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Rencontre annuelle de l'Association canadienne d'études francophones du XIXe siècle (en ligne)

Rencontre annuelle de l'Association canadienne d'études francophones du XIXe siècle (en ligne)

Publié le par Marc Escola (Source : Elisabeth Gerwin)

La prochaine rencontre annuelle de l’Association canadienne d’études francophones du XIXe siècle (ACÉF-XIX) aura lieu dans le cadre du Congrès des sciences humaines, sur une plateforme entièrement virtuelle, du mardi 17 au jeudi 19 mai 2022.

Nous sollicitons dès à présent des propositions de communication (250 mots, pour une communication préenregistrée de 10–12 minutes environ, sauf pour l’Atelier 1 qui aura lieu en direct) pour l’un ou l’autre des ateliers mentionnés ci-dessous. Notez que la Fédération fournira les outils nécessaires pour guider les conférenciers dans toutes les démarches, mise à part l’enregistrement de leur présentation, qui sera assuré par l’ACÉF-XIX. Les présentations préenregistrées seront disponibles à la demande dès le 10 mai. Les échanges entre les participants auront ensuite lieu dans des sessions en direct selon un programme préétabli entre le 17 et le 19 mai.

Prière d’envoyer votre proposition de communication en indiquant l’atelier concerné et en incluant une brève notice biobibliographique à l’adresse électronique de l’association : acef19e@gmail.com.

Date limite : lundi 24 janvier 2022 (à l’exception de l’Atelier 1, voir plus bas)

Atelier 1. La civilisation ottomane dans les récits des voyageuses occidentales au XIXe siècle. Modernisation, transformation, européanisation, laïcisation ou déclin ?
 
(Atelier conjoint avec l’Association des professeur.e.s de français des universités et collèges canadiens (l’APFUCC))

Þ Date limite de propositions : le 5 janvier 2022

Þ Les propositions pour cet atelier doivent être envoyées directement aux deux responsables:

François-Emmanuël Boucher, Collège militaire royal (Kingston), Francois-Emmanuel.Boucher@rmc.ca

Soundouss El Kettani, Collège militaire royal (Kingston), soundouss.el.kettani@rmc.ca

Jusqu’à quel point un regard extérieur peut-il saisir la nature des multiples dynamiques qui, à un moment historique donné, transforment un empire, modifient un État, bouleversent une civilisation au point d’en refaçonner les mœurs, les habitudes et les idéaux. La présence physique d’un voyageur et, dans les cas qui nous intéressent ici, d’une voyageuse, dans des territoires lointains et souvent étrangers est-elle vraiment le gage d’une connaissance réelle, favorable à saisir les enjeux locaux du fait qu’elle relèverait d’une expérience concrète? Que permet de connaître le voyage? En quoi et pourquoi permet-il de comprendre les autres autrement?  Que nous révèle le récit de voyage à cet égard?

Le but de cet atelier est d’analyser la manière dont les voyageuses occidentales au XIXe siècle rendent compte des multiples mutations qui modifient l’Empire ottoman. Le XIXe siècle ottoman est marqué par les Tanzimat et ne trouvera une véritable clôture que dans la Révolution des Jeunes-Turcs en 1908. L’ère des Tanzimat désigne à la fois un édit impérial (celui du 3 novembre 1839) et une période (1839-1878) qui valorise une modernisation sans précédent de l’État ottoman[1]. En 1847, le marché aux esclaves d’Istanbul est fermé; en 1857 la vente et l’achat d’esclaves, peu importe leur provenance, est interdite. En 1863, le Robert College est fondé à Istanbul ; en septembre 1868, ouvre le lycée Galatasaray[2]. La nouvelle bureaucratie a besoin de fonctionnaires formés à l’européenne, d’une nouvelle élite, de bureaucrates efficaces, de filles et d’épouses scolarisées. Ce qui provient de la dynamique interne de l’histoire ottomane elle-même et ce qui constitue l’apport de l’influence occidentale est évidemment au cœur des débats concernant cette transformation sans précédent dans l’histoire ottomane. 

