Actualité
Appels à contributions
Roland Barthes. Usages, détournements & mythologies en Europe de l’Est, avant et après 1989 

Roland Barthes. Usages, détournements & mythologies en Europe de l’Est, avant et après 1989

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Alexandru Matei)

Roland Barthes. Usages, détournements & mythologies en Europe de l’Est, avant et après 1989 

Par son œuvre, son parcours intellectuel et éthique, Roland Barthes reste une figure majeure, à la fois singulière et symptomatique de la culture littéraire européenne (de son exceptionnalisme, de son scepticisme, de sa fragilité) dans ses rapports avec la culture de masse et avec les évolutions de l’idée d’individu humain durant la seconde moitié du XXe siècle. Singulière car elle mélange engagement idéologique, théorie, essai et mystique dans une écriture hyper-réflexive et intensément personnelle ; symptomatique car, même si ses intérêts vont à la fois à la littérature classique et à la culture de masse, Barthes n’ambitionne pas une théorie métaphysique ni d’ailleurs une théorie culturelle. Il passe de l’engagement au scepticisme misologue et de la pratique scientifique à l’exercice spirituel. Il retrouve la positivité dans l’ineffable du corps et de la sensation, comme pour compenser le vide des positivités modernes – conscience, objets, faits. Ce qui rend son œuvre actuelle, c’est moins la dimension technicienne des années 1950-1960 et les interprétations littéraires auxquelles elle donne lieu (de l’œuvre dramatique de Racine ou de Brecht, du roman réaliste du XIXe siècle, du Nouveau Roman) que le dialogue permanent qu’elle instaure entre le désir d’émanciper les savoirs de toute tutelle idéologique et une profonde réflexion éthique, dont témoigne la publication récente des cours au Collège de France. Le nom de Roland Barthes ne se limite pas à la France : passeur culturel de la « théorie » aux Etats˗Unis et, de là, porteur de « theory » au sein de la recherche universitaire en sciences humaines au˗delà de l’Europe, il est un hérétique par rapport au structuralisme littéraire d’une part, et au marxisme, d’autre part. Sa présence dans le monde occidental a suscité de nombreuses études. Mais son influence en Europe de l’Est (son rapport ambivalent avec le marxisme, avec Marx, avec la gauche) est encore trop négligée par les chercheurs. 

Ainsi, la réception de son œuvre en Europe de l’Est, avant et après la chute du mur de Berlin, est-elle l’occasion privilégiée pour ses traducteurs, pour ses exégètes et pours tous ses lecteurs de revenir avec un regard neuf ou bien nostalgique sur les thèmes, les poncifs et les failles des discours idéologiques dominants dans les pays communistes par rapport auxquels les textes de Barthes ont fait figure de trublion. Comment la lecture de l’essayiste français, dans sa dimension à la fois théorique et éthique, a-t-elle permis de saborder, tromper, rendre à leurs vérités les discours de la propagande officielle ? La traduction et la réception des livres de Barthes à l’Est renvoient toujours, avant 1989, à de passionnantes aventures intellectuelles. L’ambivalence de son œuvre par rapport à la dimension politique, historique et idéologique des discours publics a donné lieu à des lectures parfois contradictoires ; en s’interrogeant sur cette rencontre et sur cette transplantation, on travaillera à une meilleure connaissance du langage que nous parlions, qui nous parlait, et des utopies discursives où nos intellectuels se retiraient, à l’abri de la dystopie discursive du pouvoir politique. Comment les investigations barthésiennes sur la teneur idéologique de tout langage public ont-elles pu être diffusées dans les pays de l’Est durant le communisme, et à quels prix ? Comment de nouvelles théories en sciences humaines se sont-elles nourries des réflexions barthésiennes ? En quoi une mythologie du langage public est-elle une entreprise nécessaire, requise par toute entreprise intellectuelle, qu’elle soit universitaire ou non ? 

Tout aussi passionnant sera de prendre la mesure de l’héritage que laisse l’œuvre de Barthes dans ces pays après 1990 et d’évaluer, aujourd’hui, son actualité dans l’enseignement des sciences humaines, des lettres, dans les universités est-européennes, au moment où l’enseignement humaniste doit affronter une crise de légitimité sans précédent. L’œuvre de Barthes a été et reste, depuis le début des années 1960 où elle commence à franchir les frontières culturelles, un véhicule important de diffusion de la langue française dans l’enseignement supérieur européen et mondial ; sa dimension critique a rénové les études littéraires tout en revivifiant également un important corpus littéraire français. Notre colloque s’attachera ainsi également à rendre compte de l’influence que l’œuvre de Barthes exerce et a exercé sur l’enseignement de la littérature française dans les universités de l’Europe orientale. Quelques années avant le centenaire de la naissance de Barthes, ce colloque s’adresse aux professeurs, chercheurs, traducteurs et étudiants francophones de l’Europe de l’Est, mais aussi du monde entier. Autour des textes barthésiens, nous chercherons à mieux comprendre les enjeux intellectuels, idéologiques et cognitifs du monde universitaire, de notre histoire récente et du monde actuel.

Vos communications pourront porter sur les thématiques suivantes :

Roland Barthes et les pays de l’Est : réception, usages, détournements Roland Barthes, style et / ou idéologie Roland Barthes et les sciences humaines Roland Barthes et la distance critique Roland Barthes et le politique Roland Barthes et la centralité de la littérature à l’Est Roland Barthes en « médiologue » Roland Barthes, théoricien « sinistre »

Organisation Comité scientifique

Eric MARTY, Université Paris VII – Président du comité scientifique Claude COSTE, Université Stendhal - Grenoble III Tiphaine SAMOYAULT, Université Paris III Serge ZENKINE, Université des Sciences Humaines, Moscou Gergely ANGYALOSI, Budapest Ioan PÂNZARU, CEREFREA -Villa Noël, Université de Bucarest Radu TOMA, Ecole Doctorale en Sciences Sociales (EDSS), Université de Bucarest Alexandru MATEI, Université Lumina - Bucarest, CEREFREA – Villa Noël, Université de Bucarest Comité d’organisation Alexandru MATEI, Université Lumina - Bucarest, CEREFREA – Villa Noël, Université de Bucarest Simona NECULA, CEREFREA – Villa Noël, Université de Bucarest Chloé BECQUERIAUX, Institut Français de Roumanie

Calendrier

1er Avril 2015 : envoi de la proposition d’article sous forme d’un résumé d’environ 350-400 mots en français aux adresses suivantes : amatei25@yahoo.com, simona.necula@villanoel.ro.

La proposition doit être accompagnée des noms, affiliations et adresses e-mail de tous les auteurs.

1er Mai 2015 : notification des résultats.

16-17 Octobre 2015 : soumission de la variante définitive de l’article.