Actualité
Appels à contributions
Regards médiévaux sur l’écrivain antique

Regards médiévaux sur l’écrivain antique

Publié le par Antoine Poisson (Source : Charlotte Guionneau)

Regards médiévaux sur l’écrivain antique
Journée d’étude
Paris, le 29 juin 2022
ED 120 / CERAM – EA 173


Date limite d’envoi des propositions : 15 avril 2022

Si les travaux s’intéressant à la réception médiévale des textes de l’Antiquité sont aujourd’hui nombreux, les chercheurs se sont interrogés de manière moins systématique sur la perception médiévale des auteurs de ces textes.
Désireuse d’approfondir ce sujet, la journée d’études proposée réunira des interventions concernant la représentation physique et morale des poètes, historiens, philosophes ou exégètes antiques (grecs ou latins, païens, bibliques ou patristiques, historiques ou mythiques) dans les arts du Moyen Âge. Il s’agira de se demander comment les figures d’autorité que sont les auteurs anciens sont eux-mêmes objets d’un discours ou d’une mise en scène.


Cette question, qui intéressera les domaines de l’histoire, des littératures latine et vernaculaire ou encore de l’histoire de l’art, pourra être portée par l’analyse de plusieurs types de supports :
- les représentations iconographiques (telles les enluminures représentant Darès et Dictys
dans les manuscrits du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure) ;
- les textes à prétention hagiographique (Vie de saint Jean l’Évangéliste) ou pseudo-biographique (Les Faits merveilleux de Virgile) ;
- les textes affichant leur dimension fictionnelle, dans lesquels un auteur antique – réel ou mythique – intervient en tant que protagoniste (Lai d’Aristote, Sir Orfeo) ou comme personnage d’une intrigue secondaire (Hippocrate ou Salomon dans l’Estoire del Saint
Graal) ;
- les péritextes qui guident la réception de textes antiques, de leurs traductions ou réécritures (gloses et commentaires, préfaces, prologues…) ;
- et enfin, les cas d’attributions erronées ou fictives susceptibles de nous renseigner sur leregard que le Moyen Âge porte sur un auteur antique (le Lunaire de Salomon, le Dit d’Aristote de Rutebeuf qui, tout en traduisant un passage de l’Alexandréide de Gautier de Châtillon, l’attribue directement au philosophe antique).


Nous proposons d’organiser la réflexion autour de deux grands axes d’analyses, qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre :


1 – Un premier axe de réflexion pourra être consacré à l’établissement d’une typologie des représentations de l’écrivain antique : peut-on définir un canon pour ces dernières ? Ce questionnement pourra se décliner autour de plusieurs interrogations :
- Y a t-il des spécificités propres à la représentation des auteurs antiques par rapport aux auteurs médiévaux ? Les études sur la représentation d’un auteur antique au Moyen Âge insistent par exemple sur l’ambivalence caractéristique de ces représentations (ambivalence morale d’un Virgile à la fois prophète et magicien, ambivalence intellectuelle et sociale d’un Aristote à la fois grand savant et grand naïf, honoré par Alexandre et humilié par la femme qu’il courtise) : dans quelle mesure ce rapport conflictuel au savoir est-il propre ou non aux représentations de l’écrivain antique ?
- Quelles sont les grilles d’analyse à partir desquelles se construisent les représentations de l’écrivain antique ? On pourra s’interroger ainsi sur leurs représentations humorales et sur les tempéraments attribués aux figures de l’Antiquité, ou sur la convocation d’outils exégétiques aboutissant à des interprétations spirituelles des épisodes de leur vie ;
- Quelles relations établir entre peinture de l’homme et réception de son œuvre ? La carrière d’Aristote en tant que personnage de fiction s’achève par exemple au moment où ses écrits philosophiques sont véritablement redécouverts par la scolastique, comme si la reconnaissance de son autorité savante anéantissait son potentiel littéraire ; on peut alors se demander quelle place est accordée, dans la représentation des écrivains antiques, à leur activité créatrice;
- Ce constat invite enfin à se demander si l’on ne pourrait pas penser cette typologie en termes génériques : quelle relation établir entre le genre pratiqué par un auteur antique et la représentation qu’en propose le Moyen Âge ? À l’inverse, quels sont les genres médiévaux les plus enclins à véhiculer ces représentations ?