Les textes des femmes qui voyagent dans l’Empire ottoman à cette époque révèlent que ces dernières ne sont pas à l’abri des quêtes occidentalo-centristes des autres voyageurs. Elles aussi veulent y retrouver les vestiges de la gloire gréco-romaine passée et la comtesse de La Ferté-Meun se désole, par exemple, qu’un « misérable hameau turc occupe la place où fut Troie[3] ». Les femmes sont également, bien sûr, sous l’emprise des clichés orientalistes les plus décriés par Edward Saïd[4]. La Baronne Durand de Fontmagne est heureuse d’avoir vu la Turquie « lorsqu’elle commençait à peine à se ‘désorienter[5]’». Elle est nostalgique d’un pays de contes et voudrait que l’Empire oriental s’immobilise. « Que les femmes turques gardent leurs gais féredgés! », soupire-telle, « ce qu’ils font bien dans le paysage[6]! » L’Empire ottoman est à la fois un spectacle et le lieu d’une altérité essentielle. Il a beau se réformer, on y cherche les traces du passé ou celles de la différence.

L’affranchissement de la femme ottomane et sa nécessaire éducation est par ailleurs l’un des thèmes forts qui sert souvent de baromètre pour juger les mutations en cours à cette période. Les voyageuses ont le privilège, contrairement aux voyageurs, de pouvoir pénétrer au sein du harem, « ce sanctuaire mahométan, hermétiquement fermé à tous les hommes[7] ». Raconter le harem est ainsi un passage obligé de ces récits. Dans ce lieu mystérieux, se cristallise pour plusieurs le fantasme orientaliste par excellence, que l’expérience de terrain détruit souvent. Cristina Belgiojoso est désespérée devant les « murs noircis et crevassés, [les] plafonds en bois fendus par places et recouverts de poussière et de toiles d’araignées[8]. »

Mais au-delà de la désillusion devant un réel prosaïque, le harem est l’occasion d’une affirmation de solidarité féminine et de réflexion sur une modernisation qui laisse de côté les femmes. Les voyageuses les plus enthousiastes pour les projets de la Révolution Jeune-Turque déchantent devant le sort fait à leurs « sœurs[9] ». Michelle Tinayre réalise que « la plupart des Jeunes-Turcs sont Vieux-Turcs en ce qui concerne leur affaire de ménage et tel farouche révolutionnaire, qui se croit très civilisé, s’affole à l’idée qu’un étranger pourrait voir le visage de son épouse[10] ». Elle déplore que les récentes réformes n’ont pas permis aux « prisonnières » de « bris[er] leurs grilles et leurs entraves[11] ». Une forte corrélation se met ainsi en place entre la condition féminine et le jugement que les voyageuses portent sur cette civilisation.

Comment concilier ces écarts entre les idéaux de la voyageuse occidentale et la réalité perçue sur le terrain? Et qu’en est-il de cette perception de l’autre quand semblent seules valables et acceptables les formes les plus pointues d’occidentalisation? Est-il seulement possible de décrire sobrement ce qui se passe alors de l’autre côté de la Méditerranée?
 
Axes possibles (mais non exhaustifs) de recherche :

-       Discours des voyageuses et discours diplomatiques; similarités et différences 

-       Modernité et femmes dans l’Empire ottoman

-       La femme ottomane et l’apprentissage de langues européennes

-       Istanbul et le reste de l’Empire; différence entre l’espace urbain et l’espace rural 

-       Analyse d’une auteure, photographe, peintre, en particulier ;

-       La modernisation de l’Empire ottoman en lien avec le débat sur l’orientalisme.

-       Le genre choisi : le journal, l’article de journal, le récit de voyage, le roman, la nouvelle, l’essai (scientifique, politique, ethnologique, etc.), la poésie, etc.

Les personnes intéressées doivent soumettre une proposition de communication (contenant un titre, un résumé de 250-300 mots) ainsi qu’une notice bio-bibliographique (contenant l’affiliation et son adresse, l’adresse courriel) d’ici le 5 janvier 2022.

