« Maria Casarès et Gérard Philipe, les enfants du siècle » : deux journées d’études en diptyque
L’année 2022 voit la célébration de deux centenaires : celui de Maria Casarès, née le 21 novembre 1922, et celui de Gérard Philipe, né le 2 décembre 1922. Il nous a paru intéressant d‘organiser en diptyque deux journées d’études consacrées à l’acteur et à l’actrice. Vedettes des planches et de l’écran, Philipe et Casarès se sont rencontrés en 1945 au théâtre (Fédérigo de René Laporte puis Les Épiphanies d’Henri Pichette) avant de devenir emblématiques du TNP de Jean Vilar et du festival d’Avignon, ou de se donner la réplique au cinéma dans La Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1947). Un disque conserve leurs deux voix, liées ensemble et lisant « Les Plus beaux poèmes de la langue française ». Si des propositions concernant Casarès et Philipe sont possibles, toutes les communications portant exclusivement sur l’un ou l’autre seront les bienvenues.
Gérard Philipe, les masques du prince, journée d’études, vendredi 18 novembre 2022, Université de Bourgogne
La mort prématurée de Gérard Philipe (4 décembre 1922- 25 novembre 1959), le transformant très vite en « mythe », a tendance à éclipser la carrière de l’acteur, et à en masquer la complexité. Souvent considéré sous le régime de l’affect et de l’émotion, objet d’une littérature profuse, souvent biographique, voire hagiographique, « Gérard Philipe » semble se subsumer à un certain nombre de mythèmes qui ravivent une inspiration néoromantique : « éternel jeune premier », tout aussi jeune prince, étoile filante, météore, ange…
La présente journée d’études voudrait privilégier une approche critique, selon trois axes distincts : les études actorales, l’histoire culturelle, l’entreprise biographique et commémorative.
Il s’agira, pour le premier axe, de se pencher sur l’acteur Philipe, tant au théâtre qu’au cinéma. Il serait question, par exemple, d’aborder les rôles qu’il a pu incarner au théâtre et au cinéma : Prince de Hombourg ou Fanfan la Tulipe, Philipe se prête tout à la fois à l’incarnation de héros positifs et bondissants, que de personnages plus torturés. Sa beauté rayonnante et en apparence lisse se met parfois au service de scénarios sombres, où sourd une violence plus ou moins rentrée. Il sert tout à la fois des « classiques » ou des pièces contemporaines. Acteur populaire, il peut aussi avoir une réputation d’intellectuel. Jeune, il est pourtant boudé par la Nouvelle Vague. Acteur dit instinctif, il est aussi réputé très travailleur. Il s’agirait également de réfléchir au physique de Philipe, souvent qualifié de « juvénile », et à sa voix, parfois jugée fragile, mais utilisée pour beaucoup de disques (pour nombre d’enfants, Gérard Philipe sera ainsi la voix de Pierre et le loup, pour d’autres, la voix des Pensées de Karl Marx). Son « style de jeu » (romantique ? moderne ?) mériterait également une approche serrée.
Le deuxième axe chercherait les traces de Gérard Philipe dans le champ de l’histoire culturelle. Des communications pourraient évoquer son rapport à l’engagement politique et syndical, son rôle dans l’histoire de la décentralisation théâtrale, avec le compagnonnage de Jean Vilar, sa participation à des campagnes publicitaires, ou encore son statut de « vedette ». Un pan plus historique pourrait évoquer sa jeunesse, à l’ombre de la Seconde Guerre mondiale, et la figure contestée de son père. Une autre approche pourrait se consacrer aux « lieux » de Gérard Philipe – Paris, Cannes, Cergy, Ramatuelle. Un autre point serait Philipe comme objet de citation dans la culture populaire – elles semblent ténues, ou dans la mémoire nationale - théâtre, lycées, elles semblent plus nombreuses.
Le dernier axe voudrait de fait se consacrer à Gérard Philipe comme objet d’écriture. Philipe a souvent été écrit par ses proches, et ainsi enfermé dans une sorte de cercle intime et sacré, où ne peut émerger qu’une écriture pleine d’une révérence sacrée, reçue comme telle par les admirateurs et admiratrices de l’acteur. Il s’agirait de considérer les écrits autour de Philipe, sur Philipe d’un point de vue littéraire ou historique, en réfléchissant à leur forme et à leur réception. On n’oubliera pas de regarder de près les « hommages » rendus à Philipe, ou ses « tombeaux » (Henri Pichette), fussent-ils littéraires ou journalistiques, ou ses correspondances.
Maria Casarès aujourd’hui : entre littérature et films, journée d’études, vendredi 9 décembre 2022, Université Rennes 2
Si, de son vivant, Maria Casarès (21 novembre 1922-22 novembre 1996) ne vit que trois livres publiés sur elle (dont sa propre autobiographie Résidente privilégiée), les années depuis sa mort jusqu’à aujourd’hui ont été riches en ouvrages universitaires ou grand public, en œuvres poétiques ou théâtrales, portant aussi bien sur sa vie (pensons aux biographies, mais aussi à sa correspondance avec Albert Camus ou son père Santiago Casares Quiroga) que sur son art, tout cela en français, en espagnol et même en galicien (espagnole d’origine, Maria Casarès est née à La Corogne, en Galice).
Cette profusion à un moment où cette comédienne, essentiellement tournée vers le théâtre et ayant déclaré ne pas être à sa place sur les plateaux de cinéma, n’est plus, semble pallier un manque à un moment où son travail sur les planches n’est plus présent que dans la mémoire – fatalement déformatrice – des spectateurs de son temps, ou dans certaines captations télévisées aujourd’hui peu visibles dont la médiation audiovisuelle et les conditions de réception ne peuvent qu’altérer un art résolument théâtral et, par essence, éphémère.
