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Séminaire  mensuel

Séminaire mensuel "Recycler" (doctorant.e.s CERC, Sorbonne Nouvelle) - séance 4

Publié le par Université de Lausanne (Source : Maéva Boris et Luca Penge)

Nous avons le plaisir de vous convier à la 4e séance mensuelle du séminaire de doctorant.e.s "Recycler les mots", organisé avec le soutien du CERC, de l'ED 120 (Sorbonne Nouvelle) et de la revue TRANS-. 

La séance aura lieu le jeudi 19 mai de 17h à 19h, attention à la nouvelle adresse de la Sorbonne nouvelle :

campus Nation, 8 avenue de Saint-Mandé (75012), salle B 108. 

Nous recevrons My-Linh Dang et Lucas Kervegan, doctorant.e.s respectivement à Sorbonne Nouvelle et Sorbonne Université, pour découvrir les deux cas de recyclage lexical suivants :


My-Linh Dang, “Qui sont les “Việt Kiều” d’aujourd’hui ? Recyclage et réusages des termes parapluies désignant la “diaspora” vietnamienne

Le terme vietnamien « Việt Kiều », que l’on pourrait traduire par « Vietnamien-ne-s de l’étranger » ou encore « overseas Vietnamese », a pris des connotations différentes au fil de l’Histoire récente du Vietnam et notamment au moment de la constitution de la diaspora en 1975. Terme ambigu, pas toujours accepté par les personnes qu’il est censé désigner ou au contraire revendiqué comme « état d’esprit » par certains, « Việt Kiều» a été et est l’objet de nombreuses opérations de recyclage : on le retrouve ainsi transposé directement en vietnamien dans des ouvrages en français et en anglais, accompagné de traductions/définitions plus ou moins complètes. Depuis les années 2000, le terme « Việt Kiều » s’est en effet glissé aussi bien dans les travaux de chercheur-se-s occidentaux en sciences humaines que dans les œuvres des artistes de la diaspora vietnamienne. Ainsi, tel un parapluie qu’on ouvre de manière plus ou moins large, il semble que ce mot, particulièrement propice au recyclage, couvre des réalités différentes et mouvantes en fonction de la situation et du locuteur.

Lucas Kervegan, “Ce que vous avez voulu nommer mon classicisme” : du recyclage d’un concept d’histoire littéraire par Francis Ponge dans les années 1940.

Francis Ponge classique ? L’hypothèse, qui pourrait, au premier abord, surprendre, est
devenue un lieu commun depuis que l’auteur de La Table l’a lui-même légitimée par la somme qu’il consacra à Malherbe dans les années 1950 et 1960. C’est toutefois aux décennies
précédentes que je souhaite m’intéresser dans cette communication qui retracera l’entrée dans son lexique du vocable « classicisme », tiré de l’histoire littéraire et objet d’une vogue
importante au début du XXème siècle. Il s’agit d’un cas à la fois prototypique et original de recyclage. Depuis ses premiers pas en littérature, dans les années 1920, l’auteur de Proêmes s’est vu qualifié de « classique », tandis que, au début des années 1940, c’est Albert Camus qui lui accole à nouveau ce terme. Face aux analyses qui sont livrées de son œuvre, Ponge, malgré un certain malaise, se voit progressivement contraint de recycler le mot « classicisme ». Mieux : ce recyclage est un recyclage « au carré », puisque, tout en tentant de les ranger derrière ses propres préoccupations, il l’effectue à partir du recyclage que certains de ses contemporains en font et contre celui-ci. S’il confère à cette étiquette une signification nouvelle, Ponge n’en donne aucune définition claire : le sens de ce concept « en étoile » ne s’éclaire qu’en le mettant en rapport avec d’autres notions. À visée anthropologique, le classicisme de Ponge est à la fois communiste et anti-catholique : il s’agit de mettre en place les conditions d’édification d’un homme nouveau, libéré des chimères religieuses. C’est la place que Ponge confère à l’histoire littéraire dans son recyclage qui explique ces étranges rapprochements. Il en tire moins un ensemble de principes esthétiques qu’une vision de l’histoire, et « classicisme », chez lui, est le nom d’une dynamique historique : comme la littérature du début du XVIIème a ouvert la voie à une transformation de la société et de l’homme, son œuvre doit préparer un âge nouveau où le communisme, version moderne de l’absolutisme, remplacerait le monde bourgeois. Loin d’être un mot polémique aux relents traditionalistes et conservateurs, le classicisme de Ponge est tendu vers l’avenir.