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Les colloques annuels 2022 de l’APFUCC et de l’ACEF XIX seront virtuels et se tiendront dans le cadre du Congrès de la Fédération des sciences humaines. Les personnes ayant soumis une proposition de communication recevront un message des personnes responsables de l’atelier avant le 22 janvier 2022 les informant de leur décision. L’adhésion à l’APFUCC ou à l’ACEF XIX est requise pour participer au colloque. Il est également d’usage de régler les frais de participation au Congrès des Sciences humaines ainsi que les frais de conférence de l’APFUCC. À ce sujet, de plus amples informations seront envoyées aux personnes dont les propositions ont été retenues. Veuillez noter que vous ne pouvez soumettre qu’une seule proposition de communication pour le colloque 2022 de l’APFUCC. Toutefois, il est possible de soumettre une communication dans un atelier conjoint et une autre dans un atelier de votre choix.

Toutes les communications doivent être présentées en français (la langue officielle de l’APFUCC). 

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Bibliographie 
 
Basbugu-Yaram, Aysegül, « La femme turque dans son parcours émancipatoire (de l’Empire   ottoman à la république) », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, nº21, 1996. http:// journals.openedition.org/cemoti/556.
Berty, Valérie, Littérature et voyage : un essai de typologie narrative des récits de voyage français au XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2001.
Bhabha, Homi K., Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot, 2007.
Bouquet, Olivier, « Du déclin à la transformation Réflexions sur un nouveau paradigme en histoire ottomane », Revue d'histoire du XIXe siècle, 53, 2016, p. 117-136.
Bouvet, Rachel, Pages de sable. Essai sur l’imaginaire du désert, Montréal, XYZ Éditeur, 2006.
Champion, Renée, « Aperçu sur les voyageuses d’expression française en Orient au XIXe siècle », Agora, Revue d’études littéraires, nº5, (n° spécial Les Voyageuses, dir. Vassiliki Lalagianni), 2003.
Dell’Abate Çelebi, Barbara, « Orientalisme et discours de genre dans les écrits d evoyage de Cristina di Belgiojoso », Synergies. Turquie, Janvier 2012, p. 41-53.
Cohen, Getzel M. et Joukowsky, Martha Sharp (ed.), Breaking Ground: Pioneering Women Archaeologists, Ann Harbor, University of Michigan Press, 2004. 
Ernot, Isabelle, « Voyageuses occidentales et impérialisme : l’Orient à la croisée des représentations (XIXe siècle) », Genre & Histoire, nº8, Printemps 2011, http://journals.openedition.org/genrehistoire/1272
Georgeon, François, « La formation des élites à la fin de l'Empire ottoman : le cas de Galatasaray. » Revue du monde musulman et de la Méditerranée, Modernités arabes et turque: maîtres et ingénieurs, n°72, 1994, p. 15-25.
Goršenina, Svetlana, « Les voyageurs francophones en Asie Centrale de 1860 à 1932 », Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants, vol. 39, n°3, juillet-septembre 1998. pp. 361-373.
Gran-Aymeric, Ève et Jean, Jane Dieulafoy. Une vie d'homme, Paris, Perrin 1991.
Hauville, Frédérique, Jaslier, Emmanuel et Simon, Claire, Le voyage de Constantinople, d’après le fonds ancien de la Bibliothèque municipale de Lyon, mémoire de recherche pour l’Obtention du Diplôme de conservateur de bibliothèque, juin 2003.
Irvine, Margot, Pour suivre un époux. Le récit de voyage au XIXe siècle en France, Montréal, Nota Bene, 2008.
Lalagianni, Vassiliki, « L’orientalisme sans voile », Viatica, nºHS2. https://revues-msh.uca.fr:443/viatica/index.php?id=1039
Rajotte, Pierre, Le Récit de voyage au XIXe siècle, aux frontières du littéraire, Montréal, Tryptique, 1997.
Lapeyre, Françoise, Le Roman des voyageuses françaises (1800-1900), Paris, Payot, 2016.
Larochelle, Catherine, « L’Orient comme miroir : les altérités orientale et autochtone dans les récits de voyage des Canadiens français au XIXe siècle », Histoire sociale / Social History, vol. L, no101, Mai 2017, p.69-87.
Laruelle, Marlène, Mythe aryen et rêve impérial dans la Russie du XIXe siècle, Paris, CNRS, 2005.
Mantran, Robert, Histoire de l’Empire ottoman, Paris, Fayard, 1989.
Monicat, Benedicte, « Pour une bibliographie des récits de voyages au féminin », Romantisme 77.3, 1992, p. 95-100.
------ Itinéraire de l’écriture au féminin. Voyageuses du XIXe siècle, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1996.
Moussa, Sarga, La Relation orientale : enquête sur la communication dans les récits de voyages en Orient (1811-1861), Paris, Klincksieck, 1995.
Pouillon, François (dir.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, IISMM/Karthala, 2008.
Reynaert, François, L’Orient mystérieux et autres fadaises, Paris, Fayard, 2013.
Said, Edward W., L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005.
Said, Edward W., « Orientalism Reconsidered », Cultural Critique, No. 1, Autumn, 1985, p.89-107.
Moussa, Sarga, La Relation orientale : enquête sur la communication dans les récits de voyages en Orient (1811-1861), Paris, Klincksieck, 1995.
------ Le voyage en Égypte. Anthologie de voyageurs européens. De Bonaparte à L’occupation anglaise, Paris, Laffont, Coll. « Bouquins », 2004.
Servantie, Alain, Le voyage à Istanbul. Bysance, Constantinople, Istanbul, Paris, Complexe, 2003.
Sebbar, Leila. Isabelle l’Algérien, Paris, Al Manar, 2005.
Spivak Chakravorty, Gayatri, Les Subalternes peuvent-elles parler, Paris, Éditions Amsterdam, 2009.
Stoll-Simon, Catherine, Si Mahmoud ou la renaissance d’Isabelle Eberhardt, Casablanca, Tarik Éditions, 2006.
Weber, Anne-Gaëlle, À beau mentir qui vient de loin: savants, voyageurs et romanciers au XIXe siècle, Paris, Honoré Champion, 2004.
Yerasimos, Stéphane, Les voyageurs dans l’Empire ottoman (XIVe-XVIe siècle). Bibliographie, itinéraires et inventaire des lieux habités, Ankara, Türk Tarih Kurumu, 1990.
Zinguer , Ilana (dir.), Miroirs de l’altérité et voyages au Proche-Orient, Genève, Slatkine, 1991.

