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Poétiques auctoriales et représentations sociales (Clermont-Ferrand)

Poétiques auctoriales et représentations sociales (Clermont-Ferrand)

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : Claire Lépinay)

Journée d’étude jeunes chercheurs :  Poétiques auctoriales et représentations sociales

 Le 12 avril 2023

Maison des Sciences de L’Homme (MSH) de Clermont-Ferrand

Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (CELIS)

 
Cette journée d’étude a pour objectif de préciser la notion de représentations sociales et d’interroger ses possibles interactions avec le processus de création.

L’acte créateur est-il intrinsèquement lié aux représentations sociales ? Ces dernières sont-elles individuelles ou collectives ? Dans quelle mesure l’écrivain ou l’artiste sont-ils tributaires de leur époque alors même qu’ils évoquent d’autres temps ?

Il faut souligner la difficulté d’appréhender le terme générique de « représentations » et définir, en le limitant, celui de « représentations sociales ». Certes c’est une notion très ancienne puisqu’on retrouve cette interrogation dès Aristote avec la question de la mimèsis. La première difficulté consiste donc à circonscrire la définition car le terme de « représentations » touche quasiment tous les domaines.  Le fait de représenter est une action de l’esprit, comme le précise Pierre Guenancia dans son ouvrage Le regard de la pensée. Philosophie de la représentation : « […] que ce soit sur le mode de la fiction, du jeu, de la réflexion, la représentation est toujours la manifestation de la liberté de l’esprit par rapport à ce que l’on nomme, à juste titre, la réalité. »[1] Ainsi chaque individu pourrait produire ses propres représentations, d’où l’intérêt du questionnement sur l’interaction des dimensions individuelle et collective de cette notion.  Dans notre optique, il sera avant tout nécessaire de convoquer le contexte historique de l’œuvre dans lequel baigne l’auteur et les représentations culturelles et sociologiques que forge ce dernier.

Mais il faut aussi souligner que la notion de représentation ou de « scénographie » auctoriale participe elle-même de l’acte créateur, si l’on reprend la démonstration de José-Luis Diaz qui,  rappelle Jérôme Meizoz,

"envisage l'auteur comme une représentation sociale imaginaire. […] Dans L'Écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l'époque romantique, il reformule la question de l'auteur, à partir notamment des travaux de Dominique Maingueneau. Diaz propose de distinguer trois niveaux, légèrement distincts de la tripartition du linguiste : l'auteur réel ou la personne civile, soit l'homme saisi dans les biographies ; l'auteur textuel ou l'écrivain, « être de lettres » dont parlait Valéry et sujet textuel ; enfin, l'écrivain imaginaire soit l'ensemble des représentations de l'auteur." [2]

Le questionnement est donc multiple mais une certitude demeure, on ne peut se détacher des représentations sociales. Elles sont au cœur même de notre existence. Comme le souligne Pierre Mannoni : « Les représentations sociales sont à la base de notre vie psychique. Elles sont les pièces essentielles de notre épistémologie […]. Situées à l’interface du psychologique et du sociologique, les représentations sociales sont enracinées au cœur du dispositif social. »[3]

Cette journée, en partant d’une clarification des définitions et d’un rappel de leur ancrage dans la sociopoétique, aura pour but de présenter différentes thématiques tributaires des représentations sociales au sein de différentes périodes et cultures. Effectivement rappelons que la sociopoétique telle que la définit Alain Montandon est « un champ d’analyse qui, nourri d’une culture des représentations sociales comme avant-texte, permet de saisir combien celui-ci participe de la création littéraire et d’une poétique.[4] » Pour lui, « les représentations et l’imaginaire social informent le texte dans son écriture même. »[5] Ainsi nous baignons dans une réalité dont nous ne nous apercevons même plus mais qui joue indiscutablement sur la perception du monde et sur tout acte créateur comme l’indique ce que nous pourrions nommer « l’allégorie des poissons ». Comme Alain Montandon l’écrit :

Définir les représentations sociales nous fait penser à la définition de l’eau. Qu’est-ce que l’eau ? Il y avait une fois deux jeunes poissons et un vieux. Tout en nageant le vieux salue les jeunes : « Bonjour les jeunes, comment est l’eau aujourd’hui ? » Les deux poissons nagent encore un bout de temps tout en se regardant mutuellement et finissent par s’exclamer : « Mais bon dieu, qu’est-ce que c’est que cette eau dont il parle ? » Il en est ainsi des représentations sociales. C’est un milieu dans lequel nous vivons (et par lequel nous vivons, car elles nous sont indispensables) et dans lequel nous baignons tant que nous finissons par ne pas en avoir conscience. Autrement dit, les réalités les plus importantes et les plus évidentes sont souvent celles qu’il est le plus difficile de voir et dont il est le plus difficile de parler.[…]

Les représentations sociales sont la base de notre vie psychique. Elles englobent aussi bien des concepts (le beau, le bien, le vrai), des objets physiques (un animal, des arbres, un marteau, etc.) ou des objets sociaux (vêtements, savoir-vivre, danse, etc.), des catégories sociales ou professionnelles (professeur, psychanalyste, paysan), etc. [6]

Les représentations sociales sont-elles préexistantes à l’individu, constituent-elles un réseau complexe indépendant ? Quelle est la place du sujet au sein de celles-ci ? On abordera ainsi la question de l’ethos tel qu’il est défini par Dominique Maingueneau dans son ouvrage Problèmes d'ethos : « […] tout ce qui, dans l'énonciation discursive, contribue à émettre une image de l'orateur à destination de l'auditoire. Ton de voix, débit de la parole, choix des mots et arguments, gestes, mimiques, regard, posture, parure, etc., sont autant de signes, élocutoires et oratoires, vestimentaires et symboliques, par lesquels l'orateur donne de lui-même une image psychologique et sociologique.»[7] Car l’étant est à l’épreuve des représentations qui l’entourent. 

