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Fabrique de thèses #6: Recherche en création, création en recherche. Pluralité des savoirs et des expériences des artistes-chercheurs (Pantin)

Fabrique de thèses #6: Recherche en création, création en recherche. Pluralité des savoirs et des expériences des artistes-chercheurs (Pantin)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Atelier des doctorants en danse)

Fabrique de thèses #6

Recherche en création, création en recherche : pluralité des savoirs et des expériences des artistes-chercheurs 

Journée d’études de l’Atelier des doctorants : 3 juin 2022

Centre national de la danse, Pantin


La place de la création dans les dynamiques de la recherche universitaire en France connaît un nouvel essor au cours de cette dernière décennie. Dans les champs des arts du spectacle, de la littérature, ou encore des arts visuels, la recherche-création, bien qu’elle soit encore marginale, suscite un intérêt croissant de la part de praticiens qui souhaitent explorer les synergies possibles entre une investigation scientifique et leurs propres processus créatifs.

Cette spécialité (aussi nommée discipline, champ ou pratique) qui est d’abord apparue au début des années 2000 dans les programmes d’études supérieures canadiens, connaît une légitimité graduelle au sein de la communauté universitaire française. Cette tendance répond en partie à la volonté des ministères de l’enseignement supérieur et de la culture d’articuler la théorie et la pratique dans les formations et la recherche en art. L’école universitaire de recherche ArTeC créée en 2018 soutient notamment les initiatives portant sur des articulations entre recherche, pratique artistique et formation supérieure(1). De même, le programme doctoral « Sciences, Arts, Créations, Recherche » (SACRe) fondé en 2012 vise l’exploration de territoires communs entre la recherche et la création(2). Le Master d’Expérimentation en Arts Politiques de Sciences Po Paris (SPEAP) lancé par Bruno Latour en 2010 espère également analyser des problèmes de société au prisme des méthodes scientifiques et des pratiques artistiques(3). En outre, le réseau Création, Arts et Média (CAM), qui compte dix-sept écoles doctorales membres, a mis en place un vade-mecum du doctorat en recherche-création en 2019(4). Il faut aussi noter qu’un grand nombre de laboratoires universitaires naviguent sur cette tendance sans pour autant l’affirmer comme telle, quand d’autres militent pour une plus grande reconnaissance et une meilleure prise en compte des spécificités du doctorat en recherche-création(5).

Toutefois, la légitimité et la reconnaissance du doctorat en recherche-création dans les arts du spectacle ne représentent pas un acquis, notamment en danse où les artistes-chercheurs (ou plutôt les danseurs-chercheurs ou chorégraphes-chercheurs) se font encore rares dans le paysage de la recherche-création. Faut-il y voir une conséquence directe de la lutte menée par la danse, depuis maintenant des siècles et qui semble enfin être arrivée à son terme, pour acquérir sa légitimité et son autonomie dans le système des arts en Occident ? Si le dualisme occidental entre corps et esprit résiste, de façon larvée mais identifiable, à l’obsolescence, la recherche-création en danse pourrait en précipiter la chute. En effet, dans la recherche-création en danse peut-être plus que dans tout autre domaine artistique, pratique et théorie sont envisagées au sein d’une même boucle : le travail du chercheur est incarné, il peut être considéré comme geste créateur, et le corps du danseur expérimente, cherche, puis trouve et transmet, parfois par des canaux empruntés aux autres arts (on peut penser aux didascalies théâtrales, ou aux dessins et schémas des arts plastiques et visuels). Ainsi, la recherche-création en danse pose aussi la question de la perméabilité des méthodologies entre les différents arts. C’est pourquoi, si les différents sujets de réflexion proposés par cette journée découlent d’interrogations propres à la recherche-création en danse, cet appel est également ouvert aux autres disciplines artistiques afin d’encourager un dialogue entre les doctorants en recherche-création de manière générale. 

Les coopérations et consortiums académiques soulignent la dimension relationnelle de la recherche-création. Son appellation même nous renvoie vers des postures épistémologiques spécifiques et par extension vers des statuts, des expertises, des méthodes et des productions croisés. Nous proposons d’explorer cette polarité en pensant ce trait d’union placé entre « recherche » et « création » à la fois comme un signe de séparation, de rencontre, de continuité et/ou de mobilité. 

Parce que cette journée s’intéresse à la pluralité des savoirs et des expériences des jeunes artistes-chercheurs, les sujets de réflexion suivants pourront être abordés. Ils ne sont que des pistes de réflexions possibles, en aucun cas une liste exhaustive ou restrictive, et ils pourront être amenés à s’interroger et à se répondre mutuellement. 

Le savoir en action

Nous tenterons dans un premier temps de comprendre les moteurs d’une recherche-création et la manière dont la pratique et la théorie s’actualisent l’une et l’autre pour nourrir un projet original. Lorsque le chercheur est seul à le porter, cela signifie aussi qu’il bénéficie de savoirs documentés et de savoirs-faire spécifiques. Si cet équilibre est fructueux sur le plan des connaissances, il peut également susciter des questionnements éthiques : où situer la focalisation entre la création et le chercheur lui-même ? Comment éviter les biais éventuels entre le geste créatif et les procédures de recherche scientifique ? Comment un artiste-chercheur subjectivement impliqué parvient-il à maintenir une posture critique vis-à-vis de son projet ? 