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Atelier 2. Quelques réflexions sur la chronique au Canada-français  

Avec l’apparition des grands quotidiens à la fin du XIXe siècle au Canada-français, le métier de journaliste se développe. Jean-Paul de Lagrave parle de l’âge d’or de l’histoire de l’information pour la période qui court de 1840 à 1867 et cite, parmi les journalistes réunis autour de l’Institut canadien, notamment Arthur Buies, Napoléon Aubin et Etienne Parent, trois des auteurs que nous analyserons ici. Le changement de siècle marque l’essor de la grande presse commerciale, le développement des recherches d’archives systématiques recensant le patrimoine bibliographique canadien, l’essor de l’érudition, etc. Les chroniqueurs font tous la relation de leurs visites du jour de l’an, de leurs excursions à la campagne, des tournées électorales, etc. Beaucoup d’écrivains exercent une activité de chroniqueur et le journal leur offre la tribune valable, faute d’une activité livresque autochtone abondante. Ainsi l’un des attraits des journaux fut incontestablement la chronique, qu’elle soit littéraire, théâtrale, linguistique, etc.

À l’occasion de cet atelier, nous tenterons entre autres de cerner le contexte historique qui favorise l’essor de la chronique, de la définir sur le plan métalinguistique mais aussi en s’inspirant des commentaires des chroniqueurs eux-mêmes. Nous apporterons un éclairage sur le rôle du chroniqueur, la façon dont il percevait lui-même le genre, ce qui revient à relever les éléments dans lesquels il théorise sa pratique d’une façon souvent plus lyrique qu’abstraite.  Enfin, nous procéderons à l’analyse des écrits du corpus de chroniqueurs que nous avons retenus : Arthur Buies, Etienne Parent, Napoléon Aubin et Hector Fabre.

Responsable de l’atelier : Jean Nicolas De Surmont (ASBL La Porte dorée)

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Atelier 3. Tératologie et littérature au XIXème siècle, entre fantasme et science

Les théories tératologiques des Saint-Hilaire affirment la régularité et l’uniformité de la nature par le biais de ce qui la contredit le plus, faisant du monstre la « règle et transgression autorisée par la règle elle-même » (Mazzocut-Mis, 2018). Le rattachement de la monstruosité physique à l’espèce humaine permet au monstre d’acquérir une valeur heuristique, qui en fait l’instrument de mesure qui permet de corroborer des lois générales universellement valides.

