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Filmer le droit, le droit filmé

Filmer le droit, le droit filmé

Publié le par Marc Escola (Source : Gornet)

Colloque Filmer le droit, le droit filmé

Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (ACTE, IRJS)

18 et 19 novembre 2022


L’objectif de ce colloque est d’étudier les relations riches et complexes qu’entretiennent le droit et le cinéma, et dont le premier signe est le nombre impressionnant de films qui, depuis les débuts du cinéma, mettent en scène des questions ou des situations juridiques, racontent des histoires dont les protagonistes sont enquêteurs, juges, avocats, procureurs, victimes, accusés, détectives, gangsters, ou encore shérifs, marshals, outlaw, etc., transformant en décors ces lieux institutionnels de la justice que sont les tribunaux, les commissariats, les bureaux d’avocats ou les prisons, notamment.

Le droit dans le cinéma

Si nombre de films placent le droit au cœur de leur thématique, de leur intrigue, du parcours et des relations entre leurs personnages, il convient de ne pas simplement décrire cette inscription ou cette présence d’enjeux juridiques dans les films. Il s’agit plutôt de se demander comment le cinéma représente ou réfléchit le monde juridique, et quels effets cela peut produire non seulement sur le public du film mais plus précisément sur les juristes eux-mêmes et le regard qu’ils portent sur leur propre discipline. Ainsi on entend analyser la manière dont les enjeux juridiques apparaissent au prisme des films : leurs représentations, leurs figurations, leurs mises en scène voire leurs projections cinématographiques.

L’objectif de ce colloque n’est pas de considérer les films comme des supports ni même des documents, ou des ressources que l’on se contenterait d’ajouter aux textes juridiques et aux exposés de doctrines. Analyser le droit dans ou par le cinéma, c’est surtout étudier comment les juristes peuvent enrichir ou élargir leur appréhension de leur propre discipline en saisissant dans les films une image du droit qui n’est pas simplement cinématographique mais renvoie à la manière dont le droit s’articule à telle ou telle société, à telle ou telle époque.

Lorsqu’un film représente des affaires juridiques, dont il fait le cœur de son intrigue, c’est le plus souvent tout le contexte dans lequel ces affaires ont pris forme qui est mis en scène. Le cinéma reflète alors l’articulation complexe entre un système ordonné de règles et les aléas humains auxquels le droit s’applique, articulation souvent faite de tensions entre certains personnages et la société dans laquelle ils vivent, mises en scène de façon comique ou dramatique. Il serait d’ailleurs rapide de conclure que le cinéma enferme le droit dans le cliché d’un univers normé : parfois la marge n’est pas seulement occupée par les individus jugés, mais par certains acteurs du monde judiciaire eux-mêmes, tel avocat, tel procureur ou tel juge apparaissant en désaccord voire en lutte avec les normes juridiques qu’ils sont censés représenter et le système judiciaire dont ils sont partie prenante.

Plus largement, parce que les films ne sont pas faits par des juristes, parce qu’ils reflètent et en même temps contribuent à forger une certaine perception sociale du droit, ils révèlent la culture juridique qui imprègne une société et dont les écarts inévitables avec la réalité des règles de droit intéressent nécessairement les juristes : la manière dont le droit est perçu dit sans doute quelque chose de son adéquation ou non aux situations auxquelles il est censé s’appliquer. 

Le droit comme cinéma

Filmer le droit n'est pas un acte anodin : loin de proposer la description servile des événements, le cinéma en livre une interprétation, voire en fait la critique. Ainsi, le droit est non seulement l’objet mais le sujet du cinéma, et les choix du réalisateur au tournage (ou même ceux faits au cours de l’écriture scénaristique ou du montage) reflètent une vision de la situation juridique qui apparaît à l'écran. Le cinéma offre alors au juriste un nouveau moyen de penser le droit. De plus, il permet, tout comme le procès, d’incarner le droit en donnant chair à des textes abstraits et il renouvelle la manière de s'y intéresser, en montrant des situations explicitement juridiques - comme la signature d’un contrat - et surtout en faisant ressortir la dimension juridique d’événements qui semblent relever avant tout de l’affect - comme une adoption ou un décès, provoquant l’ouverture d’une succession. 

Plus encore, filmer le droit, c’est se consacrer à un objet qui est déjà de l’ordre de la représentation et qui, d’une certaine manière, n’a pas attendu le cinéma pour être mis(e) en scène. Cette affinité originelle permet de comprendre pourquoi le procès est si prisé des scénaristes et réalisateurs, au point que le « film de procès » peut être considéré comme un genre cinématographique. De la scène judiciaire à l’écran, le passage est aisé, voire naturel, tant le procès est déjà de l’ordre de la représentation, et du spectacle. Les lois et leur application apparaissent dans un dispositif spectaculaire constitué d’une salle, d’une scène, d’orateurs en costume incarnant sinon un rôle, du moins une fonction, devant un public. On pense également à l’échafaud, au pilori ou à la chaîne des forçats comme autant de mises en spectacle des criminels destinées à édifier les foules. Au fond, le droit, comme le cinéma, ne saurait exister sans public : le « nul n’est censé ignorer la loi » implique que chaque norme juridique soit publique (proclamée, affichée ou consultable) et que chaque acte de justice le soit aussi, la publicité valant garantie de ce que le droit est effectif et justement mis en œuvre. Certains procès engagent même leur propre représentation, généralement « pour l’histoire », et le cinéma est alors d’autant plus requis pour questionner leurs dispositifs de mise en scène. 

