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Espaces et enjeux contemporains de la (re)diffusion des comédies populaires françaises (Montpellier)

Espaces et enjeux contemporains de la (re)diffusion des comédies populaires françaises (Montpellier)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Adrien Valgalier)

Journée d'études

Espaces et enjeux contemporains de la (re)diffusion des comédies populaires françaises

Université Paul-Valéry Montpellier 3, RIRRA 21 - 20 septembre 2022

Organisée par Clémence Allamand, Guillaume Boulangé et Adrien Valgalier

Cette journée d’études se propose d’étudier un genre – la comédie – dans une perspective culturelle et socio-économique en insistant sur les spécificités de sa diffusion, de sa médiatisation et de sa marchandisation dans ses espaces d’exploitation contemporains. Dans un souci d’efficacité, nos investigations se limiteront à la production de comédies en France et s’attacheront aux films les plus populaires, avec une acception volontairement large et diachronique de cet adjectif et de ses différentes expressions (nombre d’entrées important en salles et/ou ventes conséquentes du film sur supports physiques ou dématérialisés, rediffusions régulières à la télévision avec audience significative, présence soutenue du personnel artistique dans les médias, publication abondante d’ouvrages grand public attachés à ces œuvres, reprises sur internet, exposition et programmation en cinémathèque, valorisation institutionnelle, etc.). En abordant autant des comédies contemporaines que plus anciennes, nous essaierons de saisir la diversité de leurs espaces de diffusion et de rediffusion aujourd’hui. Nous nous efforcerons tout particulièrement de décrire et de comprendre les stratégies économiques et les enjeux socio-culturels sous-jacents à ces médiatisations. En d’autres termes, nous nous demanderons ce que ces espaces « font » aux films, de quelle manière ils leur administrent plus ou moins consciemment une valeur et orientent leur approche. Cette question pourra être déclinée de plusieurs manières :

-        Il sera nécessaire, au moins dans un premier temps, d’établir une typologie de ces espaces de (re)diffusion, toujours plus nombreux aujourd’hui (salles de cinéma, télévision, plateformes de vidéo à la demande, médias et réseaux sociaux numériques, cinémathèques, festival, etc.). Des propositions de communication pourront étudier, dans une perspective comparatiste et critique, les différents modes d’existence d’une comédie dans ces espaces nommés.

-        Existe-t-il des spécificités dans la (re)diffusion des comédies populaires ? En quoi l’organisation de festivals entièrement consacrés à la comédie (L’Alpe d’Huez, CineComedies à Lille, Festival International du Film de Comédie de Liège) peut-elle différer de celle de festivals plus généralistes ? Y a-t-il une manière particulière de promouvoir une comédie dans le cadre de sa (re)diffusion (ressortie en salles, édition en vidéo physique, présence sur une plateforme de vidéo à la demande, etc.) ?

-        Cette question de la (re)diffusion des comédies ne peut faire l’économie des aprioris culturels négatifs qui ont été historiquement attachés à ce genre. Ces espaces contemporains participent-ils à la reproduction de hiérarchies culturelles défavorables aux comédies populaires ? Ou bien entendent-ils combattre ces préjugés et légitimer ces productions (par l’artification, l’auteurisation, etc.), poussant à une stratégie de labellisation, incluant et excluant possiblement certains publics ? Les débats houleux suscités par la tenue d’une exposition sur Louis de Funès à la Cinémathèque française en 2020 – qui se sont rapidement cristallisés autour de la valeur artistique de l’acteur – suggèrent qu’aucune évidence n’est perceptible sur ce terrain-là[1].

-        Dans le même ordre d’idée, ces aprioris ont pu écarter les comédies populaires des lieux de légitimation culturelle. Cela a-t-il permis l’éclosion d’une parole moins cadenassée sur ces films, favorisant une cinéphilie moins complexée, dirigée vers le plaisir de la vision plutôt que sur l’évaluation de la valeur artistique et l’intimidation qu’elle peut provoquer ? Ou bien les discours portés sur ces films participent-ils à une modélisation de la qualité artistique ? En quoi les espaces de (re)diffusion concernés ont contribué à l’un ou l’autre de ces phénomènes ? On s’arrêtera ici sur la situation de consommation cinématographique, sur la manière dont le lieu de rencontre avec le film et l’engagement corporel du spectateur peuvent définir des critères d’expertise de la qualité[2].