Traduire une expérience sensible

Il conviendra dans un second temps de nous interroger sur les méthodes spécifiques que sollicite la recherche-création. Celles-ci nous renvoient vers les outils mis au service de la transcription des savoirs afin de rendre l’expérience sensible intelligible et communicable. La question de la mémoire de la création semble donc fondamentale et nous interroge sur les systèmes empruntés, inventés, adaptés pour conserver la trace du studio ou de l’atelier (prise de note, journaux de création, écriture automatique, enregistrement, croquis, etc.). Quels sont les moyens originaux mis en place par l’artiste-chercheur pour assurer le passage entre le pôle expérientiel et conceptuel, et la liaison entre la production artistique et scientifique ? 

Les contraintes statutaires et académiques
D’un point de vue épistémologique et méthodologique la recherche-création nous renvoie donc vers la division des savoirs sensibles et conceptuels. Mais cette séparation n’est-elle pas d’abord académique ? Quels seraient les avantages et/ou les incompatibilités entre ces deux statuts ? (Du point de vue de l’orientation, des compétences, des subventions, etc.). Cette spécificité ne pourrait-elle pas alors renverser le modèle scientifique dominant ? Ce troisième axe prendra donc en considération les exigences académiques, y compris les impératifs de diffusion et les contraintes formelles liées à la soutenance et la publication de la thèse. 

La diversité des « manières de faire » de la recherche-création et sa polysémie nous invitent donc à l’envisager à travers les projets des artistes-chercheurs eux-mêmes. C’est pourquoi nous invitons les étudiants impliqués dans ces questions à nous soumettre des ébauches, des propositions pratiques ou performées, à partager un problème méthodologique, une piste ou une résolution. En restant volontairement ouverte sur les plans disciplinaires et formels, la journée d’études “Recherche en création, création en recherche : pluralité des savoirs et des expériences des artistes-chercheurs” espère explorer des pistes de sens et lever les confusions qui entourent la recherche-création, à défaut de pouvoir lui donner une définition consensuelle.

Modalités de soumission

Tous les chercheurs en recherche-création en danse ou dans d’autres disciplines artistiques sont appelés à soumettre une proposition de communication à travers :

- un titre de communication
- une proposition de 1500 signes maximum
- une synthèse de communication de 400 signes maximum
- une biographie de 400 signes maximum

Les informations demandées ci-dessus sont à fournir dans un seul et même document.

Nous vous remercions de bien vouloir préciser votre/vos discipline(s), votre sujet et année de thèse, le nom de votre/vos directeur(s) de recherche, votre/vos université(s) et laboratoire(s) de rattachement, ainsi que le format de vos propositions (durée, besoins techniques, etc.)

Les propositions sont attendues pour le 10 mars 2022 et doivent être transmises par mail à : doctorantsendanse@gmail.com 

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Une proposition de l’équipe de l’Atelier des doctorants 2022 :

Pauline Boschiero, doctorante à l’université Toulouse–Jean Jaurès (arts du spectacle),
Anaïs Loyer, doctorante à l’université Côte d’Azur (danse),
Marie Philipart, doctorante à l’université Côte d’Azur (danse), 
avec Eva Assayas, doctorante à l’université de Lille (esthétique, théorie et pratique des arts),
et le service Recherche et Répertoires chorégraphiques, CND.

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Bibliographie indicative

Monik Bruneau, André Villeneuve (dir.), 2007, Traiter de recherche création en art. Entre la quête d’un territoire et la singularité des parcours, Presses de l’université du Québec.

Éric Dayre, David Gauthier (dir.), 2020, L’art de chercher : l’enseignement supérieur face à la recherche création, Hermann, Paris.

Marian Del Valle, 2016, « Un projet de recherche-création “avec la” et “en danse” », Recherches en danse [en ligne], 5.
DOI : https://doi.org/10.4000/danse.1297


Pierre Gosselin, Éric Le Coguiec (dir.), 2006, La recherche création. Pour une compréhension de la recherche en pratique artistique, Presses de l’université de Québec.

Erin Manning, Brian Massumi, 2018, Pensée en acte – vingt propositions pour la recherche-création, trad. Armelle Chrétien, Les presses du réel, Paris.

Monique Martinez Thomas, Catherine Naugrette (dir.), 2020, Le doctorat et la recherche en création, L’Harmattan, Paris.

Léna Massiani, 2017, « Retour d’expérience : parcours in situ et expérimentations, ou comment inscrire la recherche-création en France », Recherches en danse [en ligne], 6.
DOI : https://doi.org/10.4000/danse.1740 


Sophie Stévance, automne 2012, « À la recherche de la recherche-création : la création d’une interdiscipline universitaire », Intersections, volume 33, numéro 1, p. 3-9. 
DOI : https://doi.org/10.7202/1025552ar 



(1) https://eur-artec.fr/leur-artec/presentation/

(2) https://collegedoctoral.psl.eu/doctorat-psl/programme-doctoral-sacre/

(3) http://blogs.sciences-po.fr/speap/presentation/pourquoi-speap/ 

(4) http://res-cam.com/204101-2/

(5) Par exemple, le laboratoire LLA-CRÉATIS de l’Université Toulouse-Jean Jaurès consacre deux journées d’études à la recherche-création sur l’année universitaire 2021/2022, et a décidé, depuis le 10 décembre 2021, de soutenir financièrement les doctorant.e.s qui soutiennent une thèse de recherche-création.