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Ésotérisme, magie et sorcellerie (séminaire Questes)

Ésotérisme, magie et sorcellerie (séminaire Questes)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Laura Baldacchino)

L’étude de l’ésotérisme au Moyen Âge demeure un chantier ouvert pour les chercheuses et chercheurs en études médiévales. En 2009, se tenait à l’ENS d’ULM, un séminaire international intitulé « Science et magie du Moyen Âge au XVIIe siècle », organisé sous l’égide de Jean-Patrice Boudet et Nicolas Weill-Parrot. Le programme varié proposait de s’intéresser aussi bien à la sorcellerie qu’à la médecine par les plantes et les pratiques magico-religieuses de la Chrétienté, soulignant la richesse et l’ouverture d’un tel champ d’investigation. Un tel chantier entre en résonance avec la société contemporaine où se multiplient les travaux scientifiques, mais aussi les ouvrages grand public sur un ésotérisme moderne, souvent inspiré des représentations et mythes médiévaux. Nous pouvons en effet penser au livre de Mona Chollet paru en 2018, Sorcières, la puissance invaincue des femmes, qui véhicule un ensemble d’idées reçues sur les sorcières pour bâtir une image mystique de la femme, compatible avec une sphère ésotérique new age qui convoque, entre autres courants, le féminin sacré et l’éco-féminisme. Nous pouvons aussi penser aux récupérations, dans les sphères ésotériques,

des ouvrages de Chrétien de Troyes et de ses continuateurs ou des écrits d’Hildegarde von Bingen à des fins symboliques et religieuses. Il convient, enfin, d’évoquer l’astrologie et l’alchimie, pratiques médiévales qui visent traditionnellement à connaître le monde et qui deviennent, dans la modernité, l’instrument d’un nouvel ésotérisme.

Dès lors, il nous semble urgent d’apporter notre pierre à l’édifice en proposant, à l’occasion de trois séances de séminaire, de s’intéresser à la fois aux ésotérismes médiévaux et à leurs récupérations modernes. Dans cette perspective, nous proposons d’orienter la réflexion autour des trois objets qui font le titre de notre séminaire : ésotérisme, magie et sorcellerie. L’ésotérisme, tout d’abord, du grec « ésôtéros », désigne tout enseignement doctrinal – religieux ou spirituel – réservé à une caste d’initiés. La définition est vaste puisqu’elle désigne aussi bien, au Moyen Âge, les enseignements religieux autorisés ou non par les autorités religieuses (mystique chrétienne, islamique, juive, mais aussi des doctrines dissidentes ou concurrentes) que les savoirs populaires (superstitions, connaissance des plantes, du corps) ou encore les savoirs jugés occultes (alchimie, astrologie, magie, sorcellerie, divination). Le champ d’investigation est étendu, mais nous pouvons le réduire par l’étude des termes suivants : la magie et la sorcellerie, relevant tous deux du domaine de l’occultisme.

Dans ses Étymologies, Isidore de Séville conçoit les magiciens comme des faiseurs de maléfices qui, par leurs incantations, mettent en danger les esprits des hommes et causent le désordre sur terre. Dès le Moyen Âge, donc, la magie est perçue depuis l’Occident chrétien comme une force destructrice, voire démoniaque. Cependant, l’étymologie du terme, qui provient du grec « mageia » et d’un mot iranien qui désignait l’art des prêtres de la Perse antique, nous indique déjà la pluralité des points de vue à l’égard de cette pratique. La magie, et ses disciplines transversales comme l’astrologie, l’alchimie ou encore la médecine, sont parfois perçues comme des savoirs acceptables en ce qu’ils s’insèrent dans une dynamique d’interprétation du monde. Il serait toutefois réducteur de s’en tenir à une dichotomie de la magie qui opposerait le bon et le mal. Ce séminaire pourra être l’occasion d’explorer et/ou de questionner cet entre-deux.

D’une manière générale, la sorcellerie, de “sortiarum” qui signifie lire le destin d’une personne, désigne, quant à elle, une pratique magique destinée à répandre le mal ou à améliorer le sort d’une personne. Contrairement à la magie, apanage des lettrés et des savants, la sorcellerie concerne un public plus populaire, issu des villes et campagnes et ne sachant le plus souvent ni lire, ni écrire. Le phénomène de sorcellerie connaît de nombreuses mutations tout au long du Moyen Âge. Si durant le haut Moyen Âge la pratique est relativement tolérée (mauvais sorts et formules magiques sont condamnés depuis plusieurs siècles, mais ne mènent pas pour autant au bûcher), la fin de la période voit se développer une action judiciaire, dogmatique et doctrinale qui conduit à un mouvement de criminalisation et de répression de la sorcellerie.

Axes de recherche :

- Réceptions contemporaines, entre information et déformation

- Le champ du médiévalisme

- Axiologie de l'ésotérisme, magie, sorcellerie

- Linguistique historique et épistémologie

-La question politique et la justice

- Pratiques et rituels

- Perceptions sociales et constructions individuelles des mages, sorciers et sorcières

- Du centre aux marges, du dogme aux hérésies

- L'iconographie, l'enluminure, la représentation

- De la science à l'occultisme

- Perspective diachronique et réflexion diatopique

- Traités et sources théoriques