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Tendances et évolutions du cinéma de science-fiction (ReS Futurae)

Tendances et évolutions du cinéma de science-fiction (ReS Futurae)

Publié le par Marc Escola (Source : Simon Bréan)

Tendances et évolutions du cinéma de science-fiction

Appel à contributions pour le dossier n°16 de ReS Futurae

Dossier dirigé par

Daniel Tron (Université de Tours) et Simon Bréan (Sorbonne Université)

 

De Georges Méliès à George Lucas, la science-fiction entretient des rapports complexes avec les récits audiovisuels, le cinéma y tenant longtemps une place prépondérante. Littérature d’« images » autant que d’idées, la SF accompagne et se nourrit des progrès techniques en investissant le cinéma dès 1902, puis la télévision dans les années 40. Outre les aspects techniques et esthétiques inhérents à la production d’images d’un autre monde, les films de SF témoignent aussi de l’évolution des formes narratives qui tiennent autant aux « sources » littéraires – indirectes d’inspiration ou directes dans le cas des adaptations – qu’aux évolutions des conditions de production et de distribution des industries audiovisuelles.  À ce dialogue, longtemps central, entre megatexts littéraire et cinématographique, se sont ajoutées progressivement d’autres déterminations. Actuellement, les tendances et évolutions du cinéma de science-fiction entrent aussi en résonance avec les autres modalités de production audiovisuelle, séries télévisées et expérimentations transmédiatiques. Son étude implique donc de tenir compte des nouvelles spécificités médiatiques en complément de leur rapport au creuset historiquement littéraire du genre, tout en leur conservant leur part indifférenciée dans le genre. Ce sont ces trois orientations que ce dossier aura vocation à repérer, cartographier et analyser, afin d’interroger les modalités contemporaines du cinéma de science-fiction, tant dans son mode de production que ses différents dispositifs.

Vecteur majeur de diffusion du genre, les récits filmiques ont un rôle important sur la perception de la science-fiction et par la même sur l’évolution du fandom dont l’influence est particulièrement importante sur l’évolution du genre dans le champ de la science-fiction. L’un des axes principaux de ce dossier consistera en premier lieu à identifier les évolutions les plus remarquables de la production cinématographique de science-fiction depuis les années 1980, moment où le modèle économique soutenant la création se déplace progressivement vers la dynamique du « blockbuster », dont il devient d’usage de célébrer la surenchère d’effets spéciaux, tout en ménageant un espace d’esthétisation ou de conceptualisation pour une plus grande variété d’œuvres. Des approches d’histoire du cinéma pourront être complétées par des études identifiant les modalités de traitement de certains sous-genres : l’exploration spatiale (en particulier martienne), le retour vers la figure de l’extraterrestre comme support de critique sociale, ou encore le traitement des représentations dystopiques de l’avenir proche.   Un deuxième angle d’approche portera sur les interactions entre cinéma et littérature en science-fiction. La narration filmique se présente à la fois comme une héritière de la littérature et comme un facteur de son évolution. Les adaptations en films, cycles de films (voire actuellement en séries télévisées) constituent des cas particuliers dont l’analyse met en lumière à la fois les différences entre narration littéraire et filmique –quel que soit le genre – et les convergences narratologiques entre les deux médias. L’exemple de Blade Runner pourrait être emblématique de cette complexité : à la fois adaptation et réinvention, il inaugure à l’époque une esthétique noir-SF qui a durablement marqué les représentations du cyberpunk alors contemporain : son héritage iconique a durablement marqué l’espace littéraire comme cinématographique, jusqu’à presque susciter un sous-genre, ou une esthétique spécifique de l’adaptation dickienne, un « style Dick » dont la cohérence tient autant aux thèmes récurrents de l’auteur source, qu’à la propension des studios de cinéma à tenter de « reproduire » ses succès critiques et commerciaux et au développement progressif d’un megatext propre aux genres cinématographiques et, au-delà, audiovisuels (Broderick, 1995). Une troisième piste consistera ainsi à interroger les franchissements de frontières qui reconfigurent de plus en plus la conception que nous pouvons nous faire de l’œuvre cinématographique de science-fiction. Un premier facteur semble être la tension vers le cycle, propre aux évolutions médiatiques contemporaines (voir Besson 2004 et 2018). Les succès de Star Wars, de Harry Potter et du Seigneur des Anneaux ont changé les canons industriels et ont fait des cycles de films un format de prédilection du genre, comme en témoigne la multiplication des adaptations de cycles de science-fiction « young adult ». La logique sérielle s’est déplacée de la télévision vers le cinéma, que ce soit pour les enjeux du passage de la forme courte à la forme longue (les films comme continuation de la série originale, selon une logique reprise par exemple pour la série Firefly et le film Serenity), ou pour les dialogues établis entre films et réalisateurs (effets de réécriture massifs mobilisés pour le reboot de Star Trekmené par J. J. Abrams, pour les épisodes les plus récents de la franchise Star Wars, ou encore dans la dernière trilogie de La Planète des singes). Second facteur, complémentaire : la tension accrue vers une porosité transfictionnelle du genre. Logique d’univers étendue ou dynamique transmédiatique, la transfictionnalité est l’un des facteurs déterminants de la production audiovisuelle contemporaine en science-fiction, depuis les tentatives novatrices des Wachowski dans Matrix(paradigme en leur temps de la dynamique transmédia identifiée par Jenkins, 2013), jusqu’aux entreprises commerciales complexes mises en œuvre pour les franchises Marvel sous la houlette de Joss Whedon, dont les stratégies et les procédés de mise en cohérence des facultés et objets spéciaux empruntent aux images et idées de la science-fiction.

