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La place des femmes dans l’hispanisme : les pionnières /  Ser mujer e hispanista : el papel de las pioneras

La place des femmes dans l’hispanisme : les pionnières / Ser mujer e hispanista : el papel de las pioneras

Publié le par Université de Lausanne (Source : Ivanne Galant)

Colloque international :

« La place des femmes dans l’hispanisme : les pionnières » 
 
Jeudi 6 et vendredi 7 octobre 2022
 
Unité de Recherche pluridisciplinaire Pléiade, Université Sorbonne Paris Nord-Paris 13
 
Centre de Recherche sur l’Espagne Contemporaine (CREC), Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
 
   
Comme dans bien d’autres domaines des sciences et des lettres, l’hispanisme est, à ses débuts, une affaire d’hommes. Les candidates au baccalauréat et celles qui poursuivaient leurs études sur les bancs de l’université étaient bien rares à la fin du XIXe siècle : Julie Victoire Daubié fait figure de pionnière en étant la première bachelière (en 1861) et la première licenciée en Lettres en 1871[1]. En France, l’hispanisme devint académique entre 1884 et 1900, tout d'abord grâce à l'action isolée de quelques professeurs qui manifestaient un goût pour l'histoire, la littérature et l'art du pays voisin, principalement à Paris d’abord, puis Toulouse, Bordeaux et Montpellier. À la fin du XIXe siècle, l’espagnol commença à être enseigné dans le secondaire[2], puis l’agrégation fut créée en 1899. Il fallut attendre la Première Guerre mondiale pour voir apparaître les premières femmes lauréates, qui vinrent occuper les places laissées vacantes par les hommes mobilisés sur le front. Ainsi, en 1916, Mathilde Pomès (1886-1977) fut la première hispaniste reçue au concours ; lui succédèrent Lucie Auriac (en 1917), Victoire Paraire (en 1918) et Anna Dejeanne (en 1919). Bien que le début des années 1920 fût marqué par un retour en force des hommes parmi les lauréats – en 1922, Irène Lavertujon est la seule femme reçue sur huit lauréat.e.s –, un pas décisif avait été franchi, et progressivement une certaine mixité allait commencer à s’instaurer[3].
 
Quelle serait la carrière de ces premières hispanistes ? Est-elle comparable à celle de leurs homologues masculins ? Étaient-elles mieux acceptées dans certaines sphères, tandis que d’autres restaient principalement réservées aux hommes ? Pouvaient-elles aspirer à la même reconnaissance que ces derniers à une époque où, par exemple, l’attribution du prix Goncourt à une femme avait suscité de vives polémiques[4] ? À première vue, l’enseignement semble être la voie privilégiée par nombre d’entre elles. Elles sont rares à rédiger une thèse, à la différence des agrégés de leur génération ou plus âgés, comme Jean Amade, Marcel Bataillon, Camille Pitollet ou encore Jean Sarrailh[5]. De même, la proportion d’articles qu’elles signaient dans les revues scientifiques était infime en comparaison de la production masculine. Prenons le cas emblématique du Bulletin hispanique, lancé en 1899. Durant les deux premières décennies du siècle, les contributions de femmes comme Irène Lavertujon, Carolina Michaelis de Vasconcellos, ou encore de l’Espagnole María Goyri de Menéndez Pidal faisaient figure d’exception. Citons, en outre, les travaux de l’historienne Jeanne Vieillard (1894-1979), qui fut la première femme admise à la Casa de Velázquez en 1928, avec Gabrielle Vilar-Berrogain (1904-1976). Après elles, d’autres chercheuses comme Anne-Marie Supervielle (en 1929) ou Suzanne Dobelmann, Jacqueline Chaumié et Myriam Astruc (en 1931) en devinrent également membres[6]. À plus d’un titre, les années 1930 furent caractérisées par une présence accrue des femmes dans le champ de l’hispanisme d’un point de vue institutionnel, mais bien d’autres aspects doivent être pris en compte, surtout si l’on entend le terme d’hispaniste au sens large d’amateur.trice éclairé.e des réalités hispaniques, selon la conception défendue par Nadine Ly en 2006[7]. On pourra donc s’intéresser, par exemple, à la conservation, où certaines développèrent une brillante carrière. Ainsi, dans le domaine des Beaux-Arts, l’apport de Jeannine Baticle (1920-2014) pour la mise en valeur patrimoniale des œuvres de Francisco de Goya dans les musées français est considérable.
 
Néanmoins, beaucoup d’hispanistes restèrent dans l’ombre des grands hommes qu’elles contribuèrent à faire connaître. Pensons à l’Américaine Katherine Whitmore, professeure de littérature espagnole au Smith College, surtout connue en raison de sa relation sentimentale avec Pedro Salinas[8]. Ce fut par la traduction que nombre de femmes accédèrent à la littérature, contribuant ainsi « à la circulation internationale des idées et des œuvres »[9]. Parmi ces intermédiaires cruciales pour la réception des écrivains hispanophones à l’étranger, citons la Française Renée Lafont (1877-1936), traductrice de Vicente Blasco Ibáñez et d’Alberto Insúa. Souvent reléguées à une place secondaire, ces hispanistes mériteraient que l’on se penche sur leur production propre, d’autant qu’elles ne furent pas non plus absentes des débats politiques qui agitèrent leur époque et des crises qui la traversèrent. Ainsi, comme d’autres reporters plus célèbres, R. Lafont n'hésita pas à rejoindre les républicains dans la Guerre d’Espagne et fut abattue en 1936 par les nationalistes.
 