Ainsi, les avancées scientifiques loin de tarir les fantasmes autour de la figure du monstre, peuplent la littérature de personnages anormaux, ou la dotent d’une méthodologie proprement tératologique.

À l’instar des lois anatomiques, la « sociologie » balzacienne considère la nature comme renvoyant à un plan unique de formation, perceptible au niveau organique et moral, faisant du monstre le garant de l’ordre et de l’unité sociale.

D’un autre côté, l’imagination littéraire va à rebours des thèses scientifiques, amenant une « résurgence des monstres » (Wanlin, 2019), et remettant au goût du jour un imaginaire culturel ancien autour de la transformation du vivant à travers la tératogénie - fantasme qui n’est pas sans faire penser aux expérimentations des Geoffroy Saint-Hilaire.

Cet atelier propose donc d’examiner des textes français du dix-neuvième siècle qui donnent à voir  les différentes articulations entre tératologie et littérature, afin d’éclairer les différentes perceptions de la monstruosité et sur des fondements qui dépassent l’analyse du contexte historico-culturel commun, en alliant fructueusement ces deux disciplines. 

Bibliographie indicative :

ANCET, Pierre, Phénoménologie des corps monstrueux, Paris, PUF, 2006.
BEAUNE, Jean-Claude (dir.), La vie et la mort des monstres. Paris, Champs Vallon « Millieux », 2004.
CANGUILHEM, Georges, La connaissance de la vie. Paris, Vrin, 1992.
CAROL, Anne et BERTRAND, Régis (dir.), Monstre et imaginaire social. Aix, Univ. de Provence. 2005.
DAGOGNET, François, Le catalogue de la vie. Paris, PUF, 1970.
FISCHER, Jean-Louis, Monstres. Histoires du corps et de ses défauts. Paris, Syros-Alternatives. 1991.
GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Etienne, Philosophie anatomique des monstruosités humaines, vol II. Paris, De Rignoux, 1822.
MAZZOCUT-MIS, Maddalena, Le monstre. L'anomalie etle difforme dans la nature et l'art. Paris, Mimesis, 2018.
WANLIN, Nicolas. « Résurgence des monstres » in KLINKERT, Thomas et SEGINGER, Gisèle (dir.) Littérature française et savoirs biologiques au XIXe siècle. Traduction, transmission, transposition. Berlin. De Gruyter. 2019.

Responsable de l’atelier : Anna Maria Sienicka (Université de Bourgogne)

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Atelier 4. Les Lieux claustrophobes du XIXème siècle

La littérature francophone du XIXème siècle abonde de lieux claustrophobes, plaçant leurs personnages dans des huit-clos dont ils ne peuvent s’échapper. Prisons, asiles, îles, phares,…, l’espace littéraire se fait geôle, plongeant les personnages (et le lecteur) dans une angoisse existentielle qu’ils ne peuvent partager avec personne puisqu’ils sont tout à fait seuls. Dans cet univers stérile, l’intégrité et l’humanité des personnages se trouvent menacées. La folie guette. Nous nous intéresserons aux textes mettant en scène des protagonistes menant une existence confinée et solitaire, en dehors de la société, dans une thébaïde où la solitude ne mène pas à une harmonie avec la nature et un retour vers soi positif, mais bel et bien vers une détérioration, un abrutissement, une déshumanisation, une annihilation. Nous parlerons d’ermites, de gardiens de phares, de prisonniers, de malades mentaux, séquestrés dans un univers qui ne fait qu’accélérer leur dégénérescence. Que cette solitude soit choisie ou imposée, nous nous attacherons à observer les conséquences négatives d’un isolement prolongé sur un sujet, l’être humain – animal social par excellence – étant incapable de vivre seul, mais ayant également des difficultés à être-ensemble, à l’image des hérissons de Schopenhauer.

