en littérature, Paris, CNRS Éditions, 2006.
VERNOIS, Paul, Le roman rustique de George Sand à Ramuz. Ses tendances et ses évolutions (1860-1925), Paris, Nizet, 1962.
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Les propositions de soumission peuvent se faire dans une des langues acceptées par la revue (allemand, anglais, français, espagnol, italien, portugais, etc.) et doivent être envoyées jusqu’au 30.07. 2022 sous forme de résumé (incluant titre, problématique, sources) aux adresses suivantes : t.obergoeker@chester.ac.uk et conord.fabien@orange.fr
Calendrier prévisionnel :
1.09.2022 Acceptation/refus des propositions
31.01.2023 Remise des textes pour expertise (double blind review)
31.03.2023 Retour des expertises
30.07.2023 Remise définitive des textes
Automne/Hiver 2023 Mise en ligne du dossier.