Édition
Nouvelle parution
Panaït Istrati, Romain Rolland, Correspondance (1919-1935), éd. D. Lérault et J. Rière

Panaït Istrati, Romain Rolland, Correspondance (1919-1935), éd. D. Lérault et J. Rière

Publié le par Université de Lausanne

Panaït Istrati, Romain Rolland

Correspondance (1919-1935) 

éd. D. Lérault et J. Rière

Gallimard

ISBN : 9782072757969

656 p.

 

 

Singulier destin que celui de ces lettres! Traitant de sujets «sensibles» en des temps de «guerre froide», leur publication fut différée pendant quarante ans (de 1947 à 1987) car il s’agissait là d’une véritable bombe idéologique. Cette correspondance croisée, bien loin de n’être que l’évocation de la rencontre et de l’amitié entre ces deux hommes, est aussi et surtout un document psychologique et un acte politique. En 1987, quelque peu hâtivement, fut proposée une version aux transcriptions incomplètes ou réécrites («francisation» des textes d’Istrati). En 1990, une nouvelle édition parut, mais sans l’indispensable fidélité aux autographes. Il convient d’en procurer enfin une version intègre, à défaut de pouvoir être intégrale, des lettres ayant été perdues, voire détruites. Ainsi, par souci d’authenticité et afin de rendre évident le travail opiniâtre d’Istrati pour maîtriser une langue qui n’était pas celle «maternelle», c’est le texte brut des lettres qui est donné, toute francisation étant exclue. 

Cette correspondance nous renseigne sur une «politique de l’Amitié» telle que la concevait et la vivait chacun d’eux, sur leurs illusions et leurs contradictions quand ils entendaient ériger une mythique «indépendance de l’Esprit» face aux pouvoirs et aux totalitarismes du XXe siècle. Elle révèle aussi que, l’Histoire ayant fait irruption plus qu’en d’autres siècles dans la vie des peuples et des individus, amitiés et amours n’ont pu y échapper et, parfois, n’y ont pas résisté… C’est ce qu’il advint à ces deux hommes. À la fusion lyrique des débuts succède la prise de conscience de divergences irréversibles. Ces lettres sont inséparables des engagements comme des errements politiques de l’époque, où le refus de l’indifférence, le courage, l’exigence de vérité ont pu se transformer en crédulité, en sectarisme. La fin ne peut qu’être tragique. André Gide pensait que le monde serait sauvé par «les hérétiques» et non par les conformistes. Aux lecteurs d’en juger sur pièces.

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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage:

"Les guetteurs du Grand Soir", par Linda Lê (en ligne 2 juillet 2019)

« On ne perd rien quand on se livre entièrement », dit Panaït Istrati dans Nerrantsoula, un livre bref qui avait fait sa renommée en son temps. Toute l’œuvre de cet autodidacte, qui avait appris le français à l’âge de trente ans, en Suisse, après avoir quitté sa Roumanie natale, est celle d’un crève-la-faim, d’un contrebandier de la littérature qui, de son propre aveu, aimait se mêler de tout ce qui est humain, sans jamais perdre de vue son amour de la liberté car, dit-il dans Oncle Anghel, « pour l’homme libre, tout ce qui n’est pas la liberté c’est la mort, mais une mort sans fin ».