Méthodologie et pistes

L’enjeu de ce colloque est d’établir un dialogue entre des juristes et des spécialistes de cinéma, pour croiser leurs approches. Les juristes et spécialistes de cinéma sont ainsi éventuellement invités à constituer des binômes sur un sujet commun, que chacun aborde depuis sa discipline. Il serait souhaitable que les propositions s’attachent à traiter de cinéma, le cas échéant de film documentaire, pour éclairer les problématiques liées aux représentations cinématographiques de l’exercice précis du droit, en excluant les récits qui ne convoqueraient la justice que comme une idée, voire un idéal, et en n’hésitant pas à puiser dans toutes les périodes de l’histoire du cinéma, et dans toutes les cinématographies.

Nous pouvons ainsi proposer les pistes suivantes, sans que cette liste soit évidemment exhaustive : 

-       Système judiciaire et dispositif de mise en scène
-       L’espace juridique : des lieux institutionnels aux décors des films
-       Le droit incarné : avocat, juge, juré, procureur, marshal, outlaw, justicier, criminel, gangster, détective, enquêteur, … Typologie des figures et étude des jeux d’acteur, de leurs mises en scène
-       La figuration des institutions juridiques : État, administration, police, pénitentiaire, mairie, … autant d’entités abstraites que les personnages, les actions et les lieux figurent et rendent visibles
-       Études par genre : film noir, film policier, biopic, thriller, …
-       Le « film de procès », un genre à part entière ?
-       Syntaxe (grammaire, sémiologie) de la représentation du droit au cinéma
-       La représentation du droit dans une perspective historique et culturelle
-       Comparaison de différents systèmes judiciaires

Ressources bibliographiques

-       Laurent Goualle, Le drame judiciaire ou la représentation du procès dans le cinéma américain, Thèse de Doctorat en Cinéma, Paris III, 2001
-       Françoise Puaux (dir.), La justice à l'écran, Cinémaction, n°105, 2002
-       Christian Biet et Laurence Schifano (dir.), Représentation du procès. Droit, théâtre, littérature, cinéma, coll. Représentation, Presses Universitaires de Paris X Nanterre, 2003
-       Christian Guery, Justices à l'écran, Paris, PUF, coll. Questions judiciaires, 2007
-       Bruno Dayez, Justice et cinéma. Quarante méditations sur la justice vue à travers le septième art, Limal, Anthémis, 2007
-       Agnès de Luget et Magalie Flores-Lonjou (dir.), Le huis clos judiciaire au cinéma, Gestes Editions, 2010
-       Antoine Gaudin, « Qu’est-ce qu’un procès mémoriel authentique au cinéma ? La “banalité du mal” dans le Courtroom Documentary-Drama », in Jean-Pierre Bertin-Maghit (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol.II, Paris, INA/L’Harmattan, 2011
-       Damien Connil et Jérome Duvignau (dir.), Droit public et cinéma, Paris, L’Harmattan, coll. BibliothèqueS de droit, 2012
-       Nathalie Goedert, « Voir le droit au cinéma », billet mis en ligne le 3 novembre 2014, sur imaj – Carnets d’Analyse Juridique de l’IMage, https://imaj.hypotheses.org/
-       Fabrice Defferrard, Le droit selon Star Trek, Paris, Mare & Martin, coll. Droit & cinéma, 2015
-       Jacobo Rios et Philippe Ségur (dir.), Cinéma, droit et politique, Cinémaction, n° 158, 2016
-       François-Xavier Roux-Demare, Marie-Charlotte Dizès (ed.), Les fictions en droit, Institut Universitaire Varenne, 2018
-       Fabrice Defferrard, La pensée juridique de Sheldon Cooper : ou comment faire du droit avec The big bang theory, Mare & Martin, coll. Droit & Cinéma, 2019
-       Positif, n° 712, juin 2020, Dossier « La justice, les procès »
-       Avant Scène Cinéma, « Dossier Autopsie d’un meurtre, d’Otto Preminger », n° 680/681, février/mars 2021
-       Fabrice Defferrard, Les lois de Michel Audiard : Liberté, Fraternité, Egalité, Mare & Martin, coll. Droit & cinéma, 2021
-       Journal Spécial des Sociétés, « Droit, séries et cinéma : les liaisons heureuses ? », numéro 42, 9 juin 2021
-       Blog « Droit et cinéma : regards croisés », créé en mars 2010 par Lionel Miniato et Magalie Flores-Lonjou https://lesmistons.typepad.com/
-       Carnets de recherches en analyse juridique de l’image : https://imaj.hypotheses.org/

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Comité scientifique

Pierre Bonin (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, IRJS), Jean-Loup Bourget (ENS, THALIM), Fabrice Defferrard (Université de Reims Champagne-Ardenne, CEJESCO), Jean-Michel Durafour (Aix-Marseille Université, LESA), Yann-Arzel Durelle-Marc (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, IRJS-IED), Magalie Flores-Lonjou (La Rochelle Université, CEREGE), Antoine Gaudin (Université Paris Sorbonne Nouvelle, IRCAV), Nathalie Goedert (Université Paris Saclay, EMRJ), Cécile Gornet (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ACTE), Xavier Lagarde (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, IRJS), Floriane Masséna (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, IRJS-IED), José Moure (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ACTE), Benoît Rivière (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ACTE), Hélène Sirven (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ACTE)

Comité d’organisation

Yann-Arzel Durelle-Marc, Cécile Gornet, Floriane Masséna, Benoît Rivière

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Les propositions de communication (un titre, 500 mots maximum) accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique sont à envoyer avant le 10 mai 2022 aux deux adresses suivantes :

cecile.gornet@univ-paris1.fr 

floriane.massena@univ-paris1.fr