Revue de Littérature Comparée, 2021/1: Centenaire de la revue,
Klincksieck, 2021.
EAN13 : 9782252045381.
La Revue de Littérature Comparée a 100 ans!
Fondée en 1921 par Fernand Baldensperger et Paul Hazard, la Revue de littérature comparée, rédigée en français et en anglais, est une revue à comité de lecture qui a une vaste diffusion internationale.
Consacrée aux études comparatistes sur les littératures de l'Europe et du monde, elle en propose des approches historiques, théoriques ou méthodologiques. Elle est actuellement dirigée par Pierre Brunel, Véronique Gély et Daniel-Henri Pageaux. Anne Teulade en est la secrétaire.
Les quatre livraisons de l'année 2021 seront consacrées au centenaire de la Revue de Littérature Comparée.
Le numéro 2021/1 se concentre sur l'histoire du comparatisme français, à travers l'histoire de la revue et notamment de ses commencements.
Table des matières :
Daniel-Henri Pageaux • Regards sur cent ans de comparatisme
Bernard Franco • Fernand Baldensperger et les premières définitions de la littérature comparée
Francis Claudon • Fernand Baldensperger (1871-1958). Retour sur une ambition
Pierre Brunel • Paul Hazard (1878-1944)
Étienne Crosnier • Paul Hazard, l’amour d’une vie pour les littératures du Nord
Pierre Brunel • Documents sur Édouard Champion, Paul Hazard et Fernand Baldensperger
William Marx • Comparatisme et nationalisme au lendemain de la Grande Guerre
Yves Chevrel • Vingt-cinq ans après : le recommencement
Véronique Gély • Les « femmes de lettres » dans les quatre premiers numéros de la Revue de littérature comparée
Jean Canavaggio • Un maître des études hispaniques et sa collaboration en 1921 à la Revue de littérature comparée. Alfred Morel-Fatio (1850-1924)
Chantal Foucrier • De She à L’Atlantide : une polémique questionnée par la Revue de littérature comparée en 1921
Dominique Millet-Gérard • Claudel — Dante 1921.
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Daniel-Henri PAGEAUX, Regards sur cent ans de comparatisme
On a souhaité donner d’abord, de façon tout à la fois précise et synthétique, un historique de la RLC, en insistant sur les orientations intellectuelles, voire philosophiques qui ont présidé à sa fondation, puis en donnant un panorama aussi détaillé que possible des questions et des thèmes abordés, en particulier à partir des numéros dits « spéciaux ». En un siècle, la RLC a su tenir, tant au plan national qu’international, un rôle et une fonction de tribune, de lieu permanent d’échanges, de propositions et de réflexions.
Bernard FRANCO, Fernand Baldensperger et les premières définitions de la littérature comparée
Dans le tout premier article de la Revue de Littérature Comparée publié peu de temps après la fin de la Première Guerre mondiale, Fernand Baldensperger propose une définition de la littérature comparée imprégnée d’un idéal humaniste qui a traversé l’histoire de la discipline. Il la rapproche de la méthode de l’histoire littéraire prônée par Lanson et de l’« histoire comparée des littératures » évoquée par Joseph Texte, dans une relation ambivalente d’opposition avec la méthode des parallèles. Une telle conception est proche des origines romantiques de la discipline, qu’il s’agisse des premières définitions de la littérature comparée chez Ampère ou du relativisme esthétique propre à la critique romantique en général. Mais dans sa volonté d’embrasser les sciences humaines, Baldensperger défend également une conception de la discipline bien plus moderne qu’on ne l’a souvent dit.
Francis CLAUDON, Fernand Baldensperger (1871-1958). Retour sur une ambition
F. Baldensperger (1871-1958), premier directeur de la RLC, a laissé des mémoires. Une vie parmi d’autres (1940) comporte bien des indications intéressantes. L’expérience de l’étranger s’est faite, pour lui, vers 1880-1890, à Saint- Dié et à Zurich, par et contre l’Allemagne du Reich wilhelminien. D’autre part Baldensperger s’est élevé contre une certaine myopie intellectuelle de l’époque. Sa carrière s’est développée grâce à des appuis politiques (L. Liard, S. Charléty, M. Barrès), ses emplois, (Strasbourg en particulier, au moment de la fondation de la revue) ont été des choix calculés. Sa conception des « interrelations littéraires » s’inscrit dans la tradition historiciste de Taine ; elle diffère, sans l’exclure, de celle, formaliste et esthétisante, de ses contemporains germaniques (Walzel, Jolles).
Pierre BRUNEL, Paul Hazard (1878-1944)
Trop tôt disparu, Paul Hazard a fait une brillante carrière, qui l’a conduit au Collège de France en 1925 et à l’Académie française en 1940. Originaire du Nord, il a été attiré par l’Italie et il est devenu le maître des études sur les littératures du Midi, mais sans jamais perdre le contact avec ses origines tant comme écrivain que comme comparatiste. Plus jeune que Fernand Baldensperger et à certains égards pouvant être considéré comme son disciple, il a été choisi par lui pour diriger, à sa fondation même en 1921, la Revue de littérature comparée. Elle lui doit beaucoup, même si, très respectueux de celui qui présida à ses destinées de comparatistes, il tendait à s’effacer derrière lui. Il a d’ailleurs, après 1935, assuré une continuité indispensable et, grand voyageur, comme Baldensperger, il s’est comme lui, largement ouvert au monde.
