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Sens et contresens (du Moyen-Age au XXIe siècle)

Sens et contresens (du Moyen-Age au XXIe siècle)

Publié le par Marc Escola (Source : Christine Lombez)

Colloque « Sens et contresens (du Moyen-Age au XXIe siècle) » 

Organisateurs :

Christine Lombez, Pr. Littérature Comparée, Nantes Université,

Bruno Méniel, Pr. Littérature du XVIe s., Nantes Université

Nantes Université, 26-27 octobre 2023

 

« Qu’est-ce donc que le sens ? D’où puis-je savoir que telle expression, tel mot, veulent dire ceci ou cela ? » se demande Georges-Arthur Goldschmidt dans À l’insu de Babel (2009). Par ces mots, l’auteur et traducteur franco-allemand pose plusieurs questions fondamentales touchant à l’origine et à la nature du sens ainsi qu’aux modalités de sa construction dans le processus de compréhension et d’interprétation. Hautement polysémiques, les notions de sens et de contresens (auxquelles on peut ajouter celles, au périmètre sémantique plus restreint, de faux-sens ou de non-sens) sont en outre emblématiques des méandres de toute démarche herméneutique et de ses incertitudes, s’il est vrai que « le sens, c’est ce qui peut se dire autrement » (Goldschmidt) ou encore, comme l’affirmait Blaise Pascal qu’« un même sens change selon les paroles qui l’expriment ».

Parler de contresens tend cependant à accréditer l’idée qu’il préexisterait un sens « juste » ou exact, qui se verrait confirmé car pris à rebours (on dit bien « aller à contresens ») par l’interprétation fautive d’un énoncé. Cette possibilité était déjà mise en doute par Paul Valéry lorsqu’il affirmait dans Variété III qu’« il n’y a pas de vrai sens d’un texte ». Par ailleurs, en l’absence d’un tertium comparationis qui permettrait d’attester de la pleine conformité du sens d’un énoncé, une telle hypothèse peut être périlleuse, car comme le constate Ludwig Wittgenstein dans sa Grammaire philosophique, on ne sait jamais vraiment, par définition, en adéquation avec quoi ou à rebours de quoi le sens se construit, ni sur quoi se fonde cette immédiate reconnaissance du « comprendre ». En outre, le contresens (ou contre-sens ?) est-il l’envers du sens, son opposé, ou bien lui-même un autre sens ? Y a-t-il une « beauté du contresens » pour reprendre d’expression de Philippe Forest dans son ouvrage éponyme, ou même une utilité ? Car le « malentendu » peut parfois se révéler fécond, ainsi que l’a souligné Pierre Hadot dans son article « Philosophie, exégèse et contresens » à propos des textes antiques. L’idée de contresens créateur ou « productif » peut ainsi nous aider à questionner l’acte même d’interprétation qui dépasse la compréhension du sens dénoté mais « est le domaine de la construction d’un sens connoté, des inférences, de ce qui n’est pas forcément contenu dans l’explicite du texte mais est activé ou construit par le lecteur » (Emmanuelle Bordon, L'interprétation des pictogrammes. Approche interactionnelle d'une sémiotique). Il faudra donc s’interroger aussi sur le rôle que joue ce dernier dans le processus herméneutique. La notion de « coopération interprétative » proposée par Umberto Eco dans Lector in fabula offre un outil d’analyse précieux pour appréhender cette question qui se pose aussi bien dans l’analyse et le commentaire des textes littéraires, théoriques ou philosophiques (comment et que comprend-on ?), que lors de la traduction littéraire interlinguale. Cas emblématique de « lecture-écriture » pour Henri Meschonnic (Poétique du traduire), traduire une langue en une autre met en effet au jour de façon exemplaire aussi bien les modalités de compréhension (du dénoté) que d’interprétation (du connoté) dans le transfert et la réception d’un texte étranger.

La notion de contresens trouve naturellement à s’appliquer au domaine de la traduction littéraire, mais elle est transposable en d’autres champs où intervient l’interprétation, tels que le droit et l’histoire. Les interprètes du droit romain sont passés maîtres dans l’art de proposer des étymologies fictives et de faire dire aux textes ce qu’ils ne disent pas tout à fait. Le juge peut commettre un contre-sens en interprétant la loi. Il s’agit là de mauvaises lectures de textes, mais la démarche herméneutique peut s’appliquer à un fait réel et elle est même inhérente à tout récit d’événement. Le témoin – par exemple un diariste, un journaliste ou un chroniqueur de son époque – peut se méprendre sur la signification à donner à ce qu’il constate, et il sera démenti par les historiens qui viendront après lui. Quels sont les mécanismes qui conduisent au contre-sens ? Celui-ci est-il toujours évitable, toujours infécond ? N’est-il pas parfois volontaire ? Et si le grand lecteur était celui qui se rendait capable de prendre un texte dans tous les sens simultanément ?

Organisée dans le cadre de la thématique « Sens, savoirs, interprétation » du laboratoire LAMO (Littératures antiques et modernes), cette rencontre se propose d’explorer les mécanismes du sens (littéraire, philosophique, critique) et d’éclairer les modalités de son interprétation, à la lumière de nos propres pratiques exégétiques dans le domaine des SHS. 

Les propositions de communication pourront porter sur les thématiques suivantes (liste indicative) :

- biais herméneutiques

- sens et idéologie

- exégèse et contresens

- contresens et traduction littéraire

- cas de contresens créateurs

- contresens et comique

- contresens et écart culturel

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Un résumé de 500 mots maximum et une brève notice biobibliographique sont à envoyer conjointement à Christine Lombez (christine.lombez@univ-nantes.fr) et Bruno Méniel (bruno.meniel@univ-nantes.fr) pour le 30 septembre 2022

Les réponses seront données mi-janvier 2023

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Comité scientifique :

Jean-Louis Backès (PR Littérature Comparée, Université Paris Sorbonne)

Béatrice Guion (PR, Littérature XVIe s., Université de Strasbourg)

Xavier Godin (PR Histoire du droit, Nantes Université)

Pierre Maréchaux (PR Lettres Classiques, Nantes Université)

Alexis Tautou (MCF Etudes Germaniques, Université de Rennes 2)

Sophie Van der Meeren-Ferreri (PR Lettres Classiques, Université de Rennes 2).