Actualité
Appels à contributions
Littératures migrantes et traduction

Littératures migrantes et traduction

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Crystel Pinçonnat)

Appel à communication

Colloque international, « Littératures migrantes et traduction »

organisé par le CIELAM, Aix-Marseille Université, les 18, 19 et 20 juin 2014

 

La notion de littérature migrante est difficilement cernable. Toutefois, si on la considère du point de vue de la traduction, elle devient plus aisément identifiable. Sous cet angle en effet, on peut caractériser les textes qui relèvent de cette catégorie à partir des problèmes récurrents qu’ils posent au traducteur. Dans cette perspective, le colloque international « Littératures migrantes et traduction » propose de lancer une vaste réflexion sur les littératures migrantes.

Il convient en effet d’établir si littératures migrantes ne se caractérisent que par les formes et les référents culturels qui les investissent ou si elles constituent véritablement une catégorie à part. On peut, de fait, leur nier toute originalité et les classer au rang des pratiques plus ou moins hétérolingues que connaît la littérature occidentale depuis le Moyen Âge. Cependant, l’analyse paraît d’autant plus nécessaire aujourd’hui que, sur fond de globalisation, le débat autour de la notion de littérature mondiale s’est ranimé. Si l’on admet la validité d’une telle catégorie, elle absorbera toute production littéraire et la notion de littérature migrante perdra sa légitimité. À l’inverse, dans une période où les cultures nationales traversent une crise d’incertitude due, notamment, aux mouvements migratoires d’une ampleur inédite, les littératures migrantes pourraient offrir de nouveaux modèles de construction identitaire.

Pour aborder ces diverses perspectives, on partira des difficultés que rencontre tout traducteur qui travaille sur ce type de productions, puis on élargira progressivement la réflexion. Seront également abordées les différentes traditions critiques et, par là, les difficultés pour transférer les terminologies qui leur sont propres d’une langue à l’autre. On s’intéressera aussi aux éléments qui, d’un pays à l’autre, favorisent la traduction des littératures migrantes et déterminent la part du marché éditorial qui leur est accordée. D’emblée, on peut donc proposer trois principaux axes de réflexion.

1. Les littératures migrantes ont pour caractéristique fondamentale de produire une vaste translation culturelle d’un champ vers un autre, soit que l’écrivain ait adopté la langue du pays d’accueil et qu’il opère lui-même le processus de transfert, soit qu’il écrive encore dans sa langue d’écriture première et que ce travail relève de celui du traducteur. Comment dès lors, l’écrivain ou le traducteur traduisent-ils – à destination d’un lectorat qui les ignore – des manières de faire, des éléments culturels, voire des codes comportementaux, vestimentaires ou de tout autre nature vers une autre sphère culturelle ? Si l’écrivain allophone peut avoir recours à des pratiques translinguistiques massives dans son texte, le traducteur dispose-t-il, dans sa pratique, d’une même liberté ? Quand le texte original est publié avec un glossaire, l’usage est-il conservé par l’éditeur dans la version traduite ? On pourrait ainsi multiplier les questions qui confrontent la liberté de l’auteur et celle du traducteur, et interrogent également les pratiques éditoriales. Un exemple est assez explicite. Les textes pour la jeunesse du poète chicano, Gary Soto, sont toujours accompagnés d’un glossaire qui permet au jeune lecteur nord-américain de se familiariser avec les nombreux mexicanismes dont il émaille ses récits. En français, aucune des trois traductions publiées chez Castor Poche ne livre un tel outil. Pourquoi un tel écart ?

Qu’en est-il des difficultés de traduction liées aux effets de diglossie fréquents dans les littératures migrantes, effets auxquels s’ajoute ce que Regine Keil-Sagawe qualifie de « xénolecte », soit la transcription d’une prononciation fautive, comme celle de Bouzid, le père algérien du Gone du Chaâba d’Azouz Begag, qui s’exclame : « Zalouprix di Mounouprix ! » ? Quelles sont les stratégies utilisées par les traducteurs pour rendre de telles difficultés, en fonction de la langue-cible ?

2. Par delà la traduction même du texte, les littératures migrantes posent également des problèmes de terminologie. Comme l’écrit Myriam Geiser, si la notion de « littérature migrante » s’est généralisée au sein de la recherche francophone et anglophone, l’usage du terme « migrant » en épithète n’est pas traduisible en allemand où n’existe aucune notion équivalente. Comment dès lors tenter d’homogénéiser les pratiques  dans le discours critique ? Faut-il là aussi valoriser les pratiques translinguistiques ? Les résistances ne sont, par ailleurs, pas uniquement linguistiques. La critique nord-américaine a généralisé la notion d’ethnic literature, dans laquelle elle englobe un certain nombre de littératures migrantes (productions des écrivains d’origine hispanique, par exemple), or la notion ne passe pas en français où l’adjectif « ethnique » est fortement connoté, ce qui incite à chercher d’autres termes.

3. Le nombre de traductions relevant des littératures migrantes est très variable d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, la vogue des Minority Studies a nourri la demande éditoriale. Ainsi il n’a fallu que deux ans à Kiffe kiffe demain (2004) de Faïza Guène pour être traduit en anglais par Sarah Adams sous le titre Kiffe Kiffe Tomorrow. Quels sont les facteurs, les relais institutionnels, les vecteurs de diffusion privilégiés qui, d’un pays à l’autre, déterminent le marché de la traduction des littératures migrantes? On peut, en outre, se demander si les littératures migrantes sont traduites en tant que telles ou si elles perdent cette caractérisation et les aspects qui s’y attachent lorsque la traduction les fait passer dans les milieux de réception. À l’inverse, la traduction peut contribuer à la diffusion de la notion de littérature migrante lorsque celle-ci n’est pas familière au lectorat d’accueil.

 

Les propositions de communication (un titre accompagné d’un argumentaire d’un ou deux paragraphes) sont à envoyer pour le 20 décembre 2013. Les approches comparatistes de la question seront privilégiées.

 

Contacts :

Crystel Pinçonnat, Professeur de Littérature Comparée, Aix-Marseille Université

crystel.pinconnat@univ-amu.fr

Fridrun Rinner, Professeur de Littérature Comparée, Aix-Marseille Université

rinner.fridrun@free.fr