La littérature marocaine francophone de l’extrême-contemporain 1999-2020 (Interculturel Francophonies n° 41)
Appel à contributions
La revue Interculturel Francophonies n° 41
La littérature marocaine francophone
de l’extrême-contemporain
(1999-2020)
« L’extrême-contemporain ? Ce qui est si contemporain, si avec vous dans le même temps que vous ne pouvez vous en distinguer, l’apercevoir, définir son visage. L’extrême-contemporain, vous sans vous[1]. »
En 1999, un vent nouveau a soufflé sur le Royaume. L’Histoire du pays semble avoir (bien ou mal?) pris un tournant, et des plus accentués. Si les politologues tergiversent tant bien que mal sur le fond et la nature de ce changement (politique, économique, social, etc.), l’observateur le plus mitigé, voire hostile[2] ne peut que formuler le constat suivant : cette année marque la naissance d’«un autre Maroc».
Prise dans le tourbillon d’une telle transformation, la littérature, entre autres arts, paraît avoir été influencée depuis par les nouvelles mesures qui ont touché aussi bien les domaines qui lui sont connexes (l’enseignement, le marché du livre, la liberté (relative) d’expression, le journalisme, etc.) que lointains (la reconfiguration de l’espace public, la consolidation de la société civile, la naissance des mouvements de contestation, l’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux, etc.).
En partant du fait que la littérature n’est pas le pur produit d’une mécanique formelle, mais aussi du contexte qui la crée et la voit naître, posons-nous les questions suivantes : Quelle littérature cette société « en mutation » a-t-elle produite ? Quel rôle la littérature y tient-elle ? Quelles en sont les tendances, les esthétiques, les problématiques ? Y a-t-il continuité ou rupture avec l’héritage des premières générations ? Quels rapports a-t-elle avec les institutions en place ou celles récemment arrivées (principalement les réseaux sociaux) ?
Par ailleurs, comme dit Dominique Viart, « la littérature la plus récente est sans doute la plus malaisée à définir. Le recul manque pour le faire, les « lignes de force » sont encore incertaines, les esthétiques demeurent en débat[3]. » Comment donc l’approcher malgré cette proximité ? Notre immersion dans son actualité (et la sienne dans la nôtre) n’est-elle pas à même de nous en recéler les spécificités et les caractéristiques ? La littérature de l’extrême-contemporain (selon l’appellation de Michel Chaillou[4]) n’est-elle pas à lire avec des méthodes et des approches elles aussi contemporaines (sinon extrême-contemporaines)?
Ce numéro d’Interculturel Francophonies que nous consacrons à la littérature marocaine francophone a donc l’ambition de diagnostiquer les grandes tendances des vingt dernières années de production littéraire au Maroc et de permettre ainsi aux chercheurs de présenter leurs réflexions et intuitions sur l’immédiat littéraire qui se veut le miroir non seulement du flux du présent, mais aussi celui de l’avenir. L’objectif en sera double : d’un côté, dire, dans la réalité des textes, ce que cette littérature est devenue, et de l’autre côté, étudier ses rapports complexes avec le réel dans lequel elle se meut et se développe.
Pour ce, le numéro part de plusieurs constats initiaux :
- L’arrivée dans le champ littéraire marocain de plusieurs nouvelles plumes (romancier(e)s, poètes, dramaturges). Une génération d’auteur(e)s, jeunes et moins jeunes, a commencé à publier depuis l’avènement du nouveau monarque. Les anciens, ceux dont les œuvres sont déjà consacrées, auraient renouvelé leurs styles, thématiques et esthétiques.
- De nouveaux genres sont nés ou ont pris plus d’ampleur : le roman policier ou le polar, la science-fiction, les récits carcéraux, l’autofiction, la littérature gay, etc.
- Le marché du livre s’est beaucoup développé ; les réseaux sociaux ont permis plus de contact entre auteurs et lecteurs.
- La traduction de la littérature marocaine francophone vers d’autres langues (principalement l’arabe, mais aussi l’anglais, l’espagnol, etc.) a connu un essor remarquable.
En vue de vérifier et d’approfondir ces hypothèses et constats, nous invitons les chercheurs à s’intéresser aux axes de recherche suivants :
I. La littérature marocaine francophone : naissance d’une nouvelle esthétique ou d’une sensibilité du début du siècle.
II. Les nouveaux genres littéraires et leurs places dans le paysage littéraire marocain.
III. Les œuvres des nouveaux auteurs (ayant publié après 1999);
IV. Les nouvelles écritures des premiers auteurs (Chraïbi, Laâbi, Benjelloun, Serhane, etc.).
V. L’essor de la traduction de la littérature marocaine francophone (vers l’arabe ou d’autres langues);
VI. Le marché du livre ; la sociologie du livre littéraire au Maroc ; l’édition.
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Calendrier :
Date limite d’envoi des articles : 15 mars 2022.
Adresses de contact :
younes.ezzouaine@usmba.ac.ma
Coordinateur du numéro :
Younès EZ-ZOUAINE
[1] Michel Chaillou, « L’extrême-contemporain : journal d’une idée » in Poésie n° 41, 1987, p. 5.
[2] Dans un article intitulé « Changement et continuité dans le système politique marocain », Abdellah Saaf dit qu’«il est difficile de faire ressortir une tendance unique des écrits sur l’itinéraire politique marocain, des récits et analyses sur son évolution, souvent marqués par des regards de politistes directement ou indirectement influencés par les enjeux qui mobilisent les acteurs sur le terrain. » Voir Le Maroc au présent : d’une époque à l’autre, une société en mutation, sous la dir. de Baudouin Dupret, Zakaria Rahani et Assia Boutaleb, éditions Centre Jacques-Berque, 2015.
[3] Dominique Viart, « Ecrire au présent : l’esthétique contemporaine » in Le Temps des lettres, sous la dire. de Francine Dugast-Portes et Michèle Touret, Presses Universitaires de Rennes, 2001.
[4] Voir Michel Chaillou, « L’extrême-contemporain : journal d’une idée », cité ci-haut.