Les contributions pourront s’intéresser aux itinéraires singuliers et collectifs de ces pionnières de l’hispanisme, à leur degré d’intégration ou de marginalisation dans le(s) réseau(x) de la discipline, de l’Université et du monde des Arts et des Lettres, au rôle et à la place qui furent les leurs en leur temps. Loin de se limiter aux hispanistes françaises, ce colloque entend récupérer la mémoire d’hispanistes de tous horizons, ayant développé leur activité en lien avec l’Espagne ou l’Amérique Latine.
D’un point de vue chronologique, si le début du XXe siècle correspond à la naissance de l’hispanisme institutionnel en France, on pourra également se pencher sur les époques antérieures, comme celle du XIXe siècle, qui coïncide avec un grand engouement pour l’Espagne, tant sur le plan littéraire que pictural, et remonter jusqu’au XVIIe où se manifeste, selon Bartolomé Bennassar, un hispanisme avant la lettre[10]. Songeons, par exemple, au récit de voyage de Madame d’Aulnoy(1651-1705) ou aux autrices de romans hispano-mauresques. Inversement, dans les pays où l’hispanisme institutionnel s’est constitué comme discipline dans des circonstances différentes et selon une temporalité distincte, les pionnières pourront apparaître à une époque plus récente. Il en va de même de certaines spécialités développées plus tard, comme le cinéma espagnol ou latino-américain, ainsi que la culture musicale des pays hispaniques.
 
Ainsi les interventions s’insèreront dans un ou plusieurs des axes ci-dessous, dont la liste n’est pas exhaustive :

Études de cas ou études prosopographiques;
Réseaux nationaux et transnationaux ;
Formation, concours et carrière des pionnières de l’hispanisme ;
Leur place à l'université, dans des institutions (telles que l’Institut hispanique, le Colegio de España, la Casa de Velázquez, etc.), dans les sociétés savantes (par exemple, la Société des Langues Néo-Latines ou la plus récente SHF) et les associations ; certaines organisations ont-elles encouragé le développement de l’hispanisme au féminin ?
Les pionnières de l’hispanisme comme médiatrices au travers de l’édition, la traduction et le journalisme ou encore la conservation, les archives et les bibliothèques ;
Les voyageuses en Espagne et en Amérique latine.
 
Les propositions de communication (en .doc ou .docx), sont à envoyer à Ivanne Galant et Cécile Fourrel de Frettes, au plus tard le 1er mai 2022, aux deux adresses suivantes : cecile.fourreldefrettes@univ-paris13.fr et ivanne.galant@univ-paris13.fr 

Elles comprendront :
        - un titre
        - un résumé de 300 à 400 mots
        - une brève biobibliographie
 
Une réponse sera apportée, après examen des propositions, avant le 20 mai 2022. 
 
Le colloque sera suivi d’une publication des articles retenus après évaluation.
 
 Call for papers disponible en español : https://pleiade.univ-paris13.fr/portfolio/appel-a-communications-colloque-international-hispanisme-pionnieres/


