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Œdipe et le Sphinx, par Lise Revol et Claire Lechevalier (Séminaire TIGRE

Œdipe et le Sphinx, par Lise Revol et Claire Lechevalier (Séminaire TIGRE "Mythes et Illustration", séance 4, ENS Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Evanghelia Stead)

Lise Revol (Université de Gernoble Alpes)

                                           L'homme face au sphinx : naissance et décadence d'un mythe syncrétique

Un homme seul face au sphinx, détenteur des énigmes du monde. La scène, maintes fois réinterprétée, repose sur une condensation imaginaire entre deux figures originellement distinctes : le sphinx égyptien d'une part, à corps de lion et tête de pharaon, symbole de la puissance et de la divinité du pouvoir royal ; la sphinge grecque d'autre part, démon ravisseur à corps de lionne, buste de femme et ailes d'aigle, qui intervient notamment dans la légende thébaine pour questionner Œdipe.  Après avoir exploré sa double origine, nous nous pencherons sur le devenir de ce mythe syncrétique dans quelques textes et représentations du XIXe siècle. C'est là en effet que le sphinx prend une place centrale dans l'imaginaire occidental, incarnant tout ce qui résiste à l'esprit humain. A l'heure où la garantie divine commence à vaciller, la confrontation entre l'homme et le sphinx illustre à la fois l'espoir d'un monde encore chargé de sens et le sentiment croissant d'un désenchantement. Et si, à force d'être deviné, le sphinx n'avait plus rien à dire ? 


Claire Lechevalier (Université de Caen)

                                               Œdipe, « premier clochard du théâtre »

 La recréation d’Œdipe à Colone sur la scène contemporaine (Bruno Bayen, 1987, Klaus Michaël Grüber 2003…), parfois associé en diptyque à Œdipe-Roi (Jean-Pierre Vincent, 1989…), voire reconstruit au sein d’une représentation de la geste des Labdacides (Joël Jouanneau, Sous l’œil d’Œdipe…), invite à reconsidérer le parcours d’Œdipe comme l’ « histoire d’une vie » (Wajdi Mouawad), et à mettre en regard les images canoniques de l’étape de Thèbes (Œdipe-Roi) avec celles de l’errance et de la mort. La scène contemporaine semble en effet ne plus pouvoir représenter l’Œdipe en majesté sans faire une place au roi déchu qu’il devient ensuite, sans s’interroger sur les conséquences de la catastrophe et la possibilité de vivre dans un monde de la culpabilité, de l’errance et de l’exclusion. Qu’il prenne la figure du clochard (dans les mises en scène de Jean-Pierre Vincent ou de Joël Jouanneau), du survivant (Grüber) ou du « hors-la-loi » (Bayen), l’exilé de Thèbes nous apparaît comme un homme en sursis, un homme brisé, imparfait, ou, pourrait-on dire dans une interprétation beckettienne, un homme à notre mesure.