-        Nous souhaiterions nuancer aussitôt la proposition précédente en évoquant la question de la patrimonialisation de ces comédies populaires, leur passage d’une valeur d’usage à une valeur symbolique. Les processus de patrimonialisation, qui resteront à décrire, ne contribuent-ils à enfermer ces films dans une certaine posture ? De quelle manière les espaces de (re)diffusion peuvent leur attribuer une certaine portée culturelle et sociale ? La télévision semble avoir été un acteur essentiel dans ce processus. En programmant souvent des comédies populaires à des heures de grande écoute ciblant le public familial, en les proposant notamment lors de moments de tension et de bouleversement de la société française (la programmation en dernière minute sur TF1 des Bronzés quelques jours après l’attentat contre Charlie Hebdo en 2015, la présence régulière et exceptionnelle de comédies populaires l’après-midi à la télévision pendant le confinement du printemps 2020, l’interruption de la soirée électorale du premier tour de la présidentielle 2022 sur TF1 par la diffusion des Visiteurs), la télévision ne contribue-t-elle pas, comme le fait le patrimoine, à créer une « mythologie fédératrice[3] » et transgénérationnelle autour de ces films ? Il nous apparaît essentiel de questionner de tels processus de patrimonialisation au regard des contraintes économiques que peuvent rencontrer ces espaces de (re)diffusion.

-        Il nous apparaît important, pour penser ces espaces de (re)diffusion, de ne pas opposer la production contemporaine de comédies à celle du passé. Au contraire, les processus de patrimonialisation peuvent imposer l’idée d’une tradition, d’un savoir-faire national spécifique, d’une « comédie à la française », face à laquelle les producteurs et créateurs actuels devraient se prononcer, se placer ou non en héritiers. Nous nous demanderons de quelle manière les espaces de (re)diffusion peuvent induire un lignage entre comédies populaires du présent et du passé. Cette filiation insinuée favorise-t-elle une meilleure appréhension de la production comique contemporaine ou, au contraire, marque-t-elle un fossé entre un passé idéalisé, labellisé et un présent incertain ?

Ces pistes de réflexion ne sont en rien limitatives et les propositions qui s’écarteraient de celles-ci seront considérées avec intérêt. En mélangeant les approches et les méthodologies, nous espérons ouvrir un large débat sur la manière dont l’environnement des films peut modéliser leur perception et sur les enjeux sociaux, économiques, culturels, voire politiques que soulèvent leur insertion dans tel ou tel espace de (re)diffusion.

Les propositions (3 000 signes, quelques lignes de présentation de l’auteur.rice, coordonnées complètes et mention de l’institution de rattachement) sont à envoyer avant le 24 juin 2022 aux adresses mails suivantes : clemence.allamand@univ-montp3.fr, guillaume.boulange@univ-montp3.fr, adrien.valgalier@univ-montp3.fr 
 


[1] Un article de Jean-Christophe Ferrari (« Louis de Funès et la nouvelle bien-pensance »), publié sur le site Transfuge.fr suite à l’annonce de la tenue d’une exposition sur la star comique à la Cinémathèque française, a particulièrement fait réagir. Le texte en question, retiré du site depuis, voyait dans cet événement une forme de snobisme inversé et minimisait la part d’invention de l’acteur. En réaction, plusieurs articles ont défendu, tant sur un plan artistique que culturel, la valeur de Louis de Funès.
[2] Cf. Jean-Marc Leveratto, « La mesure de la qualité cinématographique ou la valeur du jugement du spectateur ordinaire », Le Portique, n°41, 2018, p. 15-32. Disponible sur : https://journals.openedition.org/leportique/3211.
[3] « Instrumentalisé, le patrimoine se résumerait alors à cet opérateur de légitimation historique, indispensable pour toute stratégie de communication. Il constituerait cette part de mythologie fédératrice, soudant des identités éclatées et fondant des croyances éphémères. », Anne-Claude Ambroise-Rendu, Stéphane Olivesi, « Du patrimoine à la patrimonialisation. Perspectives critiques », Diogène, 2017/2, n°258-259-260, p. 272.