Georges Perec autre que nous le savons, par Pierre Assouline
mis en ligne le 21 février 2022 sur larepubliquedeslivres.com
Si le cinéma ne s’est guère émancipé de la littérature, nombre d’adaptation de romans en témoignent cette année encore, c’est peu dire que le documentaire l’ignore. Cela se comprend lorsqu’il se veut en prise directe avec le réel très contemporain. Mais comment expliquer cette indifférence lorsqu’il se tourne vers le passé ? Cet hiver à Biarritz, à l’occasion de l’édition 2022 du Fipadoc (Festival international documentaire), il n’y avait guère qu’un documentaire consacré à un écrivain parmi des dizaines d’autres axés le plus souvent sur des guerres, des conflits et des sujets de société. Un seul aussi exceptionnel que l’était son héros, Georges Perec (1936-1982) dont le destin littéraire bascula par deux fois : en 1965 lorsque le prix Renaudot couronna son premier roman Les Choses et y fit rayonner le nom de ce jeune inconnu, et treize ans plus tard quand le prix Médicis consacra La vie, mode d’emploi.
Georges Perec, l’homme qui ne voulait pas oublier (13 Productions / Pop’films) est un montage d’images d’archives dont le commentaire original est très écrit. Seule exception à cette vie en noir et blanc, l’astucieuse mise en scène de petits personnages en bois parmi l’accumulation d’objets annonçant le triomphe de la société de consommation et l’attachement aux biens matériels. Récurrente tout au long du film, elle restitue bien le quotidien banal qui fascinait tant Perec, lequel l’appelait « l’infra-ordinaire ». Maquettes et peintures sont l’œuvre de Clarence Stiernet, qui se présente comme une « artiste moltoglotte » et pratique la sculpture-volume sur bois. […]