Responsables de l’atelier : Céline Brossillon (Ursinus College)

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Atelier 5. Table Ronde: 

« On croît [expliquer] le monde avec ça ! » : 

Enseigner en 2022 la littérature française du 19e siècle : enjeux, pertinence, défis

Le 8 octobre dernier (trois semaines avant l’écriture de ces lignes), nous a quittés, à Paris, à l’âge de 93 ans, l’éminent spécialiste du 19e siècle, Henri Mitterand. Vu l’importance de son œuvre critique et plus particulièrement celle de ses contributions aux études zoliennes, dont il est le plus grand, des hommages nombreux viendront qui, faits par des spécialistes, donneront la pleine mesure d’une carrière vouée au maître de Médan. Beaucoup plus modestement, l’impulsion première de cette table ronde, et son titre, voudraient prendre leur source dans une phrase tirée des très beaux Entretiens mémoriels que Clive Thomson a réalisés récemment avec Henri Mitterand et qui furent publiés en 2021 sous l’intitulé exclamatif : On croit comprendre le monde avec ça ! (Éditions Atlande, 2021).

Dans le premier des quatre « entretiens » qui composent ce livre, Henri Mitterand, alors qu’il relate ses années de collège, explique qu’en troisième un professeur lui a fait « lire Rimbaud […], Balzac aussi », et puis, ajoute Henri Mitterand, il a « lu Zola : Germinal, L’Assommoir, La Curée, etc., — et on croit qu’on va comprendre le monde avec ça ! Donc ça m’a beaucoup intéressé, j’ai aimé ça » (p. 22). Cette phrase a trouvé son chemin jusque sur la couverture du livre de Clive Thomson parce qu’elle, sans doute, contient le moment fondateur, le point de bascule, la transition initiatique qui, dans le parcours d’Henri Mitterand, décida de la suite d’une vie entière. La toute première lecture de Zola ! 

Mais il y a autre chose, selon nous, d’enfoui dans les profondeurs de cette phrase, oui, sans doute un brin ironique : l’évocation des propriétés proprement pédagogiques de la littérature du 19e siècle, ce corpus qui ouvre à celles et à ceux qui le reçoivent une possible « compréhension du monde ». Voilà donc la piste de réflexion dans laquelle cette table ronde voudrait s’engager : que transmet-on, au juste, quand on enseigne, en 2022, la littérature française du 19e siècle ? Passeurs, pensons-nous donner à l’autre les clés du monde contemporain ? Passés, pensons-nous recevoir de ce siècle qui « ne relève que de lui-même et [qui] ne reç[u] l’impulsion d’aucun aïeul [et qui] est le fils d’une idée », comme l’écrit Victor Hugo à la fin de William Shakespeare, un savoir, un éthos, une problématique qui lui soit unique? Le corpus littéraire du 19e siècle prend-il sa pertinence pédagogique dans ce permanent « désir de réalisme » qui le caractérise — pour emprunter sa formule à Philippe Hamon (Puisque réalisme il y a, 2015) —, et qui entraîna, dans le roman d’abord, mais aussi dans le théâtre, l’essai, voire la poésie, une mise à plat des mécanismes politiques, sociaux et économiques qui informèrent progressivement après 89 un état social fondé sur l’individu, être pétri de lois et voué au sort de son capital ?

S’engageant dans la voie ouverte par ces questions, cette table ronde voudrait proposer, notamment, deux champs de discussion :

·      Un premier champ, plus théorique, plus synthétique, où l’on se demandera, par exemple, si la littérature française du 19e siècle a une valeur pédagogique qui lui est propre ? On cherchera ce que nous enseigne le corpus du siècle numéro 19 que les siècles précédents et suivants ne nous apprennent pas, ou moins bien. On pourrait y questionner la pérennité, ou, au contraire, les limites de certains textes ou de certains thèmes, voire de certains mots : y a-t-il un 19e siècle périmé, intransmissible désormais ? 