2 – Un deuxième axe de réflexion, situé dans une perspective théorique, pourra être consacré aux fonctions de ces représentations, qui mettent en jeu les notions d’auctor et d’auctoritas. On pourra s’interroger entre autres sur :
    - le champ de compétences que l’auteur médiéval octroie à l’auctoritas : L’ambivalence des représentations d’un Virgile ou d’un Aristote incite en effet à interroger la portée de l’autorité d’un écrivain érigé tout à la fois en modèle et en repoussoir (pensons au prologue du Roman de Troie, dans lequel Benoît de Sainte-Maure présente Homère à la fois comme un grand sage et comme un menteur) ;
    - l’artificialité de l’auctoritas : Si la mention de l’autorité littéraire a pour fonction de légitimer le travail de l’écrivain médiéval, la représentation de cette auctoritas relève pourtant d’une construction qui s’effectue à partir de grilles d’analyse et de modèles construits par le Moyen Âge (la représentation d’Aristote est ainsi inspirée par le personnage de Merlin dans les narrations du XIIe et du XIIIe siècles). Partant de ce constat, on pourra légitimement s’interroger sur la démarche de l’auteur médiéval construisant le portrait de l’autorité dont il se réclame (ou se distingue) ;
    - Enfin, on pourra se demander comment l’évolution de la conception médiévale del’auteur contribue à façonner le discours sur les auteurs anciens : par exemple, le développement de la subjectivité littéraire au XIIIe siècle entraîne-t-elle ou non l’émergence d’une conscience de l’individualité des écrivains du passé ?

Modalités d’organisation :
- La journée se tiendra le 29 juin 2022 en format hybride, à la Maison de la Recherche de la Sorbonne Nouvelle (rue des Irlandais) et en visioconférence
- Les communications dureront environ 25 minutes et seront suivies d’une discussion


Les propositions de communication (titre et résumé de maximum 500 mots) sont à envoyer, assorties d’une courte bio-bibliographie mentionnant l’établissement de rattachement et le sujet de recherche, avant le 15 avril 2022 à l’adresse : regardsmedievaux@gmail.com

Une réponse sera donnée début avril.

Organisateurs :

- Claire Donnat-Aracil (Université Paris 3 / CERAM)
- Charlotte Guionneau (Université Paris 3, CERAM / ED 120)
- Sung-Wook Moon (Sorbonne Université / EA 4349)

Bibliographie sommaire :

Céard, Jean, « Virgile, un grand homme soupçonné de magie », dans Raymond Chevallier (dir.), Présence de Virgile, Paris, Les Belles Lettres, « Caesarodunum », 1978, p. 265-278.

Cerrito, Stefania, et Possamaï-Pérez, Marylène,(dir.), Ovide en France du Moyen Âge à nos jours. Études pour célébrer le bimillénaire de sa mort, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres/Ovidiana », 2021

Corbellari Alain, La voix des clercs. Littérature et savoir universitaire autour des dits du XIIIe siècle, Genève, Droz, « Publications romanes et françaises », 2005.

Haquette, Jean-Louis et Ueltschi, Karin (dir.), Les Métamorphoses de Virgile. Réception de la figure de l’Auctor. Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes, Paris, Champion, « Colloques, congrès et conférences. Moyen Âge», 2015.

Hériché-Pradeau, Sandrine, « La Sapho du XVe siècle, de la clergesse à la poetesse amoureuse », dans Catherine Gaullier-Bougassas (dir.), Figures littéraires grecques en France et en Italie aux XIVe et XVe siècles, Turnhout, Brepols, « Recherches sur les Réceptions de l’Antiquité », 2020, p. 161-177.

Minnis Alastair J., Medieval Theory of Authorship. Scholastic Literary Attitudes in the Later Middle Ages [1984;1989], 2ᵉ éd., Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2010.

Mora, Francine, « Virgile le magicien et l’Énéide des Chartrains », Médiévales, n° 26, 1994, p. 39–57.

Sherman, Claire Richter, Imaging Aristotle: Verbal and Visual Representation in Fourteenth-Century France, Berkeley, University of California Press, 1995.

Réception et représentation de l’Antiquité, Bien dire et Bien aprandre n° 24, Lille, Centre d’Études médiévales et dialectales de Lille 3, 2006