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Le rugissement de la langue : poésie et animalité (Toronto)

Le rugissement de la langue : poésie et animalité (Toronto)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Mendel Péladeau-Houle)

Le rugissement de la langue : poésie et animalité (Toronto)

11-12 mai 2023

 
Selon Anne Simon, les animaux ont longtemps « maraudé entre les lignes de la littérature sans attirer l’attention » (22) : ce constat n’est nulle part plus vrai qu’en poésie. La zoopoétique, associée au roman depuis son émergence, ne s’est réellement tournée vers le genre lyrique qu’au cours des dernières années (Souchard 22-23). Si les motifs animaliers ont depuis toujours suscité des recherches d’ordre thématique, l’analogie entre le monde de la poésie et celui des animaux reste ainsi largement inexplorée. 

On a pourtant entraperçu sa fécondité d’un certain dehors : François Sarano qualifie de poétique la rencontre de plongeurs-observateurs avec un groupe de cachalots au large de l’île Maurice (78-79) ; Donna Haraway souligne l’importance des métaphores (Staying with the Trouble 58-98) et déconstruit les réseaux de symboles dans le langage scientifique (Primate Visions 231-243) ; Derrida formule l’hypothèse que « la pensée de l’animal, s’il y en a, revient à la poésie » (23).

On commence tout juste à explorer cette analogie depuis le point de vue des études littéraires pour sonder son apport aux études animales. Adresse, personnification, prosopopée, description, manière : les motifs animaliers s’inscrivent partout dans le texte poétique. Ils accompagnent l’évolution du lyrisme. Ils interrogent la place du langage, de la subjectivité, les représentations de la nature. Inscrits dans des systèmes ontologiques (Descola 176) liant la production moderne à l’émergence des sciences du vivant et de l’éthologie, les poèmes inventent simultanément des manières inédites de percevoir les non-humains.

Le mot de « zoopoétique » renvoyait chez Derrida aux animaux figurés, qu’il opposait au « chat réel » (20) dont sa réflexion découlait. Si cette distinction autorise l’étude des animaux mythiques ou éteints, elle souligne la difficulté à dépeindre les animaux « en chair et en os » (Fontenay 25). L’anthropomorphisme et le zoomorphisme ajoutent deux difficultés au faire-animal. Métaphoriser le vivant confisque-t-il une partie de l’altérité des individus qui le composent ? Parmi l’arsenal des notions dont disposent les études animales, peut-on recourir au concept lévinassien de visage lorsque les animaux textuels parlent et répondent à leurs interlocuteurs (Llewelyn 64-66), comme c’est le cas dans Ébauche d’un serpent de Valéry ? Si l’on admet, comme le propose Agamben, que la frontière humain/animal passe dans l’« homme » lui-même (15), comment penser l’animalité du sujet lyrique ?

Le présent colloque vise à explorer les liens qui unissent la poésie française et les animaux. Il nous offrira l’occasion de poursuivre, entre autres, les pistes suivantes :

-       les rapports entre formes de vie animales et sujet lyrique ;

-       les manières et les styles animaux ;

-       la métaphorisation du vivant ;

-       l’usage du terme « poétique » pour rendre compte des rencontres animales ;

-       la relation entre animaux et modernité poétique ;

-       la dimension performative, poéthique voire politique des poèmes sur les animaux ;

-       les liens transdisciplinaires avec l’écocritique, la géopoétique, l’éthologie, etc.

 

Le colloque se tiendra à l’université de Toronto les 11 et 12 mai 2023. La plupart des interventions auront lieu en personne, mais certaines pourront être faites en ligne.

 

Nous prions les personnes intéressées de nous faire parvenir une proposition de communication d’une longueur approximative de 250 mots, accompagnée d’une courte biobibliographie, avant le 15 septembre 2022 à l’adresse suivante : mendel.peladeauhoule@utoronto.ca.

 
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AGAMBEN, Giorgio, The Open: Man and Animal, trad. de Kevin Attell, Stanford, Stanford University Press, 2004 [2002].

DERRIDA, Jacques, L’Animal que donc je suis, Paris, Galilée, 2006.

DESCOLA, Philippe, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.

(DE) FONTENAY, Élisabeth, Le Silence des bêtes : la philosophie à l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, 1998.

HARAWAY, Donna, Primate Visions: Gender, Race, and Nature in the World of Modern Science, New York et Londres, Routledge, 1989.

HARAWAY, Donna, Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene, Durham et Londres, Duke University Press, 2016.

LLEWELYN, John, The Middle Voice of Ecological Conscience: A Chiasmic Reading of Responsibility in the Neighbourhood of Lévinas, Heidegger and Others, New York, Macmillan, 1991.

SARANO, François, Le Retour de Moby Dick : ou ce que les cachalots nous enseignent sur les océans et les hommes, Arles, Acte Sud, 2017.

SOUCHARD, Flora, Poésie et dynamique animale : Jules Supervielle, Saint-John Perse et René Char, Paris, Classiques Garnier, 2021.

SIMON, Anne, Une Bête entre les lignes : essai de zoopoétique, Marseille, Wildproject, 2021.