Nous proposons en somme d’étudier les formes contemporaines des récits de science-fiction au cinéma, selon les orientations suivantes :

  • Héritages et permanences, évolutions et innovations : réflexions sur l’histoire du cinéma de science-fiction, dans son ensemble ou de manière plus ciblée ; sur les tendances récentes de la création en science-fiction.
  • Genres et sous-genres : tout ce qui permet d’établir des continuités esthétiques, qu’il s’agisse de l’établissements de codes génériques (space opera, cyberpunk), de référence auctoriale explicite ou implicite (ce dont Dick est un paradigme, mais sans doute pas l’exemple unique)
  • Adaptations et circulations médiatiques, entre cinéma et littérature, bande dessinée, jeux vidéo, d’une part (adaptations, transmedia) ; entre formes longues d’autres part (reboots, remakes, intericonicité)
  • Architectures d’univers déployées dans des cycles de science-fiction

On attend des contributions une intégration explicite et problématisée dans l’état de l’art international (études cinématographiques et science fiction studies). Les articles à orientation monographique, en particulier, prendront soin de situer l’étude dans un cadre théorique précis.

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Échéances

Les propositions d’articles d’environ 250 mots, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 15 juin 2019 conjointement à

Daniel Tron (daniel.tron@univ-tours.fr)  et Simon Bréan (simon.brean@sorbonne-universite.fr),

pour une réponse au plus tard début juillet.

La date de remise des articles est fixée au 25 octobre 2019.

Les auteurs sont invités à consulter les consignes aux auteurs.

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Bibliographie indicative

  • ALTMAN, Rick, Film/Genre, Londres, BFI, 1999
  • AMIEL Vincent et COUTÉ Pascal, Formes et obsessions du cinéma américain contemporain, Paris, Klincksieck, 2003
  • BERTHELOT Francis, CLERMONT Philippe, ScienceFiction et imaginaires contemporains, Paris, Bragelonne, 2007
  • BESSON Anne, D’Asimov à Tolkien, Cycles et séries dans la littérature de genre, Paris, CNRS Éditions, 2004.
  • BESSON Anne, Constellations. Des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, Paris, CNRS Éditions, 2015.
  • BOZZETTO, Roger, L’obscur objet d’un savoir, fantastique et science-fiction, deux littératures de l’imaginaire (Publications de l’université de Provence, 1992)
  • BOZZETTO, Roger, MENEGALDO, Gilles, Les Nouvelles Formes de la science-fiction, Colloque de Cerisy, Paris, Bragelonne, 2006
  • BRÉAN, Simon, La Science-Fiction en France : Théorie et histoire d’une littérature, Paris, PU Paris-Sorbonne, 2012
  • BRODERICK Damien, Reading by Starlight, Routledge, 1995.
  • DOLEŽEL, Lubomir, Heterocosmica : Fiction and Possible Worlds, Johns Hopkins UniversityPress, 1997
  • DUPERRAY, Max, MENEGALDO Gilles, SIPIERE, Dominique, Eclats du noir – Généricité et hybridation dans la littérature et le cinéma du monde anglophone, Université de Provence, 2007
  • ECO, Umberto, Lector in Fabula, le rôle du lecteur, Paris, Grasset &Fasquelle, coll. Biblio essais, 1985
  • JAMESON, Fredric, Signatures of the Visible, Routledge, 1992
  • JENKINS Henry, La Culture de la convergenceDes médias au transmedia, Paris, Armand Colin, 2013
  • LANGLET Irène, La Science-fiction : Lecture et poétique d’un genre littéraire, Paris, Armand Colin, 2006
  • MOINE, Raphaëlle, Les genres du cinéma, Paris, Nathan, 2002,
  • RYAN, Marie-Laure, Possible Worlds, Artificial Intelligence and Narrative Theory, Indiana UniversityPress, 1992
  • SCHAEFFER, Jean-Marie, Qu’est-ce qu’un genre littéraire ?, Paris, Editions du Seuil, 1989
  • SAINT-GELAIS, Richard, L’Empire du Pseudo, modernités de la science-fiction, Québec, Editions Nota Bene, 1999