Actualité
Appels à contributions
Les pratiques amateurs, éclaircies du cinéma

Les pratiques amateurs, éclaircies du cinéma

Publié le par Marc Escola (Source : Rodolphe Olcèse)

Les outils et images amateurs ont toujours fait l’objet d’une attention particulière dans le champ des pratiques filmiques dites expérimentales. Ils désignent en effet un espace de réalisation nativement désolidarisé des préoccupations qui pèsent parfois lourdement sur la production cinématographique dépendante des institutions et, conséquemment, de l’industrie. Reposant le plus souvent sur des technologies qui ne demandent pas de prérequis particuliers en termes de savoir-faire, le film amateur en général et le film de famille en particulier se donnent comme le simple corrélat d’une manière d’être là, de partager une intimité, d’habiter une situation avec des proches. C’est cette simplicité du geste, permettant une prise d’image immédiate, qui fera dire à Jonas Mekas, dans son Ciné-journal, que le film de famille, tel qu’il pouvait se pratiquer dans les années 60-70, esquisse les possibilités d’un pur cinéma de poésie.

Il s’agira de prendre au pied de la lettre cette remarque de Jonas Mekas et d’accorder aux films dits amateurs une même qualité d’attention que celle que suscitent les pratiques filmiques qui se revendiquent comme telles, pour chercher à y déceler et desceller des moments de cinéma qui révèlent, par leur discrétion même, des possibilités essentielles du médium. Que dit le film amateur de l’acte de prise de vue ? Quel rapport au monde met-il en évidence ? Quels sont les espaces de représentation qu’il investit ? L’enjeu sera aussi d’interroger la porosité des frontières entre le film amateur et un cinéma qui se revendique comme tel (film expérimental, animation, documentaire ou fiction) et la manière dont une circulation des formes est peut-être directement rendue possible par les caractéristiques formelles associées aux pratiques amateurs.

Parmi ces caractéristiques, on peut d’ores et déjà relever les questions relatives à la durée, souvent courte, qui contribue à écarter le film amateur des canons d’un cinéma industriel, ou encore l’imprécision technique ou les dysfonctions (flou, bougé, décadrage) envisagées comme des opérations sensibles invitant à déplacer le cinéma et à y introduire des écarts, ce qui revient, peu ou prou, à en manifester ou à en ressaisir les déterminants fondamentaux. En cela, le film amateur retrouve incidemment l’une des ambitions fortes du cinéma d’avant-garde. Cet écart introduit par les pratiques amateurs est sans doute ce qui a pu en faire le lieu d’émergence et de croissance du cinéma militant, fortement dynamisé par la maniabilité et la légèreté des caméras grand public, susceptibles d’être érigées en caméra-témoin.

Un contrepoint de cette logique de déplacement du cinéma par les pratiques amateurs, inhérente aux outils et aux usages qu’ils suscitent, est la prégnance d’une tentative de normalisation de cette pratique, qui se signale de plusieurs manières. On peut relever notamment le fait que le marché du film amateur a été envisagé comme une manière de rentabiliser des technologies coûteuses développées en premier lieu pour l’industrie du cinéma en les diffusant à grande échelle ; ou encore la circulation, dans les milieux des ciné-clubs notamment, de divers manuels de réalisation à destination des amateurs, reposant sur des principes visant d’une certaine manière à atténuer l’écart formel introduit par ce qu’il y a d’indécis ou d’incertain dans les pratiques « non-professionnelles », invitées à prendre pour modèle des règles de réalisation héritées du cinéma industriel. À cet égard, il est significatif que le cinéma amateur ait pu disposer de ses propres circuits de programmation et de diffusion, trouvant notamment dans la forme festival un espace de partage le rapprochant singulièrement d’un cinéma dit « professionnel ».

Enfin, il conviendra de s’interroger sur le devenir des pratiques amateurs et sur la manière dont les technologies numériques en ont modifié les codes et les usages. Les pratiques filmiques amateurs ont été particulièrement facilitées par l’utilisation d’appareils de type smartphones, qui permettent tout à la fois de filmer et de diffuser des images. La massification, à une échelle inédite, de la pratique de l’image ne conduit-elle pas le film amateur à se dissoudre dans sa propre extension ?

3 axes possibles de réflexion sont proposés :

1/ Poétiques et politiques du film amateur
2/ Pratique amateur à l’aune des technologies contemporaines
3/ Economie et diffusion du film amateur

Modalités de soumission

Les propositions de communication (3000 signes espaces compris), accompagnées d’une brève notice biographique, sont attendues pour le 15 avril 2022 aux adresses suivantes :

rodolphe.olcese@univ-st-etienne.fr
jacopo.rasmi@univ-st-etienne.fr
jerome.dutel@univ-st-etienne.fr

Comité d’organisation

Rodolphe Olcèse
Jérôme Dutel
Jacopo Rasmi

Comité scientifique

Carole Nosella (Université Jean Monnet Saint-Etienne)
Jocelyn Dupont (Université de Perpignan)
Caroline Guigay (Université Saint-Denis)
Dario Marchiori (Université Lumière Lyon 2)
Antoine Ravat (Cinémathèque de Saint-Etienne)
Vincent Sorrel (Université Grenoble Alpes)
Benoît Turquety (Université de Lausanne)
Valérie Vignaux (Université de Caen)
Pascal Vimenet (réalisateur et critique)