Bibliographie indicative
 
ATALAYA, Irene, « Renée Lafont, traductora e hispanista en el olvido », Hikma, no 18 (2), 2019, p. 109-128.
AULNOY, Marie-Catherine d’, Relation du voyage d’Espagne, Paris, Claude Barbier, 1691.
BENNASSAR, Bartolomé, « Panorama de l'Hispanisme français », dans Jean Sagnes (éd.), Images et influences de l'Espagne dans la France contemporaine, Béziers, Presses Universitaires de Perpignan, 1994, p. 27-33.
BERTRAND, Michel, « Un siècle d’hispanisme (1920-2020) », Mélanges de la Casa de Velázquez, no 50-1, 2020, [en ligne] http://journals.openedition.org/mcv/12127 (consulté le 24 novembre 2021).
BONNET, Dominique, « Adrienne Monnier et Mathilde Pomès, colporteuses de cultures littéraires », dans Lina Avendaño Anguita, Montserrat Serrano Mañes et María del Carmen Molina Romero (coord.), La Littérature au féminin, 2002, p. 139-156.
CARRARA MOTTO, Herminia, Mathilde Pomès et son œuvre, Thèse sous la direction de Michel Mercier, Université de Nantes, 1985.
CHERVEL, André, « Les agrégés de l’enseignement secondaire. Répertoire 1809-1950 », juin 2011, [en ligne] http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=agregsecondaire_laureats_old (consulté le 24 novembre 2021).
CIVIL, Pierre, « Réflexions sur l’hispanisme à l’occasion du centenaire de la Casa de Velázquez », Mélanges de la Casa de Velázquez, no 50-1, 2020, [en ligne] http://journals.openedition.org/mcv/12127 (consulté le 24 novembre 2021).
DELAUNAY, Jean-Marc, Des palais en Espagne. L'École des hautes études hispaniques et la Casa de Velázquez au cœur des relations franco-espagnoles du XXe siècle (1898-1979), Casa de Velázquez, Madrid, 1994.
GALLEGO Durán, María del Mar et NAVARRO DOMÍNGUEZ, Eloy, Relatos de viajes, miradas de mujeres, Ediciones Alfar, Sevilla, 2007.
GODAYOL, Pilar, Feminismos y traducción, Comares, Granada, 2021.
HUGUET, Françoise, « Les thèses de doctorat ès lettres soutenues en France de la fin du XVIIIe siècle à 1940 », novembre 2009, [en ligne] http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=theses-list (consulté le 24 novembre 2021).
LAFARGA, Francisco (éd.), Miradas de mujer: viajeras francesas por la España del siglo XIX, Castalia, Madrid, 2012.
PLANTÉ, Christine, La petite sœur de Balzac. Essai sur la femme auteur, Presses universitaires de Lyon, Lyon, 2015.
PUCHE, Amélie, « L’accès des femmes aux universités (1850-1940) », Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe, [en ligne]https://ehne.fr/fr/node/14080 (consulté le 24 novembre 2021).
RUIZ GARCÍA, Elisa, « Mathilde Pomès, la primera hispanista francesa », dossier  « ¿Cómo se puede ser español? Miradas francesas sobre la realidad española (s. XVI-XX) », Langues néo-latines : Revue des langues vivantes romanes, no extra 392, 2020, p. 33-42.
SALINAS, Pedro, Cartas a Katherine Whitmore, Austral, 2018.
VARELA FERNANDEZ, Dario, Les réseaux hispanistes français au début du XXème siècle : coopérations savantes et relations culturelles, France-Espagne-Amériques (1890-1930),  Thèse de doctorat soutenue à Le Mans Université, sous la direction de Nathalie Richard et Iriana Podgorny, 2019, [en ligne] https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03092275/document (consulté le 24 novembre 2021).
TIKHONOV SIGRIST, Natalia, « Les femmes et l’université en France, 1860-1914 », Histoire de l’éducation, no 122, 2009, [en ligne] http://journals.openedition.org/histoire-education/1940 (consulté le 24 novembre 2021).
 
 
Comité scientifique
 
-       Juan Carlos Baeza Soto (Université Sorbonne Paris Nord-Paris 13, Pléiade).
-       Brice Castanon-Akrami (Université Sorbonne Paris Nord-Paris 13, Pléiade)
-       Javier Domínguez-Arribas (Université Sorbonne Paris Nord-Paris 13, Pléiade).
-       Marie Franco (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, CREC)
-       Hélène Frison (Université Sorbonne Paris Nord-Paris 13, Pléiade)
-       Eva Lafuente (École polytechnique - Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, CREC)
-       Marie-Linda Ortega (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3, CREC)
-       Marian Panchón Hidalgo (Université de Grenade, Espagne)
-       Sarah Pech-Pelleter (Université Sorbonne Paris Nord-Paris 13, Pléiade)
-       Marcin Sarna (Université Pédagogique de Cracovie, Pologne)
-       Jorge Villaverde (Université Catholique de Lille, Sorbonne Université, CRIMIC)
-       Cécile Vincent-Cassy (Cergy Paris Université, UMR Héritages)

 
[1] Natalia Tikhonov Sigrist, « Les femmes et l’université en France, 1860-1914 », paragr 1.
[2] Selon Bartolomé Bennassar, « le castillan qui, en 1890, n'était enseigné que dans 19 lycées et collèges secondaires en France, va se diffuser considérablement, notamment après la création de l'agrégation d'espagnol en 1899, dont Ernest Mérimée présida le jury de 1900 à 1912, créant ainsi un vivier où pourraient se recruter des spécialistes professionnels de l'hispanisme ». Voir « Panorama de l'Hispanisme français », p. 31.
[3] André Chervel, « Les agrégés de l’enseignement secondaire. Répertoire 1809-1950 ».
[4] En 1904, lorsque le jury du Goncourt refusa de récompenser l’écrivaine Myriam Harry, parce qu’elle était une femme, la revue La Vie Heureuse protesta en créant le prix du même nom, qui devint ensuite le Prix Femina.
[5] Françoise Huguet, « Les thèses de doctorat ès lettres soutenues en France de la fin du XVIIIe siècle à 1940 ».
[6] Voir l’annuaire des membres, [en ligne] https://www.casadevelazquez.org/recherche-scientifique
/annuaire-des-membres-et-des-anciens-membres/
[7] Nadine Ly, Présentation du Bulletin hispanique, document inédit élaboré en 2006 à l’occasion de la numérisation des anciens numéros Bulletin hispanique.
[8] Leur relation inspira en 2019 le drame de Julieta Soria intitulé Amor, amor, catástrofe.
[9] Christine Planté, La petite sœur de Balzac, p. 251.
[10] Pierre Civil, « Réflexions sur l’hispanisme à l’occasion du centenaire de la Casa de Velázquez », paragr. 10.