·      Un second champ, qui n’exclut pas le premier, sera nourri par vos témoignages : on y cherchera, par exemple, dans votre pratique pédagogique, l’œuvre du 19e siècle (ou les œuvres) dont le succès auprès de vos étudiants.es vous a le plus étonné.e et continue peut-être encore de vous étonner ? Selon vous : que trouvent vos étudiants.tes dans ces textes ? Le cas inverse pourrait aussi faire l’objet d’une présentation : vous avez mis au programme d’un cours, plein d’espoir, une œuvre qui devait bien marcher ; mais non, ô déception, ce fut un four. Pourquoi ? On pourrait aussi y entendre, dans ce second champ de discussion, si vous vouliez les partager (!), quelques-uns de vos secrets professionnels : quelles sont vos stratégies pédagogiques pour enseigner le 19e siècle français en 2022 : comment « vendez-vous » ces textes ? Quelles sont vos astuces d’enseignement (clarification : le contexte pédagogique qui est envisagé ici est celui, en gros, de l’université canadienne, terrain premier de l’ACEF-19, sans toutefois, évidemment, que cela n’exclue nos collègues internationaux dont les pratiques, contextes, défis, circonstances et sujets d’enseignement nous intéresseront aussi au plus haut point). Professeures, professeurs, étudiantes, étudiants : avez-vous eu un « moment Mitterand », une lecture clé, décisive, qui décida de la suite de votre parcours ? Avec le recul, à quoi attribuez-vous l’effet que cette lecture a eu sur vous ? Au texte lui-même, à son contexte, au / à la prof ? 

Responsable de l’atelier : Jean-François Richer (Université de Calgary)

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Atelier 6. « Faire de son âme un miroir » : Artiste égoïste, artiste visionnaire

Quel est le rôle de l’artiste, dans la société et dans l’imaginaire du XIXe siècle? La question a beaucoup intéressé aux écrivains de l’époque – on penserait en particulier aux poètes-critiques tels Baudelaire, et aux « romans d’artiste » célèbres comme Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac (1831), Manette Salomon des Goncourts (1867) et L’Œuvre de Zola (1886) – et elle ne cesse de nous faire réfléchir à l’importance de la créativité dans une modernité connue pour son matérialisme et son individualisme. Du dandy à l’enfant terrible, de la femme fatale au génie fou, l’artiste au XIXe siècle est à la fois le visionnaire et le proscrit, figure marginale et subversive d’une société dont elle reste néanmoins une clé incontournable.  

Sur le plan pratique, le rôle social de l’artiste postrévolutionnaire est lui-même révolutionné. Libéré de son engagement envers l’aristocratie, l’artiste arriviste risque de perdre aussitôt cette liberté euphorique en devenant le servant du marché capitaliste. Balzac, dans son essai « Des Artistes » (1830), voyait l’artiste dans une relation conflictuelle avec, d’un côté, la classe dirigeante qui le méprise, et de l’autre, la bourgeoisie qui s’en méfie. Sans privilège sociale, ce « moi » artiste mis en scène par Rousseau insiste pourtant sur son identité individuelle, nouvellement distinguée de la société conformiste des « honnêtes hommes » de l’Ancien régime (Shroder, 26). L’artiste génie du Romantisme, inspiré par une puissance quasi-divine, est poussé par cette force créatrice à se tenir à l’écart d’une société civilisée, superficielle et corrompue. En même temps, la définition de l’artiste s’élargit à cette époque pour inclure toute une communauté d’artisans et de penseurs en quête d’un idéal : peintres, sculpteurs, musiciens et poètes.[12] Ainsi, la mission artistique s’élargit, et loin de s’isoler ou de créer dans le vide, l’artiste doit « faire de son âme un miroir où l’univers tout entier vient se réfléchir » (Balzac, « Des Artistes »).

L’image du miroir atteste que l’artiste au XIXe siècle s’engage dans un geste réflexif et même autoréflexif, un processus à la fois intime et ouvert aux autres. Bien que ce geste ne soit pas nouveau, il est nouvellement conscient de soi, faisant partie d’une conception intérieure et intime de l’individu, et de l’artiste qui est d’une sensibilité exceptionnelle (comme la surface d’un miroir), mais qui est aussi le mieux apte à renvoyer une image, en partageant ses pensées intimes. Et si, comme suggère Enzo Caramaschi, la littérature et les arts visuels forment au XIXe siècle un “domaine glissant”,[13] le portrait littéraire de l’artiste visuel peut à tout moment se lire comme l’autoportrait de son écrivain : méditant son rôle et sa mission artistiques, touchant au sens caché du monde, cherchant l’Idéal et risquant l’échec, l’incompréhension, et la perte de contact avec le monde de ses contemporains. L’artiste-miroir serait égoïste, certes, mais toujours en quête de correspondre avec son « hypocrite lecteur », selon le mot célèbre de Baudelaire.

