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Le temps d'une pause (14e colloque annuel de l'ADELFIES, McGill, Montréal)

Le temps d'une pause (14e colloque annuel de l'ADELFIES, McGill, Montréal)

Reprendre son souffle, changer le tempo: les pauses s’immiscent partout, même dans les courants les plus réguliers, structurant phrases, textes et discours. Dans le cadre de son 14e colloque estudiantin, l'Association des étudiant(e)s en langue et littérature françaises inscrit(e)s aux études supérieures de l'Université McGill (ADELFIES) vous invite à réfléchir à la pause qui constitue, marque, délimite, voire rompt les textes littéraires.

L’idée de pause est mêlée à de nombreux phénomènes formels. Du côté de la narratologie, la « pause descriptive » (Genette 1972) fait partie des catégories d’analyse développées pour modéliser les mouvements du temps narratif. La pause est à plus forte raison associée à la ponctuation, comme c’est le cas pour les signes dits pausaux (le point, la virgule et le point-virgule), dont une des fonctions est de faciliter la lecture à voix haute. Mais l’intérêt de la pause pour comprendre les enjeux de la ponctuation ne se limite pas à ce rôle auxiliaire d’aide-lecture, car les arrêts, les interruptions et les silences contribuent à leur manière à la production du sens, si paradoxal que cela puisse paraître. Des études récentes en stylistique sur la ponctuation témoignent de la prégnance expressive de la pause, illustrée, entre autres, par les points de suspension, ce « signe du latent » (Rault 2015). Enfin, il serait fécond de penser les aspects rythmiques de la pause, car « des travaux exhaustifs sur la pause […] restent […] nécessaires pour préciser son statut dans la structuration prosodique, sa portée discursive et son rôle dans les processus énonciatifs du français parlé. » (Lacheret-Dujour et Beaugendre 1999: 56).

Certaines œuvres sont marquées par les conséquences de la pause comme thématique. Le Mur invisible, un Bildgunsroman de Marlen Haushofer, donne à voir une protagoniste isolée dans la forêt autrichienne qui doit s’en remettre à sa force et à sa beauté parfois destructrices. Le mur est une barrière physique qui l’isole de toute une société qui n’existe plus et qui l’oblige à une pause permettant la découverte de soi et l’apprivoisement d’un temps libre de toute obligation : « Ici tout vient en son temps, un temps qui n’est pas harcelé par des milliers de montres. Rien ne pousse ni ne presse. » (Haushofer 1992: 180) La maladie peut aussi imposer une pause ou un rapport au temps qui n’est plus linéaire. Chez Frédéric Dumont (Je suis célèbre dans le noir), le temps fragmenté des troubles de santé mentale est soumis à la rigueur de l’hôpital, comme à la somnolence de la pharmacopée. Dans l’écriture de Nicholas Dawson (Désormais ma demeure), la pause se présente à travers la dépression et le congé de maladie subséquent qui poussent le narrateur à se retirer du monde et à observer de plus près son environnement immédiat. 

Que l'interruption soit volontaire ou due à différents facteurs, plusieurs auteur·e·s connaissent des moments de halte dans l'écriture. On peut penser à Arthur Rimbaud qui, n’ayant publié qu’un ouvrage et quelques poèmes, renonce à la littérature pour adopter un mode de vie d’aventurier. Plusieurs écrivains et écrivaines considèrent qu’un arrêt devrait être encouragé - on peut se demander si la productivité littéraire de qualité en dépend. En outre, une pause dans la pratique d'écriture peut mener à adopter un nouveau style, à explorer un nouveau genre littéraire, ou encore à aborder de nouvelles thématiques. On pourra aussi penser aux créations musicales qui aménagent une place au silence, au blanc dans les arts visuels, aux moments de pause au théâtre ou au cinéma, ou au sein d’autres pratiques artistiques.

Les étudiant·e·s d’études littéraires, de traduction, de création et d’autres disciplines dont les recherches s’inscrivent dans le thème du colloque sont invité·e·s à nous soumettre un descriptif de communication. Sans s’y limiter, les contributions pourront s’inspirer des sujets suivants :
 
Stylistique de la ponctuation :

  • Mise au point sur les diverses valeurs rythmiques et prosodiques de la pause;
  • Étude comparative entre la dimension langagière de la pause et ses valeurs en musicologie;
  • La pause dans son rapport à l’expressivité et à la subjectivation; 
  • Les fragments comme forme littéraire;
  • Les jeux typographiques qui créent une pause visuelle;
  • La maternité ou la parentalité;
  • La maladie, le deuil et la solitude;
  • L’exil comme pause forcée ou volontaire;
  • Le récit de voyage;
  • La pause café ou cigarette;
  • L’épochè: la suspension du jugement.

Faites parvenir votre proposition de communication d’un maximum de 250 mots ainsi qu’une brève notice biographique à l’adresse colloque.adelfies@gmail.com avant le 17 janvier 2022. 

Les communications, d’une durée de 20 minutes, seront suivies d’une période de questions.

Comme l’événement aura lieu sur le campus de l’Université McGill, il se tiendra en conformité aux normes sanitaires en vigueur en date de l’événement, soit le 25 mars 2022. 

Veuillez noter que comme il s’agit d’un colloque étudiant, nous n'avons pas de fonds disponibles pour vous aider à financer vos déplacements ou votre hébergement. Nous vous invitons à vous informer auprès de votre institution concernant les possibilités de financement.

Dans le but de rendre cet événement aussi accessible que possible, nous vous invitons à communiquer avec le comité organisateur si vous avez des questions concernant l’accessibilité au colloque ou si vous avez besoin d’accommodements spécifiques.

Œuvres citées

Dawson, Nicholas, Désormais ma demeure, Montréal, Nota Bene, coll. « Triptyque Queer », 2020. 
Genette, Gérard, Figures III, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1972.
Haushofer, Marlene, Le Mur invisible, Paris, Actes Sud, coll. « Babel », 1992.
Lacheret-Dujour, Anne et Beaugendre, Frédéric, La prosodie du français, Paris, CNRS, 1999.
Rault, Julien, Poétique du point de suspension. Essai sur le signe du latent, Nantes, Cécile Defaut, 2015.