Étienne CROSNIER, Paul Hazard, l’amour d’une vie pour les littératures du Nord
Né à Noordpeene, près de Dunkerque, Paul Hazard (1878-1944), ancien élève de l’ENS et agrégé de Lettres classiques, est considéré aujourd’hui comme le grand spécialiste de la littérature italienne du XVIIIe siècle. Sa thèse de doctorat, La Révolution française et les lettres italiennes (1789-1815), en est la pierre angulaire. Mais Paul Hazard ne s’est jamais détourné de ses premières amours, les littératures nordiques. Il met ainsi en lumière, dans « L’invasion des littératures du Nord dans l’Italie du XVIIIe siècle » (RLC, 1921), l’influence et la modernité des œuvres d’Ossian, Shakespeare et Goethe. Avant de nous surprendre avec un essai, Le Charme d’Andersen (1930), qui révèle, au-delà de son attachement aux littératures enfantines, l’humanisme profond de l’enseignant et du chercheur qu’il n’a jamais cessé de manifester dans ses écrits.
William MARX, Comparatisme et nationalisme au lendemain de la Grande Guerre
Fondée au lendemain de la Première Guerre mondiale dans une Europe saignée et dévastée, la Revue de littérature comparée se donna pour mission d’ouvrir à un « nouvel humanisme » adapté à ce monde sortant à peine des cendres, et susceptible de retarder un feu qui ne demandait qu’à renaître. Or, dans un contexte marqué de nationalismes exacerbés, l’histoire comparée des littératures ne fut pas toujours considérée comme une entreprise neutre et pacifique. La Revue elle-même, qui fut dès le départ traversée de ces tensions, sut toutefois se doter d’un programme théorique suffisamment solide pour s’en délivrer.
Yves CHEVREL, Vingt-cinq ans après : le recommencement
Durant l’occupation de la France par les nazis, de 1940 à 1945, la direction de la RLC a décidé de ne pas publier la revue. L’année suivante en Grande-Bretagne parait, à Cardiff, une revue qui en assure l’intérim : Comparative Literature Studies. F. Baldensperger y publie, en 1945, un article où il revient sur les débuts de la RLC, en rappelant les espoirs soulevés par la fin de la « Grande Guerre » et en les confrontant aux réalités qui ont suivi. De son côté, J.-M. Carré titre « Recommencement » l’article de tête de la première livraison de la RLC à reparaître en 1946. Les deux articles, de tonalités différentes, manifestent l’un et l’autre la volonté de concevoir la littérature comparée comme une discipline au service d’un humanisme moderne.
Véronique GÉLY, Les « femmes de lettres » dans les quatre premiers numéros de la Revue de littérature comparée
La Revue de littérature comparée en 1921 reflète la difficile entrée des femmes dans le champ littéraire, aussi bien comme objets que comme sujets d’étude et d’analyse. Mécènes, étudiantes et chercheuses, les écrivaines sont peu visibles dans les titres des différentes rubriques. Elles sont toutefois bien présentes. La RLC mentionne et commente les travaux de chercheuses qui sont parfois citées comme des autorités. Le phénomène le plus marquant est la référence constante faite à « Madame de Staël », véritable « mère fondatrice » de la littérature comparée.
Jean CANAVAGGIO, Un maître des études hispaniques et sa collaboration en 1921 à la Revue de littérature comparée. Alfred Morel-Fatio (1850-1924)
On doit à Alfred Morel-Fatio une brève contribution au premier numéro de la Revue de Littérature comparée. Le présent article, après en avoir résumé le contenu, retrace la carrière du fondateur des études hispaniques en France et s’emploie à montrer comment on peut comprendre qu’il n’ait pas donné une étude plus importante aux deux éditeurs de la revue.
Chantal FOUCRIER, De She à L’Atlantide : une polémique questionnée par La Revue de littérature comparée en 1921
On connaît le succès remporté par L’Atlantide, roman que Pierre Benoit fit paraître en 1919 et qui valut à ce dernier l’accusation d’avoir plagié She, récit qu’avait publié Henry Rider Haggard en 1887. L’affaire ayant suscité un procès, la presse se divisa dans d’innombrables articles qui ont contribué à donner à la question judiciaire la portée d’un débat intellectuel. En 1921, la Revue de Littérature Comparée fit état de cette polémique comme point d’appui d’une réflexion sur l’exploitation des sources dans la création littéraire. C’est à ce titre qu’elle intégra l’analyse des deux romans qu’avait rédigée l’angliciste P.-H. Cheffaud à la demande de Pierre Benoit en 1920. Après avoir éclairé le type d’arguments développés dans ce texte-plaidoyer, la présente étude se propose de montrer que celui-ci trouve plusieurs échos dans les problématiques comparatistes du moment, telles que l’influence des œuvres étrangères comme ferment de l’originalité dans les littératures européennes.
Dominique MILLET-GÉRARD, Claudel – Dante 1921
Cet article étudie l’Ode jubilaire pour le six-centième anniversaire de la mort de Dante, composée par Claudel sur la suggestion de l’italianiste Henry Cochin et publiée dans le Bulletin du jubilé du Comité catholique français. L’Ode est évoquée à deux reprises dans la Revue de littérature comparée de 1921. Doublé — comme dans la Vita Nova — d’un texte en prose explicatif, ce long dithyrambe en vers libres, nourri de citations de Dante, est esentiellement constitué d’une double prosopopée, celle de Béatrice suivant celle de Dante, sur les thèmes de l’exil, de l’amour et de la Joie, ce qui en fait un palimpseste du Soulier de Satin. De fait, l’impact autobiographique de l’Ode apparaît manifestement au regard des Lettres à Ysé contemporaines, et récemment livrées au public. Célébration et comparaison semblent ici céder le pas à une discrète substitution.
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