Déclinaisons du risque. Une archéologie des imaginaires esthético-littéraires du XX e s. à nos jours (Turin)
[English below]
28-30 mars 2022, Université de Turin
Organisé par le Dipartimento di Studi Umanistici de l'Université de Turin en collaboration avec le projet ANR “ALEA”
En dépit de son importance cruciale dans un large éventail de disciplines ⎯ des mathématiques à la physique en passant par l'économie et les sciences sociales ⎯ le concept de risque, élément fondamental des sociétés post-industrielles issues du processus de modernisation (Beck, 1986), a reçu peu d'attention dans le champ des humanités. On parle généralement de risque dans les cas où l’établissement d’un projet se mesure à l’hypothèse d’événements indésirables mais possibles qui peuvent menacer l'intégrité ou la sécurité d’individus, de sociétés ou plus généralement de systèmes ou d’organisations. En ce sens, le risque implique la possibilité de l'inattendu, l'existence d'une marge d'incertitude quant à l'avenir ainsi que la question de savoir comment gérer cette incertitude (par le calcul de probabilités, l'invention de récits d'anticipation, etc.)
Le colloque “Déclinaisons du risque”, qui se tiendra du 28 au 30 mars 2022 à Turin, vise à montrer la présence et la pertinence de ce concept dans la littérature et l'art tout au long du vingtième siècle européen jusqu'à aujourd’hui. Nous tâcherons de comprendre comment le risque intervient dans les pratiques artistiques et littéraires, comment il permet de façonner non seulement de nouvelles pratiques sociales et de nouveaux modes de vie, mais aussi de nouvelles formes de rationalité et de soin du monde, de nouvelles manières de penser la formation d’objets et de projets ⎯ en effet, il y a risque dès lors qu’un projet (rationnel ou, plus généralement, de mise en forme du monde) se trouve mis en question par l'hypothèse d’un échec possible. Nous nous demanderons donc ce qui demeure, dans les valorisations et les dévalorisations du risque dans l'art et la littérature du vingtième siècle, d'une définition humaniste des arts encore cohérente avec un projet rationnel.
Dans le cadre de cette interrogation générale, le colloque s’attachera à l’étude des objets suivants :
- les œuvres artistiques, littéraires, musicales, etc., qui mettent en jeu des représentations ou des actualisations du risque, depuis les avant-gardes européennes du début du XXe siècle jusqu'au contemporain et aux questionnements esthétiques sur l'anthropocène (Logé, 2019), le " capitalocène " (Bourriaud, 2017) ou le post-futurisme (Berardi, 2013) ;
- les discours sur les œuvres littéraires, musicales, artistiques, etc., qui thématisent directement ou indirectement des représentations ou effectuations du risque ;
- les discours théoriques d'autres domaines (philosophie, sciences, sociologie, anthropologie, linguistique) qui servent explicitement de référence à des discours sur les œuvres ou qui constituent leur contexte implicite.
Le but du colloque est de jeter les bases d’une histoire des idées et des thématisations du risque du 20ème siècle à nos jours, en mettant en évidence les mécanismes de constitution des imaginaires et des complexes théoriques liés à cette notion.
Le comité scientifique de la conférence examinera les propositions de communication qui s'inscriront dans les axes suivants:
a. Comment l'idée commune, née au XIXe siècle, selon laquelle il existe un isomorphisme entre art et prise de risque a-t-elle évolué au cours du XXe siècle? Au cours de cette période, en effet, l'idée qu'une œuvre d'art peut ou doit être définie par des notions telles que la rupture, l'innovation et la surprise (Benjamin, 2012) s’est affirmée avec la force et la constance que l’on sait, comme s'il était devenu impensable qu’une expérience artistique ou littéraire s’effectue sans prise de risque. Est-il possible d'historiciser une telle conception en la situant dans les possibles esthétiques avec et contre lesquels elle a pris forme? Quelles sont les rhétoriques narratives qui reflètent une telle isomorphie?
b. Comment définir la situation contextuelle des discours de valorisation du risque? Comment les évaluations du risque dans la sphère artistique reflètent-elles les discours traitant du risque en dehors de la sphère esthétique? Comment ces évaluations résonnent-elles avec les événements historiques et les discours sur l'histoire qui soulignent (ou non) la possibilité d'une fin inévitable? Quelles sont les postures éthiques et politiques de créateurs, de critiques ou de théoriciens qui émergent selon qu’on adhère ou non à telle ou telle valorisation ou à telle ou telle dévalorisation du risque dans le champ artistique (Jullien, 2018)? Y a-t-il un lien entre les pratiques esthétiques du risque et les théories révolutionnaires ou bien, au contraire, ces pratiques peuvent-elles s’articuler à certaines positions nettement conservatrices?
c. Comment l'hypothèse de l'échec (définitoire du risque) s’articule-t-elle dans le discours critique? Quelle est la fonction de cette hypothèse (Le Breton propose de considérer le risque comme un moyen de "pallier un sentiment de perte de sens et d'identité")? La reconnaissance de la possibilité de l'échec permet-elle de faire émerger, par contraste, de nouvelles définitions de l'art à un moment où ses définitions traditionnelles sont en crise (T. Macrì, 2017)? Quels sont les critères d'un éventuel échec? Qu'impliquent-ils quant à une éventuelle réussite de l'œuvre?