Le centenaire de la naissance de Maria Casarès peut donc être l’occasion de s’interroger sur l’héritage d’une actrice, régulièrement qualifiée de « plus grande comédienne française du XXe siècle », toujours prestigieuse dans l’imaginaire collectif en raison de toutes ces publications qui entretiennent et font évoluer son souvenir, mais qui n’est plus vraiment présente que grâce à ses films de cinéma dont plusieurs ont acquis le statut de grands classiques – La Chartreuse de Parme (Christian-jaque, 1947) –, voire de chefs-d’œuvre – Les Enfants du paradis (Marcel Carné, 1945), Les Dames du bois de Boulogne (Robert Bresson, 1945), Orphée (Jean Cocteau, 1950).
À travers le matériel qui nous reste – les films de cinéma, les captations télévisées ou les enregistrements sonores de ses prestations théâtrales, quelques téléfilms ou séries, les lectures pour la radio ou pour des disques… –, pouvons-nous encore rendre compte de toute la richesse de l’art actoral de Maria Casarès ? Si tout un pan de ses créations risque de ne plus être évalué dans toutes ses facettes, ce recentrement inévitable sur les témoignages majoritairement filmiques ne pourrait-il pas cependant nous permettre de nuancer, voire contredire, la perception, encouragée par ses propres déclarations, d’une comédienne plus habile et davantage à l’aise sur les planches que devant les caméras ?
Par ailleurs, puisque ce sont les livres qui entretiennent grandement le « mythe Casarès », il convient, à l’occasion de ce centenaire, de s’interroger sur la façon dont tous ces ouvrages maintiennent en vie son art théâtral, entre description fidèle et réécriture du geste. De plus, dans la mesure où parmi toutes ces publications, les biographies et les correspondances dominent, il serait intéressant d’étudier comment l’image de Maria Casarès a évolué, de la comédienne vouée à son art à l’amoureuse passionnée, ou bien de l’actrice française aux origines espagnoles rapidement mentionnées, à la personnalité emblématique de la Seconde République espagnole en exil. Une comparaison diachronique entre les discours français et espagnols pourra être riche de sens. De la même façon, si les biographies et la publication de la correspondance avec Albert Camus ont présenté l’avantage de raviver la popularité de la comédienne auprès du grand public en dévoilant une intimité souvent tragique, il l’a également enfermée dans une histoire amoureuse et dans l’ombre d’un homme dont la reconnaissance artistique dépasserait la sienne, alors que, de son vivant, l’image de Maria Casarès était celle d’une actrice indépendante, célébrée et libre.
Pour toutes ces raisons, profitons de ce centenaire pour rendre hommage à Maria Casarès en maintenant vivant le souvenir de la comédienne, de son art aux aspects multiples, et en redirigeant l’imaginaire qui lui est lié vers ce qui a fait et doit faire encore l’essentiel de son héritage.
Comité d’organisation
Vincent Chambarlhac, MCF HDR en histoire, LIR3S (ex CGC) CNRS 7366, Université de Bourgogne
Virginie Dumanoir, MCF en études hispaniques, ERIMIT, EA 4327, Université de Rennes 2
Arnaud Duprat de Montero, MCF HDR en études hispaniques, Arts : Pratiques et Poétiques EA 3208, Université de Rennes 2
Corinne François-Denève, MCF HDR en littératures comparées, CPTC (Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures) EA 4178, Université de Bourgogne
Comité scientifique
Antonia Amo Sánchez, MCF en études hispaniques, théâtres espagnol et catalan contemporains, ICTT (Identité Culturelle, Texte et Théâtralité), EA 4277, Université d’Avignon
Vincent Chambarlhac, MCF HDR en histoire, LIR3S (ex CGC) CNRS 7366, Université de Bourgogne
Virginie Dumanoir, MCF en études hispaniques, ERIMIT, EA 4327, Université de Rennes 2
Arnaud Duprat de Montero, MCF HDR en études hispaniques, Arts : Pratiques et Poétiques EA 3208, Université de Rennes 2
Florence Fix, PU en littératures comparées, CÉRÉdi (Centre d’Études et de Recherche Éditer-Interpréter) EA 3229, Université de Rouen
Corinne François-Denève, MCF HDR en littératures comparées, CPTC (Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures) EA 4178,Université de Bourgogne
Julia Gros de Gasquet, MCF HDR en études théâtrales, LIRA - Laboratoire International de Recherches en Arts EA 7343, Université Sorbonne-Nouvelle
Sylvain Ledda, PU en littérature française, CÉRÉdi (Centre d’Études et de Recherche Éditer-Interpréter) EA 3229, Université de Rouen
Vincent Lowy, PU en études cinématographiques et directeur de l’ENS Louis-Lumière
Jacqueline Nacache, PU émérite en études cinématographiques, Université de Paris
Anne Pellois, MCF en études théâtrales, IHRIM UMR 5317, ENS de Lyon
Christian Viviani, PU émérite en études cinématographiques, Université de Caen
Ces journées d’études sont organisées avec le soutien du CPTC (Centre Pluridisciplinaire Textes et Cultures, EA 4178), de LIR3S (ex CGC) CNRS 7366 de l’Université de Bourgogne, d’ERIMIT (EA 4327), et d’Arts : Pratiques et Poétiques (EA 3208) de l’Université de Rennes 2.
Les propositions de communication (un titre et un résumé de 400 mots, accompagnés d'une notice bio-biographique) devront être envoyées aux organisateurs à ces adresses :corinne.francois@u-bourgogne.fr, virginie.dumanoir@univ-rennes2.fr, vincent.chambarlhac@u-bourgogne.fr, arnaud.duprat@univ-rennes2.fr avant le 30 juin 2022.