Voici donc quelques axes de réflexion : L’artiste se réserve-t-il le droit de rester aux marges de la société? Y est-il même condamné, comme Frenhofer de Balzac, en poussant les limites de ce qui est acceptable ou même intelligible? Ou comme le poète à l’instar de Hugo, l’artiste se met-il en tête des mouvements sociaux, un Orphée inspirant les masses? À quel point l’artiste cherche-t-il l’approbation de la société – celle des artistes ou celle du pouvoir politique et monétaire – et à quel point se fait-il le but de n’écouter que sa Muse personnelle? Et si cet artiste est femme, travaillant son œuvre et son identité d’artiste toujours à rebours de la société dominante? Car la femme, trop souvent représentée comme modèle ou rivale de l’art, reste la source d’une créativité puissante et iconoclaste.  

L’interrogation de cet atelier part de la perspective de la représentation littéraire de l’artiste, mais ne s’y limite pas, et invite activement la considération d’autres genres (ex. les journaux intimes d’artistes tel Delacroix, des textes par ou sur des artistes voyageur.se.s, des essais critiques sur les beaux arts, etc.).

Bibliographie

Balzac, Honoré de. « Des Artistes ». In Œuvres diverses t. II, Pierre-Georges Castex (dir.), Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1996.
Caramaschi, Enzo. Arts Visuels et Littérature. De Stendhal à l’impressionnisme. Fasano, Italy & Paris: Schena-Nizet, 1985.
Shroder, Maurice Z. Icarus. The Image of the Artist in French Romanticism. Cambridge MA, Harvard UP, 1961.
Smith, Paul. « Literature and Art », French Studies, Vol. LXI, no. 1 (January 2007), 1–13.
Sturgis, Alexander, Rupert Christiansen, Lois Oliver and Michael Wilson. Rebels and Martyrs : the Image of the Artist in the Nineteenth Century. National Gallery Company, London and Yale UP : 2006.
Wright, Barbara. « Changing perceptions of life in Algeria, as seen in the work of two nineteenth-century writers-painters : Eugène Fromentin and Gustave Guillaumet ». Studies in Travel Writing (2017) 21: 3, 243–261.
 
Responsable de l’atelier : Elisabeth Gerwin (Université de Lethbridge)

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Atelier 7. Varia

Cet atelier sera consacré aux communications libres et sera ouvert à tous les types de chercheurs (professeur.es, postdoctorant.es, étudiant.es de 2e et 3e cycle).

 


 
[1] Olivier Bouquet, « Du déclin à la transformation. Réflexions sur un nouveau paradigme en histoire ottomane », Revue d'histoire du XIXe siècle, 53, 2016, p. 125.
[2] François Georgeon, « La formation des élites à la fin de l'Empire ottoman : le cas de Galatasaray », Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n°72, Modernités arabes et turques: maîtres et ingénieurs, 1994, p. 18.
[3] Comtesse de La Ferté-Meun, Lettres sur le Bosphore ou Relation d’un voyage en différentes parties de l’Orient pendant les années 1816 à 1819, Paris, Domère, 1821, p. 29.
[4] Edward W Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 2005.
[5] La Baronne Durand de Fontmagne, Un séjour à l’ambassade de France à Constantinople sous le second Empire, Paris, Plon, 1902, p. I.
[6] Ibid., p. 150
[7] Cristina Trivulzio Belgiojoso, Asie Mineure et Syrie : souvenirs de voyage, Paris, Michel Lévy Frères, 1858, p. 2.
[8] Cristina Trivulzion Belgiojoso, op. cit., p. 49.
[9] Adèle Hommaire de Hell, À travers le monde. La vie orientale – La vie créole, Paris, Didier et Cie, 1870, p. 63.
[10] Michelle Tinayre, Notes d’une voyageuse en Turquie, Paris Calman-Lévy, 1909, p.15.
[11] Ibid., p. 13.
[12] Maurice Shroder donne plusieurs exemples de cet élargissement de la définition de l’artiste chez des écrivains de la période romantique, y compris Collin d’Harleville (Les Artistes, 1796), Eugène Scribe (L’Artiste, 1821) et Émile Barrault (Aux Artistes, 1830); voir Shroder, 6–7.
[13] Caramaschi, Arts Visuels et Littérature. De Stendhal à l’impressionnisme, p. 13.