Les propositions, d'environ 250 mots, doivent être adressées au comité d'organisation à l’adresse convegnorischio2022@gmail.com, avant le 20/12/2021. Elles seront accompagnées d'un bref profil bio-bibliographique et seront évaluées avant le 10/01/2022. Les interventions retenues seront de 20 minutes chacune. Les langues du colloque sont l'italien, l'anglais et le français.
COMITÉ D'ORGANISATION
Emanuele Arielli, Alessandro Bertinetto, Franca Bruera, Pietro Cavallotti, Franca Franchi, Andrea Malvano, Valeria Marino, Benoît Monginot, Nicola Perullo, Armando Petrini, Valeria Sperti
COMITÉ SCIENTIFIQUE
Olivier Caïra, Paola Cattani, Gaetano Chiurazzi, Laurent Demanze, Anne Duprat, Roberto Gilodi, Alison James, Valerio Magrelli, Alessandro Pontremoli
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Declinations of risk -
An archeology of aesthetic-literary imaginaries from the 20th century to the present.
28-30 March 2022, University of Turin
Organised by: Department of Humanities, University of Turin in collaboration with the ANR Project ALEA
Despite its centrality in a wide range of disciplines - from mathematics to physics through economics and social sciences - the concept of risk, a crucial element in post-industrial societies that have emerged from the modernisation process (Beck, 1986), has so far received little attention in the humanities. One speaks about risk when a project is commensurate with possible adverse events that could threaten the integrity or safety of individuals, companies, systems or organisations. Thus risk implies the possibility of the unexpected, the existence of some uncertainty about the future and the question of how to manage it (by calculating probabilities, inventing anticipatory narratives, etc.).
The conference, to be held from 28 to 30 March 2022 in Turin, aims to show the presence and relevance of the concept of risk in literature and art throughout the European 20th century up to contemporary times. We would like to understand how risk is involved in artistic and literary practices, allowing us to shape not only new social practices and lifestyles, but also new forms of planning, rationality, and care for the world. Indeed, risk may appear as the way a project (rational or, more generally, of configuring the world) is challenged by the hypothesis of its possible failure. We will thus ask ourselves what remains, in the valuations and devaluations of the risk in the art and the literature of the twentieth century, of a humanist definition of arts still coherent with a rational project.
Based on these premises, the conference will investigate the following objects:
- the artistic, literary, musical works, etc., that bring into play representations or realisations of risk from the avant-garde of the early 20th century in Europe up to contemporary times and the aesthetic questions about the Anthropocene (Logé, 2019), the "Capitalocene" (Bourriaud, 2017) or the Post-Futurism (Berardi, 2013);
- discourses on literary, musical, artistic works, etc., which directly or indirectly focus on representations or implementations of risk;
- theoretical discourses from other fields (philosophy, science, sociology, anthropology, linguistics) that explicitly serve as a reference for the above-mentioned discourses on the artwork or constitute their implicit context.
The aim of the conference is to sketch a History of the ideas and themes of risk from the 20th century to the present day by bringing out the mechanisms of constitution of imaginaries and theoretical complexes related to risk.
The scientific committee of the conference will consider communication proposals that fit into the following axes.
a. How has the common idea, born in the 19th century, according to which there is an isomorphism between art and risk, evolved over the 20th century? It seems that in the 20th century the idea that a work of art can or should be defined through notions such as rupture, innovation and surprise (Benjamin, 2012) took shape and consistency, as if an artistic or literary experience were unthinkable without an openness to risk. Is it possible to historicize this notion by placing it within the aesthetic possibilities with and against which it developed? Which rhetorical narratives reflect the isomorphy in question (think of mythobiographies or biopics)?
b. How to define the contextual situation of risk valorization discourses? How do valuations of risk in the artistic sphere reflect discourses dealing with risk outside the aesthetic sphere? How do these valuations echo historical events and discourses on history that do or do not underline the possibility of an inevitable end? What ethical and political posture of creator, critic and theorist emerges depending on whether or not one adheres to this or that valorization or devaluation of risk in the artistic field (Jullien, 2018)? Is there a link between aesthetic practices of risk and revolutionary theories or, on the contrary, can these practices be articulated with certain fiercely conservative positions?
c.How is the hypothesis of failure ( which defines risk) articulated in the critical discourse? What is the function of this hypothesis (Le Breton proposes to consider risk as a way of "pallier un sentiment de perte de sens et d'identité")? Does the recognition of the possibility of failure allow for the emergence, by contrast, of new definitions of art at a time when its traditional definitions are in crisis (T. Macrì, 2017)? What are the criteria for a possible failure? What do they imply about the eventual success of the work?
Proposals of about 250 words may be submitted to convenors through convegnorischio2022@gmail.com by 20 December 2021, together with a bio-bibliographical profile. Proposals in italian, french or english will be read and evaluated by 10 January 2022. The time of delivery for each paper should be no more than 20 minutes.
ORGANIZING COMMITTEE: Emanuele Arielli, Alessandro Bertinetto, Franca Bruera, Pietro Cavallotti, Franca Franchi, Andrea Malvano, Valeria Marino, Benoît Monginot, Nicola Perullo, Armando Petrini, Valeria Sperti
SCIENTIFIC COMMITTEE: Olivier Caïra, Paola Cattani, Gaetano Chiurazzi, Laurent Demanze, Anne Duprat, Roberto Gilodi, Alison James, Valerio Magrelli, Alessandro Pontremoli