La journée sera centrée sur les représentations sociales en littérature et dans les arts

On se questionnera donc sur l’interrogation centrale de la place des représentations sociales au sein des poétiques auctoriales. Il sera ainsi question des réappropriations et reconfigurations, notamment celles des contes et des mythes, ceux-ci faisant  l’objet de réécritures tributaires du contexte socio-historique. 

La journée est ouverte aux jeunes chercheurs et docteurs. Un format hybride devrait être proposé.

Les propositions de communication pourront s'articuler autour des perspectives suivantes :

·      La question des représentations sociales en interaction avec les poétiques auctoriales. Représentations sociales et laboratoire de la création.

·     Scénographie auctoriale et représentations.

·     Reformulation, reconfiguration, par exemple l’évolution de la lecture et de la réception des mythes, des contes, mais aussi des formes littéraires ou artistiques.

·     L’écriture des interactions sociales (la mode, les lieux, les codes de civilité, la perception des genres, etc.).

·     La question des stéréotypes.

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Bibliographie indicative :

Ouvrages :

Amossy, Ruth, La présentation de soi. Ethos et identité verbale, Paris, PUF, 2010.

Aristote, Poétique, Paris, Le livre de Poche, 2021.

Diaz, José-Luis, L'Écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l'époque romantique, Paris, Honoré Champion, 2007.

Glaudes Pierre, La représentation dans la littérature et les arts, Paris, Presse Universitaire du Mirail, 2000.

Guenancia, Pierre, Le regard de la pensée . Philosophie de la représentation, Paris, PUF, 2015.

Jodelet, Denise, Les représentations sociales, Paris, PUF, 2003.

Meizoz, Jérôme, La Littérature «en personne». Scène médiatique et formes d'incarnation, Genève-Paris, Slatkine, 2016.

Montandon Alain, Mélusine et Barbe-Bleue. Essai de sociopoétique, Paris, Champion, 2018.

Moscovici Serge, Psychologie des représentations sociales, Paris, Nikos Kalampalikis, 2019.

Articles en ligne :

Revue sociopoétique, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2016, http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/.

Maingueneau, Dominique, « Problèmes d'ethos », Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°113-114, 2002. pp. 55- 67; doi : https://doi.org/10.3406/prati.2002.1945 https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_2002_num_113_1_1945.

Mannoni, Pierre, « Introduction », dans : Pierre Mannoni éd., Les représentations sociales. Paris, PUF, 2010, p. 5-10. URL : https://www.cairn.info/---page-5.htm

Montandon, Alain, «Sociopoétique», Sociopoétiques [En ligne], n°1, mis à jour le : 25/09/2020, URL : https://revues-msh.uca.fr:443/sociopoetiques/index.php?id=640.

Raynal-Zougari, Mireille. La Représentation dans la littérature et les arts. Anthologie. Sous la direction de Pierre Glaudes, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, coll. Cribles, 1999. In: Littératures 45, automne 2001, pp. 311-315.www.persee.fr/doc/litts_0563-9751_2001_num_45_1_2177_t1_0311_0000_2 

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Les jeunes chercheurs intéressés, doctorants ou docteurs ayant soutenu leur thèse depuis moins de trois ans, peuvent envoyer leurs propositions sous la forme d’un titre accompagné d’un paragraphe d’une quinzaine de lignes et d’une notice bibliographique d’ici le 31/05/2022 à jerepresentationssociales2023@gmail.com

Comité organisateur :

Alexandra Grand, Ruike Han, Nadia Hebaz, Claire Lépinay, Frédérique Marty.

Comité scientifique : 

Pascale Auraix-Jonchière, Anne-Sophie Gomez, Yvan Daniel , Françoise le Borgne.


 
[1] Guenancia Pierre, Le regard de la pensée . Philosophie de la représentation, Paris, PUF, sept 2015.
[2] Meizoz Jérôme, La Littérature «en personne». Scène médiatique et formes d'incarnation, Genève-Paris, Slatkine, «Érudition», 2016.
[3] Mannoni Pierre, « Introduction », dans : Pierre Mannoni éd., Les représentations sociales, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2010, p. 5-10. URL : https://www.cairn.info/---page-5.htm
[4] Montandon Alain, «Sociopoétique», Sociopoétiques [En ligne], n°1, mis à jour le : 25/09/2020, URL : https://revues-msh.uca.fr:443/sociopoetiques/index.php?id=640.
[5] Ibid.
[6] Ibid.
[7] Maingueneau Dominique. «Problèmes d'ethos», Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°113-114, 2002. pp. 55- 67; doi : https://doi.org/10.3406/prati.2002.1945 https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_2002_num_113_1_1945